vendredi 30 novembre 2012

La Face Crapou dans le Dash

Je l'avoue j'ai eu hier un brin de sympathie pour Daniel Breton.

Je les connais ces gens-là.

Enfant, on les voit tout rouge d'intensité mal calibrée sur le terrain de soccer. Ils poussent l'adversaire avec leurs mains et crient après l'arbitre pour rien. Ils pleurent si ils ne gagnent pas, ragent si ils se font compter des buts et ne sourient jamais autant qu'ils froncent les sourcils. Ils veulent gagner à tout prix alors que les camarades sont plutôt concentrés à s'amuser entre eux, à arracher de l'herbe ou à se donner des bines pour rigoler sur le banc.

On les connait extrêmes parce qu'ils ont connu l'autre extrême. La défaite, la pauvreté, l'humiliation qui accompagne tout ça. Des fonds qu'ils ne veulent plus visiter et que seule leur extrême intensité, bouclier sentimental, saura peut-être bloquer.

HéHo! ça roulait à 212 km/h en se faisant fermer des rues juste pour eux et tu veux nous faire verser une larme Jones?

Pas du schtroumpf.

Je n'excuse en rien Daniel Breton, il a fraudé, il a triché, il a semé ce qu'il a récolté. Je ne fais que mettre en lumière le masque d'homme un peu rond qui colle à son visage avec le temps. Cet homme aurait pu être mon père  -qui n'était surtout pas un tricheur toutefois- , plus Amnor que Sillery, plus bulldog que chat persan, plus Hell's que joggeur, plus football ou hockey que golf ou finesse. Et pourtant mon père aura été tout ça. Souvent en même temps et au même moment. Le jour de son décès il avait joué au volleyball en après-midi puis au hockey deux heures après. Il est décédé, un patin dans chaque pied.
Plus intense que douceur.
Je connais cette accumulation infreinable qui fait foncer sans voir le mur.

Je n'ai aucune difficulté à imaginer Daniel Breton, enfin roi, enfin en train de séjourner chez les "nantis", entrer comme un rottweiler dans une maison de chat quand il est allé voir les gens du BAPE.

Vous connaissez les histoires d'horreur qu'on entend au football des États-Unis. Des gars qui n'ont jamais eu d'argent de leur vie et qui soudainement pourraient acheter l'État dont il sont issus. Vous savez pourquoi ça vire à l'horreur? Parce qu'on leur a donné un pouvoir soudain qu'ils n'avaient jamais eu. Et là c'est trop de bonbons pour un même garçon, il s'étouffe avec. Il est multimillionnaire et soudainement il fait un vol à main armé, précédé d'une entrée par effraction.

Mais pourquoi? il avait tant d'argent! il n'avait pas besoin de ça!

Il avait aussi les mêmes réfléxes d'antan. Il avait tant mal décidé dans la vie qu'il ne savait trop comment s'y prendre une fois en position de force.

Daniel Breton l'a dit, profondément ému, et il l'a dit avec des mots de la rue.
"Je le sais c'est quoi perdre son emploi, je le sais c'est quoi perdre son apart., je le sais c'est quoi ne pas être certain d'avoir un plat su'à table en soirée".

Ça ressemblait à un discours de travailleur social. Mais c'était le ministre de l'environnement.

Perde son apart... qu'il a dit.
Ça a sonné comme un point d'orgue dans sa très très courte allocution de départ. Aussi courte que son séjour comme ministre (deux mois). Il n'a pas perdu de maison, une maison c'était comme son poste de ministre: plus grand que lui. Il a perdu son apart. Plus petit assurèment. Un apart qu'on a fui pour ne pas le payer pendant 13 mois. Un mot, appartement, qu'on a appris à simplifier par économie. On ne vivait que d'économie. Sauf en énergie. Là on avait de l'excès. L'énergie d'un joueur de football. Mais on ne peut pas être plus grand que nos 5 pieds 10 quand on mesure 5 pieds 10. Et Daniel était ce joueur qui garde des réflexes d'antan...

Le gars était une cible facile pour l'adversaire. Ça lui sortait de partout. Vous l'avez vu japper quand on a parlé de faire dévier des tuyaux de bitumineries par ici. Waf!Waf!Waf! Et c'est con parce qu'il avait en gros assez raison. Mais comme les propos venaient du gars qui fait du bruit avec sa paille quand il boit sa sloche, ça faisait rond un peu. Encore. Puis le trésor...

Tout ce passé qu'on ne peut jamais complètement effacer. Les fraudes. Les mauvais réflexes. L'absence de freins.

Il n'y avait pas que sur les circuits fermés que ça roulait à 255 km/h. Dans toutes les fibres de son être aussi.

