dimanche 30 novembre 2014

Vaclav à Jérusalem

Peu de temps après avoir été "placé" Président de la Tchécoslovaquie, Vaclav Havel, a été rencontrer Mikael Gorbatchev dont le pays laissait traîner des soldats Russes dans son pays à lui.

Havel lui a tendu une pipe que Gorbatchev a regardé comme si il s'agissait d'une grenade.

"J'ai apporté ce calumet avec l'objectif clair que nous puissions le fumer ensemble, Mikael" a dit Havel.
"Mais...mais je...je ne fume pas..." a dit Gorbatchev n'attrapant pas la subtilité.

Havel allait lui demander que les Soviétiques se retirent de la Tchécoslovaquie et que les deux nations signent un traité les considérant égaux. Gorbatchev ne voyait pas encore l'ombre de ce qui allait précipiter la chute de son pays à l'orée des années 90. Celui qui lui avait négocié une paix était un enfant de la bourgeoisie Tchécoslovaque, un assistant chimiste, un soldat, un assistant à la mise-en-scène, un dramaturge, un philosophe, un dissident, un prisonnier politique, un écrivain de l'absurde qui avait compris les improbabilités comiques qui l'ont aussi placé Président pendant 14 ans.

Havel avait tout dans son parcours pour comprendre les Hommes avec un grand H.

Vaclav Havel, Président, roulait en scooter, adorait The Velvet Underground et People of the Universe, arborait la froque de cuir dans les bars enfumés se mouillant la moustache dans la bière tard la nuit. Il a redéfini l'image de l'intellectuel au pouvoir. Il a été adoré. Partout dans le monde, observé comme une anomalie qui a eu comme effet de scinder le pays en deux. En République Tchèque et Slovaquie.
Mais même la scission s'est faite à son image, En douceur. Civilement, Pas de mort. Deux nouveaux pays et pas d'esclandres. Un exemple pour le monde entier et les pays à naître un jour.

Havel était d'une honnêteté brutale. Ses assistants en avait peur. Il disait avoir une affinité certaine avec Franz Kafka, symbole national de l'étouffement social.
Fataliste, il disait en plein discours:
"Avec ce que j'ai connu dans ma vie, avec ce que je sais des Hommes, je ne serais pas surpris à un certain moment d'être un jour guidé par des inconnus, sans explications, vers une prison, une cour pénale ou face à un peloton d'exécution. Plus je suis bas dans l'échelle sociale, plus je me sens près de ma vraie nature. Plus je suis haut, plus je sens qu'il y a eu erreur sur la personne et mes doutes augmentent"

Et vous savez devant qui Havel discourait? Devant les élèves et enseignants de la Hebrew University de Jerusalem en 1990. C'était presqu'une confession palestinienne...

Comme tout être humain, il a commis des erreurs de jugement, mais contrairement à à peu près l'ensemble des politiciens mondiaux, il a toujours reconnu ses erreurs. Et parmi ses bons coups aura certainement été les bonnes relations qu'il a entretenu avec ses voisins anciennement hostiles à son pays.

Pour Havel. les désespoir était un impardonnable crime. Dans un de ses premiers discours comme Président il disait que les années d'oppressions qu'il avait vécu sous la gouvernance de Berlin-Ouest ou sous celle des Soviétiques, l'avait fait tremper dans un environnement moral contaminé.
L'occupation, le ressentiment, la terreur, la haine religieuse ont été vaincus par la Tchécoslovaquie de Vaclav Havel. Même la République Tchèque et la Slovaquie qui n'étaient pas de Vaclav (il a démissionné avant) ont été épargnées de ces cancers moraux.

Le leadership et l'humanisme ne réglera pas tout en politique. Supposer que ça le ferait serait faire preuve de sentimentalisme.

Mais l'ombre constante qui plane sur des villes, comme Jérusalem justement, nous fait demander si il y a réellement un calumet à fumer avec Benyamin Nethanyahou et les Palestiniens.

Pas facile de chasser le désespoir quand les leaders sont guidés dans le drame par le cynisme, le racisme, la rancune et l'épuisement moral,

Il en connaissait un brin sur l'absurdité, Vaclav.

Et les relations entre Israël et la Palestine sont obssessivement absurdes

La veille du dévoilement d'un buste de Vaclav Havel à Washinton, deux Palestiniens sont entré dans une synagogue de Jérusalem Ouest et ont tiré partout au moment de la prière tuant 5 Israéliens et en blessant gravement 8 autres.

