Inspiré par un album d'Arcade Fire dont je ne me lasse tout simplement pas, une fois par mois, un très très TRÈS personnel musée sonore d'incontournables albums qui ont su charmer mes oreilles au travers des années et qui le font toujours malgré le passage du temps vous sera offert sur ce site.
Habitués de ce blogue, vous savez que je suis très très intéressé par la zizik, forme de voyage facilement accessible et à peu de frais.
J'ai baptisé mon musée des albums incontournables de quatre mots tirés d'albums dont je ne causerai pas, conscient d'en avoir déjà assez causé ici.
Ils sont tous les quatres mémorables pour moi en ce sens qu'ils ont tous changé ma vie à leur façon. Ces quatre disques m'habitent complètement. J'en connais chaque son et ils me transportent encore de manière inexplicable dans des endroits toujours nouveaux même si les sons restent les mêmes. Ils atterissent juste à des endroits différents selon la météo mentale et physique.
"Blonde" pour Blonde on Blonde de Bob Dylan
"Idiote" pour The Idiot d'Iggy Pop
"Bassesse" pour Low de David Bowie
"Inoubliable" pour The Unforgettable Fire de U2
Par ordre de parution.
J'aurais pu rajouter The Suburbs d'Arcade Fire mais je m'accorde le droit de recul. Peut-être que dans 10 ans le voyage me paraîtra banal.
(tiens je viens de vous faire un top 5 vite fait sans m'en rendre compte!)
Blonde et Idiote Bassesse Inoubliable, ç'est B.I.B.I., c'est-à-dire, moi.
C'est aussi la terminaison finale du mot "habibi" qui, en Irak, veut dire "mon amour".
Blonde et Idiote Bassesse Inoubliable, c'est également parce que ça pourrait évoquer une maitresse, une erreur commandée par une appendice précise du corps.
Ce que la musique est très souvent.
Quand elle reste inoubliable pour les bonnes raisons.
FRANKS WILD YEARS de Tom Waits
1986.
Tom Waits est amoureux de Kathleen Brennan depuis le début des années 80. Il s'agit de l'une des collaborations amoureuses des plus harmonieuses du monde de la musique (à mes oreilles...). Brennan a fait bifurquer Waits du style blues/folk/Dylan/jazz vers un style plus excentrique, original, expérimental voire théâtral. Il réinvente, entre autre chose, l'utilisation des percussions en les utilisant continuellement de manière non conventionnelle. Théâtral je disais? Il n'est donc pas étonnant de voir Waits & Brennan écrire ensemble "un operachi romantico in two acts" qui offrira en musique et en théâtre (joué par le Steppenwolf Theater Company à partir du 22 juin 1986 à Chicago) un chef d'oeuvre pour mon oreille toujours sensibles aux sons du vieux fanfaron.
Inspiré de la musique allemande et de la musique de carnaval, Waits utilise des marimbas, du banjo, du trombone baryton, de l'orgue, des cris d'animaux, de l'accordéon et utilise une voix quelquefois si distortionnée qu'elle en frôle l'insupportable. Une amie m'avait avoué qu'elle avait trouvé l'écoute "torturante" quand je lui avais proposé l'écoute.
De la torture comme ça, pour moi, n'importe quand.
On a parfois l'impression sur cet album que Waits fait de "l'inside joke" que l'on ne saisirait pas. Ne serais-ce que le titre de l'album qui pourrait à la fois être une référence à son père (Frank) qui n'était pas un ange et aux années passées à faire des tournées en première partie de Frank Zappa. Frank's Wild Years est aussi une chanson d'un album de 1983 qui ne se retrouve pas sur celui-là.
Les chansons ne racontent pas vraiment une histoire cohérente pour l'auditeur mais offre de la musique hors pair.
Hang On St-Christopher annonce la couleur de l'album avec la guitare de Marc Ribot et la basse de Greg Cohen, deux géants pour mes oreilles, qui seront de tout l'opus. Excellente intro.