Daniel n'avait pas de frein. C'est vers un nouveau mur qu'il fonçait. C'est de là qu'il nous parlait hier.
De son mur des lamentations.
La face crapou dans le dash.
C'est ça qui m'a touché.
Foncer comme ça à l'aveugle, c'est moche mais je connais.

Je voyais le bouclier sentimental dans le trémolo de la voix du rottweiler la queue entre les jambes.

Senti,
mental.

Pour une peut-être trop rare fois, il a pris hier la bonne décision.

jeudi 29 novembre 2012

Franz Kafka

Quand votre nom de famille devient adjectif dans la langue courante, c'est que vous avez laissé une marque indélébile de votre passage sur terre.

Une situation "kafkaesque" parle d'un moment surréaliste, labyrinthique, associé en général à l'existentialisme, et plus contextuellement encore, au socialisme à l'expressionisme et au marxisme.

Astérix et Obélix qui font 200 fois les étages d'un édifice dans la version animée des Douzes Travaux d'Astérix est une scène Kafkaesque (en plus d'être une féroce critique de la bureaucratie nettement en avance sur son temps!).

Pourtant, les 40 courtes années de vie de Franz Kafka n'auront été qu'ombres.

Né en 1883 à Prague, il est littéralement écrasé par l'ego surdimensionné de son père. Il est si distant de cet homme qui étouffe tout le monde autour qu'il communique avec lui par écrit. Le jeune Franz Kafka écrit beaucoup. Il communique toujours par lettres à son père, sa fiancée et à la plus jeune de ses soeurs. Ainé d'une famille de 6 enfants, tous les essais/erreurs paternels sont pratiqués sur lui. SA mère travaille auprès de son mari jusqu'à 12 heures par jour, si bien que les enfants Kafka sont plus souvent qu'autrement seuls ou élevés par des gouvernantes.

Kafka étudie sans passion le droit pour que son père se contente des possibilités de carrière qui miroitent dans ce champs de profession. C'est toutefois dans un cercle littéraire étudiant, qu'il fait la rencontre de Max Brod, un ami pour la vie, et qu'il découvre Platon, le grec, la littérature de Flaubert, Dostoievsky, Grillpazer et Von Kleist. Ceux qu'il appellera plus tard "ses frères de sang".

Kafka parle tchècoslovaque, le grec, allemand, yiddish et lit le français.

Il obtient son doctorat en droit en 1906 à l'âge de 23 ans. Il travaille comme commis aux assurances, un travail qui l'ennui profondément, lui demande 10 heures par jour d'activités mais sur lequel il s'applique beaucoup. Il est un travailleur qui livre la marchandise et qui s'exprime peu.

Heureusement, avec Brod et quelques autres amis, ils se forment un clan, Der enge Prager Kreis, un groupe d'amis écrivains qui publient ici et là dans les journaux et les magazines et le feront jusqu'à la fin de la première guerre mondiale.

Il découvre le théâtre et le judaisme et devient végétarien dans un 6 mois très intense de 1911.

Quand la guerre est déclarée, son travail aux assurances est considéré comme un "travail se rapportant à la guerre" et il n'a pas besoin d'aller au front. Toutefois Kafka voit là une possibilité d'évasion de ce qu'il considère sa prison. Il demande quand même à être mobilisé mais sa santé fragile, il était tuberculeux, le rendant inapte au service militaire.

18 de ses histoires sont réunies et publiées en 1912 sous le tître Regards.

La même année, après avoir rencontré une membre de la famille de son ami Brod, il croit avoir compris qui était cette personne simplement en lui regardant le visage. Dans la même nuit, il écrit de 22h00 à 6h le lendemain matin, d'un seul jet, assis à sa table et à la main, Le Verdict. Kafka est tranformé par l'expérience. Tout d'abord il est amoureux de celle qu'il a rencontré chez Brod, puis il travaille avec acharnement et discipline sur deux histoires L'Homme Qui N'existait Pas (qui deviendra L'Amérique) et La Métamorphose. Ce dernier livre sera publié trois ans plus tard, en pleine guerre et sans réèl écho public.

En 1913 Kafka commence à écrire Le Procès qui sera réédité en 1916 et 1920. Dans l'indifférence.

Pendant 5 ans, il correspond par écrit avec celle qu'il affectionne, s'engage deux fois à l'épouser mais laisse tout tomber quand il est à nouveau atteint de tuberculose. De plus, Kafka fréquente les bordels assidument. Peu séduisant pour une femme courtisée.

