(ne les chercher pas trop dans les hyperliens, ce sont bien des rôles très mineurs)
Attal & Zardi
Ils n'ont jamais obtenus les premiers rôles. Ils étaient tous deux comédiens. Ils étaient les seconds violons. Les troisièmes mêmes quelques fois. Les hommes d'une seule scène/réplique qui faisaient toujours sourire. (Les deux derniers à table ici à 4:44)
Ils étaient étranges, cabotins et bons.
Ils étaient l'un des tandems les plus loufoques du cinéma français et les figurants muets d'un film d'Hitchcock.
L'histoire veut que les deux apprentis acteurs se soient rencontrés à plusieurs reprises dans les attentes d'auditions pour le théâtre et le cinéma dans les années 50. À force de se croiser un peu partout ils seraient passés de connaissances à amis. Une colère commune, en fait, les aura ultimement unis. On avait promis à Henri Attal et à Dominique Zardi un rôle dans le film St-Tropez Blues (hihihi Higelin et Laforest ont déjà été jeunes...), une promesse non tenue qui les auraient plongés dans une colère noire au point qu'après une crise, ils auraient lancé une caméra à la mer. Face à cette intensité, le réalisateur aurait exigé de les engager tous les deux dans des rôles de marins bagarreurs pour le film. C'était 1960, le début d'une grande aventure pour le duo d'acteurs.
Et pourtant tout séparait les deux guignols. Zardi était scolarisé, cultivé, petit, blond aux cheveux courts, rondouillard, timide, réservé, militant intègre et profond tandis qu'Attal était peu instruit, grand aux cheveux noirs et souvent longs, élancé, baveux, un personnage flou, pittoresque, un elfe, un homme si bohème qu'à 60 ans il n'avait toujours pas de domicile fixe. Ils étaient aussi distancés l'un de l'autre que la première lettre de leur nom de famille l'est dans l'alphabet et pourtant on n'engagera pratiquement jamais l'un sans l'autre. À deux, ils ne feront plus qu'un à l'écran. Les Dupont et Dupond sans la canne et la moustache.
Ils tournent beaucoup dans l'efferverscence des années 60. Claude Chabrol les adopte et leur offrira leurs meilleurs rôles. Ils seront Robègue et Riais (clin d'oeil à Alain Robbe-Grillet) dans Les Biches, gardes dans Ophélia, gendarmes dans Landru, vigiles de la tour Eiffel dans Les Plus Grandes Escroqueries Du Monde: L'Homme Qui Vendit La Tour Eiffel, tueurs dans un aéroport dans Le Tigre Se Parfume à La Dynamite, agresseurs de Maurice Ronet dans Le Scandale et encore plusieurs, plusieurs fois chez Chabrol. Ils seront aussi de l'aventure cinématographique avec Jean-Pierre Mocky qui les utilisera souvent ensemble ou séparés. Trois fois pour Godard aussi. En faux aveugle dans Une Femme est une Femme, en consommateur de café grivois dans Masculin/Féminin et en pompistes goûtant à la médecine du tandem Belmondo/Karina dans Pierrot le Fou. Zardi passe même très près d'obtenir l'un des deux rôles principaux de Les Carabiniers mais une chicane avec le producteur lui fait perdre le rôle. Attal, seul, sera de l'aventure de Vivre Sa Vie pour Godard.
Quand Hitchock tourne Topaz en France en 1969, Attal & Zardi participent au tournage en tant que tueurs à gages. On les voit bien à l'arrière d'un bateau, en figuration, mais la majeure partie de leurs rôles sera coupé au montage final.
Aussi fidèles l'un pour l'autre à l'écran qu'ils seront fidèles à leurs réalisateurs, ils tournent aussi beaucoup pour Jacques Deray et Pierre Granier-Deferre.
Quand on demande à un réalisateur pourquoi engagent-ils des troisièmes rôles comme Attal & Zardi, ce dernier cite Raimu et répond "Vous savez dans le gigot ce qui est bon n'est pas la viande mais les pointes d'ail."
Ils tournent pour ses réalisateurs dans les années 80. Rarement ne leur offre-t-on autre chose que de la comédie. Des truands, des personnages sacrifiables qui ont souvent un destin ingrat, mais aussi des lignes mémorables qui font école leur sont offertes. Ce sont les clowns de la corrida. Les bouffons de service, les seconds couteaux et d'admirables serviteurs du cinéma français depuis la nouvelle vague jusqu'à nos jours.
Henry Attal tournera dans plus de 150 films. Né en 1936, il meurt parfaitement seul d'une crise d'asthme à l'âge de 67 ans. Seuls Zardi et Jean-Pierre Mocky sont présents pour enterrer "l'homme qui n'existait pas".
Dominique Zardi a joué dans plus de 500 films (!!), il était aussi écrivain, auteur d'une dizaine de romans ainsi que de son livre de souvenirs Le Comédien Fétiche du Cinéma, il a aussi composé de la musique pour les films de Chabrol. Il a trouvé le temps d'être journaliste et directeur de la revue de sports et de spectacles Euro Boxe Show. Il était aussi le grand-cousin de l'actrice Agnès Jaoui. Né en 1930, il est décédé en 2009 à l'âge de 79 ans.
Ils avaient tous deux des rôles toujours mineurs.
Mais leurs noms peuvent être légitimement et perpétuellement liés au bonheur.
C'est certain qu'ils font encore les cons là-haut.
Merci les clowns pour l'anti-baboune.
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