Straight To The Top (rhumba) Tribal Waits. Rares sont les chansons qui donnent des impressions de "traffic" en plein cours de chanson.
Sans pause, Blow Wind Blow est tout de suite enchainée. On entend une trompette nonchalante en arrière de la voix graveleuse de Waits. Superbe chanson de fin de soirée(alcoolisée...) à certain moments on croirait à un loup hurlant à la lune. Deliscioso.
Temptation offre Tom Waits en voix haut perchée, en voix de sorcière, en savoureuse tentation. I can't resist. Je savoure particulièrement les 5 notes des cuivres en sourdine. Feu, Jean-Claude Lauzon, qui savait flairer la qualité, avait utilisé la chanson dans son film Léolo.
Innocent When You Dream (barroom) Déchirante et innocente plainte au piano et à l'orgue. Waits en trois voix superposées. À en courir dans les cimetières en riant entre amis. Paul Auster et Wayne Wang en ont fait un bijou visuel (un personnel classique de Noël) dans le film Smoke.
I'll Be Gone. Pour boire mille naufrages, voler des chèques de paye, faire fuir les oiseaux de nos têtes (dont les coqs!), pour quitter en douce dans la matinée, facilement l'une de mes préférées.
Yesterday is Here. Brouillard, extrémités de l'arc-en-ciel et larmes du lendemain. Je vois Waits à dos d'âne là-dessus (!?!)
Please Wake Me Up. Passage lunaire de Waits et Brennan. Moins une harmonie qu'une impression vague de voyager dans le rêve d'un autre. Planant.
Frank's Theme. Pour la troisième fois déjà, Waits et Brennan nous invitent à voyager dans les rêves. 1:50 et fin du premier acte.
More Than Rain. Cette chanson donne un coup de pied fatal à toutes les mauvaises journées que le bon Dieu nous donne. Même si personne n'a attrapé le bouquet. It's more than a bad dream, now that I am sober.
Way Down in The Hole. On ne chasse pas le blues du Waits, le blues l'habite et il le crache ici. La fabuleuse série The Wire a d'ailleurs repris la chanson en ouverture de générique pendant 5 saisons. Ribot tordu en guitare.
Straight To The Top (vegas)/I'll Take New York. Crooner Tom. Ou Sinatra sur l'acide. Je n'ai trouvé que la version en spectacle à vous mettre en hyperlien mais je le concède, c'est généralement là que la torture opère. Moi-même, qui adore l'album saute ses deux morceaux de pur délire.
Telephone Call From Istanbul. (la version de l'album est bien meilleure, la section des cuivres étant jouée au banjo). Mon personnel bijou, J'ai écris un film d'une heure trente inspiré de cette chanson (inspiré de la ligne Never Drive a Car When You're Dead en fait) La finale originale (jouée à l'orgue) est bien meilleure sur l'album. (la version en hyperlien est en fait très très différente...et moins bonne).
Cold Cold Ground. Quand O.J.Simpson a assassiné sa femme j'entendais "nicole, cole Brown" continuellement. Hallucination auditive en support à la disparue, j'imagine. Hallucinante chanson anyway. Lauzon, autre douloureux disparu, l'a aussi utlisée dans Léolo.
Train Song. Je comprendrais quelqu'un qui en aurait eu assez de la voix de sauce à la viande de Tom rendu ici. Mais pour moi Waits conduit un train qui me fait décoller et qui me transporte ailleurs. Loin d'où j'ai les pieds. Un train qui a le pouvoir de ne jamais me ramener.
Innocent When You Dream 78. Plus sobre, épurée, à une seule voix, étouffée, la reprise de la chanson clotûre la fin du deuxième acte d'un album parfaitement magique pour moi.
Pour amateur de Kurt Weill, de vignettes romantiques, de rhumba démentes, de bouteilles dont le contenu glisse en rafale dans la gorge et d'effets affectés dans les interprétations.
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