Kafka se déplace alors dans le village bohémien de Zürau où loge l'une de ses soeurs et son beau-frère et y écrit ce qui deviendra Les Aphorismes de Zürau ou Réflexions sur le Pêché, l'Espoir, la Douleur et la Vraie Nature. Il ne sera jamais aussi heureux puisqu'il n'a aucune obligation professionnelle, sentimentale ou familiale qui représentent des poids pour lui. En 1919, une collection de courtes histoires est publiée: Un Médecin de Campagne.

Vers 1920, il entretient une intense relation avec la journaliste et écrivaine Milena Jesenskà. Leur correspondance deviendra Lettres à Milena. En 1922, il écrit Le Château.
Il se tient loin de sa famille à Graal-Müritz et fréquente Dora Diamond, une enseignante de maternelle de 25 ans (Kafka en a 40) juive othodoxe. Elle lui fait découvrir le Talmud.

Inspiré de tout ça, il écrit ce qui sera Un Champion de Jeûne.

Fortement tuberculeux, manger lui fait extraordinairement mal à la gorge et il meurt alors, bêtement, de faim. (Se nourrir avec une sonde n'existe pas en 1924)

Parfait inconnu de son vivant, mort il deviendra célèbre. (...immortel?:)

Bien que Kafka aurait sacrifié 90% de ses écrits avant sa mort et demande à son ami et plakata testamentaire, Max Brod, de brûler tout ce qui reste, Brod choisit plutôt de les faire publier.

Il doit toutefois faire du collage et compléter certaines phrases lui-même car les notes sont dans un grand fouillis. Certains passages du Château sont dans le cahier de notes du Procès et le contenu est quelques fois si ambigü qu'il doit rérécrire certains paragraphes pour une compréhension générale plus facile. Ceci sera sujet de controverse longtemps mais le succès des livres est indéniable.

En 1925 est remis sur le marché Le Procès.
En 1926, Le Château
1927, L'Amérique
1931, Le Terrier
1937, Journal Intime
1945, Paraboles

En 2009 sont découverts Les Cahiers d'Octavo et un an plus tard est publié Les Aphorismes de Zürau.

Franz Kafka, à qui on a prêté des traits schizoïdes et paranoïdes a marqué profondément le monde moderne (auquel il était par ailleurs très intéressé).

L'œuvre de Kafka est vue comme symbole de l'homme déraciné. D'autres disent cependant que l'œuvre de Kafka est aussi une tentative, dans un combat apparent avec les « forces supérieures », de rendre l'initiative à l'individu, qui fait ses choix lui-même et en est responsable.

Kafka, en 2012, est toujours pertinent.
Il y a cent ans cette année qu'il a écrit d'un jet Le Verdict en une nuit folle de septembre.

mercredi 28 novembre 2012

Un Martyr

"At the still point of destruction, at the centre of the fury, all the angels all the devils, all around us can't you see?"
                                    -Gordon Sumner.

Hossein Khatami avait été recruté à l'âge de 13 ans.

Pas d'école secondaire, il ferait ce qu'on appelle là-bas "l'école militaire". On lui avait dit qu'il était de "l'élite". Que pour certains élus comme lui, il fallait passer par ces classes spéciales.

"Tu as vu grandir ton pays, l'Iran, avec des yeux d'enfants, avec nous, petit frère Hossein, tu verras l'Iran avec des yeux d'hommes, et Allah t'en seras éternellement reconnaissant" lui disait-on.

C'est une question d'honneur et de prestige dans la communauté que tu viens chercher, pensait Hossein. On ne pensera plus jamais à toi de la même façon.
Pendant 5 ans, il voyait ses frères se faire exploser et il savait. Il savait qu'ils avaient fait la bonne chose. Là où ils étaient maintenant, ils étaient en sécurité. Et pour toujours, dans le coeur des fidèles de l'Iran, dans le coeur de leurs familles et de leurs amis, ils étaient, et seraient à jamais des héros.

Techniquement, toutes les manières autres que celles du kamikaze étaient réprouvées. Aux yeux et aux oreilles d'Hossein en tout cas. On le privait d'actualités. On le logeait, on le nourrissait, on lui remplissait la tête de l'essentiel. L'essentiel de ce dont on voulait bien qu'il se rappelle.

Il fallait veiller face au pouvoir malveillant et pour Hossein, il n'y a guère mieux que ce qu'avait à lui offrir l'Iran. Il fallait résister jusqu'à la totale disparition d'Israël. Hossein n'avait plus besoin d'en être convaincu. Il avait besoin de le vivre. De le vivre par la mort. Il serait un martyr, il serait un demi-dieu. Là-haut, ce seraient des dizaines de vierges qui l'attendraient. Il le savait, on lui avait promis. C'est toujours important de posséder la femme complètement en Iran. Vierge devait-elle être. Pure. L'embrigadement mental est total. Hossein se ferait sauter à l'aéroport de Bulgarie. Il avait été fidèle à son Dieu, fidèle à son pays. Il serait grand, il avait tout juste 18 ans, les vierges l'attenderaient. L'attentat coïnciderait jour pour jour avec le 18e anniversaire de l'attentat commis en 1994 contre la Mutuelle juive argentine à Buenos Aires, qui avait fait 85 morts et 300 blessés.