Le Hamas a aussitôt qualifié l'acte d'héroïque...

samedi 29 novembre 2014

Dustin Hoffman en 15 tranches

(À la mémoire de Mike Nichols décédé la semaine dernière)

Voulant d'abord être pianiste de profession ("tu n'es pas assez beau pour être acteur!" lui dira une tante) il bossera dans toute sorte de petite profession à Santa Monica pendant 10 ans avant de se décrocher des rôles intéressants au théâtre.

Il est co-chambreur de Gene Hackman et de Robert Duvall et emménage à New York où les trois travaillent fort pour se dénicher du boulot, dans les commerciaux, au théâtre, à la radio, à la télévision, comme enseignants (!).

Il fréquente l'Actor's Studio dans les années 60 et trouve quelques petits rôles Off Broadway et à la télé. Quand Mike Nichols le choisit pour le rôle de jeune étudiant pour son film de 1967, Hoffman jure à ses co-chambreurs qu'il ne restera pas "une pute du cinéma" et qu'il reviendra au théâtre, scène des "vrais" acteurs aussi rapidement que possible. C'est vrai, avant la sortie du film de Nichols, il est déjà sur scène à Broadway et rafle même un Drama Desk Award pour sa performance sur scène dans la comédie musicale Jimmy Shine.

Mais son tournage avec Nichols change sa vie, il deviendra l'un des plus grands du grand écran.

Dustin en 15 moments choisis sur grand écran.

1967: The Graduate.
Nichols se reconnaît en Hoffman et plusieurs reconnaîtront Mike en Dustin. Dans sa manière de jouer. Hoffman interprète un frais gradué, désorienté face à son avenir, tombant amoureux de la femme alcoolique et légèrement névrosée du collègue de son père. C'est l'image des hommes au cinéma qui change tout d'un coup. L'acteur à la tête du gars de la rue, ni beau, ni laid, juste vrai, fait en sorte que des milliers de jeunes hommes se reconnaissent en Hoffman. Une nomination aux Oscars dès le départ. Fameux.

1968: Midnight Cowboy.
Pour son rôle de Ratso, un manipulateur new yorkais véreux et plus ou moins honnête qui promet à un gigolo du Texas, hors de son élément à New York, de renconter un pimp, Hoffman se déguise en clochard devant le réalisateur John Schlesinger qui n'est pas convaincu de l'acteur qu'il voit encore en jeune gradué, novice de la vie. Son rôle est si bien travaillé qu'il se mérite une seconde nomination aux Oscars dans la catégorie du meilleur acteur.

1970: Little Big Man.
Afin de jouer le vieil amérindien de 121 ans racontant sa vie à l'écran, Hoffman hurle à plein poumons pendant une heure et obtient une voix crédible. Dustin joue Jack Crabb adolescent (sa petite taille et son teint californien l'aident) font une excellent impression dans cette comédie picaresque d'Arthur Penn. malgré l'approche satirique de Penn le film contient des éléments de tragédie et un sens social certain. Ne serais-ce que sur le sort réservé aux premières nations en Amérique.

1971: Straw Dogs.
Beau Bridges, Stacy Keach, Sidney Poitier, Jack Nicholson et Donald Sutherland sont tous considérés avant qu'Hoffman soit choisi par Sam Peckinpah qui doit tourner en Angleterre car aux États-Unis, il est trop intense pour les plateaux Hollywoodiens: on en veut plus. Hoffman accepte le rôle car il est intrigué par ce type de tempérament qu'il déteste chez son personnage: ces gens qui s'ignorent tant eux-même, qu'ils ne soupçonnent pas le degré de violence qui les habite. Judy Geeson, Jacqueline Bisset, Diana Rigg, Helen Mirren, Carol White, Charlotte Rampling et Hayley Mills sont toutes considérées avant le choix de Susan George pour la partenaire d'Hoffman. Choix contre lequel Hoffman s'insurge prétextant que son personnage ne marierait jamais une telle Lolita.

1973: Papillon.
Dans le rôle d'un prisonnier convaincu que sa femme paiera la caution pour le libérer et qui a besoin des muscles de Papillon, interprété par Steve McQueen, pour assurer sa sécurité. Hoffman épate encore.