L'excitation se mèlait à l'agitation qui elle, baignait dans la testostérone.

Hossein était un jeune homme maigre, il s'était mis une perruque. Il était habillé d'une chemisette bleue, d'une casquette bleue, d'un short, de chaussettes blanches et de chaussures de sport. Il allait et venait dans le salon de l'aéroport avec un grand sac-à-dos noir et un sac à ordinateur portable. On ne pouvait en rien le distinguer des autres touristes de l'aéroport. Il faisait les cents pas comme bien d'autres. Il attendait. Il attendait son heure de gloire. Puis voilà. La lumière divine, l'appel de l'au-delà, la sainteté instantanée, la frappe explosive.

L'explosion visait un autobus transférant au terminal de l'aéroprt de Bourges en Bulgarie, tout près de la Mer Noire, des touristes israéliens descendus d'un avion et qui devaient se rendre ensuite vers la station balnéaire de Slantchev Briag, au nord de Bourgas. Il y aura 7 morts, 5 Israéliens et 1 Bulgare. Hossein aussi y passera.

Mais lui, il a son accès direct aux vierges. C'était l'entente. Et le voilà au ciel, dans cet endroit étrange, où les vierges l'attendent...

"كسي هست؟ y a quelqu'un?"

Pas de réponse.

Une odeur. Âcre, presqu'une odeur d'urine. Épicée? la virginité serait-elle épicée? Hossein est excité.

"بله، در اینجا با, oui, par ici" entend enfin Hossein. Mais étais-ce...? étais-ce une voix d'homme?

"ما اينجا ما تو انتظار مي رفت، بز جوان, nous sommes là, nous t'attendions jeune bouc" lui dit un homme à la tête d'une quinzaine d'autres.

"اما ... اما ... کجا هستند دختران باكره؟ mais...mais...où sont les vierges?"

"ما مريم زيبا بور، ته دوتاي آنها بيشتر از همه ما نهفته است می دانم که شما از آلت تناسلی ترجيح مي داد تا اين تغيير
Nous sommes vierges beau blond, ne te conte plus de menteries, nous le savons tous que tu préférais les pénis aux matrices..."

"اما تو عیب یا چی؟ هيچ همجنس گرايان در يران! Mais vous êtes cons ou quoi? il n'y a pas d'homosexuels en Iran!"

Les rires entèrèrent la suite des évenements.

On l'a penché, embroché, comme tant là-bas souhaiteraient se le faire faire.

Mais dans le mensonge préfèrent-ils se tairent.
Un martyr ne saurait être vulgaire.

mardi 27 novembre 2012

Guerres Gratuites

"Chicanes-toi pas avec ton frère ce soir!"

Punkee a répondu avec un "PFF!" spontané à la simple évocation de son frère, de 4 ans, son ainé et en plein territoire adolescent. Ce conseil venait de l'amoureuse au deuxième étage avant que nous quittions, Punkee et moi pour se rendre à l'école le matin, 6h36. Elle, sanglée de son sac d'école et de sa boite à lunch agencés, moi, le cheveu fou mais le regard alerte debout dans l'entrée et qui attendait que la petite finisse de souhaiter bonne journée et ne prépare ses plans de guerre à livrer à un frère qui ne se doutait de rien encore à l'école secondaire qu'il fréquente, et finalement l'amoureuse, s'auto-séquestrant dans la salle de bain à l'étage, son bureau officiel à la maison, entre trois miroirs, douze produits testés en laboratoire (en lab de psychologie aussi), un fer, un séchoir et un évier.

Souvent la chatte miaule à l'amoureuse des jérémiades que celle-ci traduit par "papa y est pas fin en bas, il ne me donne pas ce que je veux". Ce qui est toujours faux car depuis 6h00 je lui ai en général non seulement donné quelques caresses mais en plus, je l'ai nourri, sec et mouillé , j'ai changé son eau et l'ai sorti deux ou trois fois pour mieux la faire rentrer à sa demande. La chatte sait que je suis complètement à la disposition des mongols de mon univers dès 5h59 puisqu'elle vient me miauler à moi pour me réveiller. Elle manipule comme une experte (c'est une femelle...)C'est mon réveil-matin aux couleurs biscuits oreo. Comme c'est moi le traducteur de la famille, je comprend très bien ce que miaule la chatte à l'amoureuse et c'est plutôt "Tu n'as pas besoin de tout ça, tu es tellement belle au naturel". Mais l'amoureuse n'entend pas ma traduction, elle a un séchoir dans le toupet. Elle livre ses conseils de son bureau baigné de vanité. Elle y entre dans un état X,  y passe de une à deux heures et après plusieurs bruits de mécanique esthétique qui oscillent entre le "pousch" et le "Vwouiiii", en ressort dans l'exact même état. Splendide jeune femme.

C'est là normalement que j'entends les worldcla$$expert$ applaudir dans leurs manoirs en lingots d'or. Comme à la fin de la série télé d'horreur The Swan.

Si l'amoureuse offrait ce précieux conseil ce matin-là (chicanes-toi pas avec ton frère!), c'est qu'en soirée, pendant une centvingtaine de minutes, les enfants seraient seuls, ensemble. Monkee a 13 ans, il irait chercher à pied celle qui complotait déjà pour le piéger depuis le matin et la ramènerait à la maison où ils feraient leurs devoirs ensemble.

Monkee peut être un ange parfois. Il a le tempéremment de sa mère.

En soirée j'étais prisonnier d'un mardi toujours surchargé de cours et l'amoureuse devait en donner un peu plus pour sa pauvre banque (qui lui fait faire l'escorte de temps à autre) ce qui laissait les deux mousses seuls dans le temple du désordre un bon deux heures, peut-être un peu plus.

Je m'inquiétais beaucoup, de mon plus vieux surtout.

Pas qu'il ne soit pas responsable ni rien mais j'avais surpris une conversation sur Facebook entre lui et deux de ses anciens amis du primaire qu'il voit maintenant beaucoup moins souvent. Ils ont gardé contact virtuellement par l'ordi ou le Xbox mais réèllement, ils ne se voient pratiquement plus. Ce sont deux fils uniques logeant un appartement en face de l'autre. Appelons-les Fécal et Fuckall. Ils se réunissent souvent tous les deux pour jouer sur Xbox. C'est là que mon fils les rejoint, virtuellement et ils se jasent de casque d'écoute en casque d'écoute.
Depuis son entrée au secondaire, le cercle d'amis de mon fils a triplé. Depuis quelques mois, depuis la rentrée en secondaire 2, les filles gravitent autour du beau petit ours brun. Ça semble rendre Fécal & Fuckall jaloux. J'ai surpris plusieurs conversations entre eux et mon fils où la détresse semblait perler de leur part et la maturité semblait déteindre de mon fils à l'autre extrémité.
Un exemple:
(conversation sur Facebook résumée comme elle a été composée)
Fécal: Moi j'hais ça quand mes amis se mettent à changer quand ils commencent à fréquenter d'autre monde. 
Monkee: ??
Fécal: non sais juste qui ton COMPLETEMANT CHANGER moi et Fuckall on pense donc jpense que sais vrai difficile a lire je sais...
Monkee: Ok mais ça n'a pas rapport avec le nouveau monde, tout le monde change c'est tout nos goûts changent.
Fécal: ahahh ben oui on vas dire NOS GOUT CHANGE lol moi et Fuckall on a rencontrer dautre ami sauf quon a pas changer comme toi tu pense que tais amis ont change pour toi non juste toi pour eux
Monkee: J'ai rien compris mais pas grave. xD
Fécal: Ben reli gros cave.

Avec des amis comme ça... J'ai trouvé les réponses de mon fils dangereusement matures. Je soupçonnais même que c'était maman qui l'avait épaulé sur le sujet. J'étais ailleurs quand cet échange avait lieu. Monkee avait laissé le Iphone sur son Facebook et le téléphone vibrait à chaque nouvelle réplique. Attaque gratuite motivée par la jalousie. Avec de tels échanges à mon endroit au même âge j'aurais mis l'épistolaire Fécal face à face avec son propre crétinisme. Le nez dans ses selles.
Ça me bouleversait plus que ça semblait le bouleverser lui. Il prenait tout ça en riant. Je trouvais son ami plutôt violent et Monkee, assurément trop mature pour son âge. Un "XD" comme un sourire-gueule-ouverte à la fin d'une conversation qui sonnait comme un coup de poing en pleine face? Enfouissait-il une blessure?

J'ai demandé à Monkee si il avait déjà traité Fécal de gros cave il a ri en disant que non. "Oublie pas que ce serait quand même toi qui aurait changé..." que je lui ai rajouté et il a encore plus ri. Monkee a "tant changé" qu'il va à la fête d'un ami du primaire justement ce week-end, fête à laquelle les deux perdants ne sont pas invités.

Ce sera la première fois, ils l'étaient auparavant. Mais c'est Monkee qui aurait changé...

Mais là, Monkee était home alone avec sa 'tite soeur. Je l'avais tout de même prévenu que ce serait pire les séparations innatendues avec le temps. Quand les filles se metteront de la partie, les blessures pourraient venir de partout sans prévenir, qu'il ne fallait pas s'en faire et qu'il avait une très bonne attitude dans cette mauvaise scène de téléroman adolescent.
Mais étais-ce un conseil de bécosse? Allait-il flusher en surface tout ça aussitôt entendu et pourrir de l'intérieur pour quelques idiots en mal de punching bag?

On a beau être mature, mais à 13 ans, on a 13 ans. On est intense comme nos 13 ans le commandent.

J'ai appelé du Mont-Royal en soirée pour voir si tout se passait bien. J'avais une boule dans la poitrine et je voulais la faire dévaler ailleurs. Je voulais mon petit singe près de moi.

"Hey Monkee, ça va? tout se passe bien? Comment a été ta journée?"
"allo papa, oui tout se passe bien, j'ai encore eu 100 en maths dans un test qui comptait seulement pour 5 % de la session, c'est frustrant!"
"C'est tu la seule chose qui te frustre?"
"...oui...pourquoi?"
"ben j'sais pas...peut-être que se faire traiter de gros cave par plus profond innocent qui a des abeilles dans la caboche..."
"HAHa! ben non j'm'en fous! c'est des imbéciles!"

Je faisais vraiment un travail de père effroyable, je lui suggèrais de prendre ça personnel...
Mais en même temps comment empêcher un papa puma de vouloir protéger sa portée?
J'étais moins mature que lui à qui je prêtais une fragilité qu'il n'avait pas du tout...

"T'es plus intelligent que je pensais, jeune loup, t'as pas oublié ta soeur?"
"FUCK! PUNKEE!"
Il a raccroché et s'est rendu à l'école avant qu'il ne soit trop tard.

Mature, mais il a bien 13 ans...

Je dois en avoir 17 moi-même... 18 max.
Tone down Daddy Jones, tone down...

(HIHI au moment de terminer ce texte, Pat Masbourian fait jouer à la radio un morceau dont le titre est fort à propos...:)

lundi 26 novembre 2012

Max Ernst

Max Ernst était un homme de dignes fréquentations.

Et de multiple talents.

Fils du peintre Philipp Ernst et de Louise Kopp, il est né à Brühl, en Allemagne, en 1891.

À 19 ans, il étudie la philosophie à l'Université de Bonn mais il tourne vite sa veste et se consacre à l'art. Il se joint au mouvement Der Blaue Reiter (le Cavalier Bleu), un groupe d'artiste expressioniste qui s'est formé à Munich. Il expose des peintures avec eux en 1913 et fait la rencontre de Guillaume Apollinaire et Robert Delaunay la même année. Ce sont eux qui l'inspirent à quitter pour Paris et à s'installer dans le quartier Montparnasse.

À 27 ans, et au tout début de la Première Guerre Mondiale, il marie une historienne de l'art mais le mariage ne tient pas une année. En rendant visite à Paul Klee, il est inspiré pour de nouvelles peintures, collages, impressions à la main, et expérimente différents supports et matériaux.

L'Allemagne le mobilise pour la Grande Guerre et il lutte auprès de ceux-ci malgré son expatriation en France. Il fondera avec Jean Arp et l'activiste social Johannes Theodor Baargeld le groupe dada de Cologne. En 1925, Max Ernst invente le frottage : il laisse courir une mine de crayon à papier sur une feuille posée sur un parquet ou une autre texture. Cette technique s'apparente à l'écriture automatique des écrivains surréalistes qu'il côtoie comme Paul Éluard et André Breton, à Monparnasse.

Il collabore avec le peintre Joan Miró pour la création de décors pour les spectacles chorégraphiques de Sergei Diaghilev. Avec l'aide de Miró, Max Ernst se lance dans l'élaboration d'une nouvelle technique, le grattage du pigment directement sur la toile. 

Il tourne en 1930 pour Luis Bunuel dans son film surréraliste L'Âge d'Or. 

En 1933, Max Ernst part en Italie.C'est là qu'il compose en trois semaines 182 collages à partir d'ouvrages français illustrés en noir et blanc de la fin du XIXe siècle. De retour à Paris, il les publie dans un ouvrage en cinq volumes appelé Une semaine de bonté ou les sept éléments capitaux.

L'année suivante, fréquentant Alberto Giacometti, il commence à sculpter. En 1937, il rencontre l'artiste peintre et romancière britannique d'inspiration surréaliste Leonora Carrington avec qui il part vivre à Saint-Martin-d'Ardèche. Il fait les décors de la pièce  de théâtre Ubu Enchaîné d'Alfred Jarry. L'héritière Étatsunienne Peggy Guggenheim achète un bon nombre d'œuvres de Max Ernst qu'elle expose dans son nouveau musée à Londres.

Dès le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, en septembre 1939, Max Ernst, allemand, ami de la France, est arrêté comme « étranger ennemi » et interné dans le camp des Milles près d'Aix-en-Provence. Avec l'aide du journaliste des États-Unis Varian Fry, il réussit à quitter le pays en compagnie de Peggy Guggenheim qu'il épouse en 1942. Max Ernst vit à New York où, avec les peintres Marcel Duchamp et Marc Chagall, il aide au développement de l'expressionnisme abstrait parmi les peintres Étatsuniens comme Jackson Pollock.

Son mariage avec Peggy Guggenheim est un échec. En 1946, il épouse la  un peintre, éditrice, sculptrice et écrivaine Dorothea Tanning en Californie. Max Ernst et sa dernière flamme s'installent à Sedona, en Arizona. En 1948, il écrit le traité « Beyond Painting » puis part voyager en Europe en 1950.

En 1952, il devient Satrape du Collège de ’Pataphysique où logent aussi (entre autre) Boris Vian, Alfred Jarry, Man Ray, René Clair, Antonin Artaud, André Gide, Raymond Quenneau, Erik Satie, James Joyce (au bar:),Paul Valéry, Eugène Ionesco, Jules Vernes, Jacques Prévert et Umberto Eco.

À partir de 1953, il s'installe à Paris et l'année suivante reçoit le Grand prix de la biennale de Venise, ce qui lui vaut l'exclusion automatique du mouvement surréaliste.

De 1955 à 1963, il réside à Huismes (Indre-et-Loire) où il réalise des œuvres marquées par la Touraine : Le Jardin de la France, Hommage à Léonard ou La Tourangelle.

L'auteur britannique JG Ballard multiplie les références aux oeuvres de Max Ernst dans son livre The Drowned World en 1962. 4 ans plus tard, la première édition de son livre The Crystal World utilisait aussi comme couverture des éléments de Eye of Silence de Max Ernst. Finalement, en 1970, dans son recueil de nouvelles expérimentales, The Atrocity Exhibition,  Ballard continue de glisser Ernst ici et là.

Ernst créera les décors d'un théâtre et une fontaine dans la ville d'Amboise. En 1966, il réalisera un jeu d'échecs en verre sur un échiquier géant de cinq mètres de côté, qu'il baptisera Immortel.

En 1975, une rétrospective a lieu au Musée Solomon R. Guggenheim à New York et les Galeries Nationales du Grand Palais de Paris publient un catalogue complet de ses œuvres.

Max Ernst décède un jour avant son 86ème anniversaire de naissance à Paris en 1976.

Sa prolifique oeuvre est immortelle.

Il a eu de Dorothea Tanning un fils, Jimmy, lui-même peintre expressioniste abstrait. Celui-ci est décédé en 1984. Les petits-enfants de Ernst, Eric et Amy sont respectivement artiste et écrivain.

dimanche 25 novembre 2012

Le Mystère du Mary Celeste

Le 5 novembre 1872, le navire Le Mary Celeste prend à son bord, dans le quai de New York sur la East River, 1701 barils d'alcool commercial dans le but de l'exporter en Italie pour des fins de production de vin pour la compagnie Meissner Ackermann & Co.
La valeur de la marchandise est de 35 000$ et le bateau est assuré pour 46 000$.

Le Mary Celeste quitte ensuite Staten Island pour se rendre, en théorie 20 jours plus tard, à Gênes en Italie.

Le navire était alors mené par le capitaine Benjamin Briggs, sa femme (qui avait déjà voyagé plusieurs fois auprès de son mari), de leur fille de 2 ans, et de 7 membres de l'équipage. Ils étaient donc 10.

La veille du départ, Briggs avait soupé avec un confrère et ami, David Reed Moorhouse, capitaine canadien du Dei Gratia, navire qui suivait sensiblement le même trajet et dans les relatifs même délais que le Mary Celeste, mais qui allait partir plus tard, attendant toujours sa cargaison.

On annonçait de mauvaises conditions maritimes sporadiques mais lors du départ du Dei Gratia, aucune intempérie n'avait été rencontrée.
Un mois après son départ, le 4 décembre en début d'après-midi, l'équipage du Dei Gratia apperçoit le Mary Celeste, dont la moitié des voiles sont montées, faisant des mouvements brusques sur l'eau...et dans la mauvaise direction puisqu'en voie de se rendre...au Portugal!

Ayant un jour d'avance sur leur propre navire, l'équipage du Dei Gratia s'inquiète de la tenue du navire et de ses voiles, qui, de loin, parraissent légèrement déchirées. Le navire n'envoie aucun message de détresse et il ne semble y avoir absolument personne à bord.

Tous les papiers du Mary Celeste ont disparu, l'équipage aussi, la porte du cockpit est ouverte, le compas et l'horloge ne fonctionnent plus, le sextant et le chonomètre du bateau manquent aussi à l'appel. La drisse pour hisser la voile principale n'y était plus et le seul bateau de sauvetage brillait également par son absence. Une solide corde, peut-être la drisse de la voile principale, était attachée au navire mais l'autre extrémité (qui tenait le bateau de secours?) trainait à l'eau.

Les 1701 barils d'alcool semblaient tout à fait en ordre, même si 9 d'entre eux, une fois en Italie, seraient vides. Il y avait des rations alimentaires pour facilement 6 mois de navigation. Les possessions personnelles des membres de l'équipage étaient aussi sur place. Il n'y avait aucun signe de violence ce qui éliminait l'idée de l'invasion pirate ou de la mutinerie. Tout semblait indiquer que les membres avaient quitté le navire en vitesse.

Le Dei Gratia sauvera un bateau en relatif très bon état et son capitaine touchera un sixième des assurances (730 000$ aujourd'hui).

Mais si le mystère sur le Mary Celeste reste pratiquement complet, les théories sur ce qui se serait passé sont nombreuses.

L'invasion pirate:
Des pirates ottomans auraient été reconnus dans la région mais l'absence de matériel (majeur) volé et l'absence de signe de bataille ou de violence élimine pas mal cette hypothèse.

Le tremblement de terre marin:
Peut-être qu'un tel évènement (plutôt rare) serait survenu et que l'équipage aurait paniqué et fuit le navire en trombe. Ceci expliquerait pourquoi 9 barils d'alcool se serait vidé de leur contenu et la présence d'eau sur le navire montant quelques fois jusqu'au mollet. Mais un tremblement de terre aurait aussi été senti par les habitants du Portugal tout près ou des Açores et ce ne fût pas le cas.

La mutinerie:
Le capitaine Briggs n'avait pas du tout l'étoffe du tyran, il était même très respecté par ses employés et la réputation des ses aides était aussi irréprochable.

Beuverie ayant mal tournée:
Quand on a découvert que 9 barils d'alcool étaient vidés, on a pensé que peut-être l'équipage avait choisi d'en boire le contenu et de tuer le capitaine dans l'ivresse avant de fuir le navire et de périr en mer. Toutefois le capitaine Briggs était abstème (il ne consommait aucune boisson alcoolisée) et ne tolérait pas que son équipage en abuse.

Abandon prématuré:
Il semble clair qu'au minimum il y a eu abandon prématuré. On dit que peut-être, puisque le chronomètre et l'horloge ne fonctionnaient plus, on ait choisi de tenter de se rendre à l'île de Santa Maria, sans succès.

La théorie la plus plausible est la suivante:
Le Capitaine Briggs n'avait jamais navigué un aussi important bateau et ne faisait pas du tout confiance à l'alcool à bord.  les 9 barils vides étaient les seuls fait de chêne rouge, matière propice à l'émission de vapeur. Le frottement des barils les uns sur les autres, combiné aux vapeurs d'alcool aurait provoqué des explosions qui auraient fait paniquer l'équipage. Une chose est certaine, l'équipage a trainé à l'arrière du Mary Celeste dans l'espoir que la situation d'urgence ne soit chose du passé. La dernière entrée dans le journal du capitaine Briggs est datée du 25 novembre 1872, le 26 on enregistrait un tempête en mer. Un navire de sauvetage n'est pas équipé pour survivre à toutes les intempéries.

Sir Arthur Conan Doyle a largement puisé dans cette histoire pour fabriquer l'une des siennes en 1884.
Un film britannique de 1935 traite aussi de cette histoire.
En 2002, le film d'horreur Ghost Ship s'amuse aussi avec les faits.

Aujourd'hui, il y a 140 ans, le Mary Celeste enregistrait les dernières données de son périple vers l'Italie.

Fatal pour Benjamin Briggs (37 ans), Sarah Briggs (31), Sophia (2), Albert Richardson (28), Andrew Gilling (25), Edward Wm Head (23), Volkert Lorenson (29), Arian Martens (35), Boy Lorenson (23) et Gottlieb Gondeschall (23).