1974: Lenny.
Dans la peau de Lenny Bruce, Hoffman est si fascinant dans ce traitement intelligent de Bob Fosse et Julian Barry (ce dernier au scénario) qui croise habilement politique, religion, humour, sexe et vulgarité qu'il se mérite une troisième nomination aux Oscars pour sa performance. Hoffman refuse d'abord le rôle avant de se documenter sur le controversé humoriste et de découvrir sur lui-même la mêmne spontanéité et le même désir de provoquer. "L'avoir connu, j'aurais voulu être son ami, ce type d'intimité avec un homme ayant déjà existé est rare" dira-t-il.

1974: All The President's Men.
À nouveau, Hoffman jouera un homme existant, le journaliste Carl Bernstein qui a exposé le scandale du Watergate en compagnie de son collègue Bob Woodward incarné par Robert Redford. C'est Redford, dont c'est le projet depuis le début, qui insiste sur le casting d'un acteur d'aussi grande envergure que lui sinon son personnage de Woodward paraîtra supérieur à celui de Bernstein alors que les deux jeunes journalistes du Washinton Post méritaient un traitement égal. Sur l'affiche et dans la bande annonce Redford est annoncé en premier tandis que dans le film lui-même, Hoffman est le premier nom au générique d'ouverture et de fermeture. Le film est un hit majeur et si culturellement près de l'histoire des États-Unis qu'il est envoyé pour préservation à la National Film Registry de la Library of Congress.

1976: Marathon Man.
John Schlesinger réengage Hoffman dans le rôle de Babe Levy, un juif marathonien à ses heures, soudainement pourchassé par un fugitif nazi incarné par Laurence Olivier. Pour se mettre dans l'état d'esprit de la détresse émotive de son personnage, Dustin se prive de sommeil pendant plusieurs jours. Il se querelle aussi violemment avec l'auteur du livre et scénariste William Goldman sur la fin du film. Son nom commencera à circuler comme un acteur "difficile".

1979: Kramer Vs Kramer.
Le brillant et oscarisé scénario de Robert Benton (tiuré du livre d'Avery Corman) qui réalisera aussi le film à la place François Truffaut trop occupé sur un autre tournage, traite de la nouvelle réalité de la maternité et de la paternité à l'aube de la valse des divorces qui frappera les années 80 et les autres années à venir. L'intelligence du scénario donne une part égale aux deux protagonistes et on peut même les voir réfléchir et changer en cours de film. La brillante performance d'Hoffman et de Meryl Streep leur vaut chacun une statuette aux Oscars et Benton part avec ceux du meilleur film, de la meilleure réalisation et du meilleur scénario adapté. Vivant lui-même un divorce au même moment, Hoffman s'inspire de sa propre expérience et estime être devenu un meilleur père grâce à ce film.

1981-1982: Tootsie.
Hoffman obtient le contrôle absolu sur cette histoire d'un acteur jugé "difficile" (tiens, tiens...) qui doit se travestir en femme afin d'obtenir des rôles à la télévision. Hoffman découvre que peu importe les efforts, il n'aurait jamais pu être une belle femme. Conséquemment, il est troublé de constater qu'il n'aurait jamais discuté avec une femme ayant ses traits simplement parce qu'il ne la trouvait pas belle. Il réalise avec effroi qu'il s'est probablement privé de conversations et d'amitié intéressantes sur ces simples critères superficiels. Il ne verra jamais ce film comme une comédie.

1984-1985: Death of a Salesman.
Hoffman est obsédé par la pièce d'Arthur Miller quand à 16 ans, il la découvre et a l'impression qu'on vient d'écrire l'histoire de sa famille. Il incarne Willy Loman sur scène à Broadway et on tourne pour la télévision, pour CBS, sous la caméra de Volker Shlöndorff, une adaptation de la pièce. Dustin gagne le Golden Globe de la meilleure performance par un acteur dans une mini-série ou un film tourné pour la télévision.

1988: Rain Man.
À l'origine, Bill Murray doit jouer l'autiste et Hoffman l'arrogant yuppie incarné par Tom Cruise. Mais Cruise a une meilleure gueule et attire beaucoup plus d'argent. Hoffman, dans le souliers de l'autiste Raymond Babbitt rafle l'Oscar du meilleur acteur, recevant son trophée alors qu'il vit la veille, le placement de son père dans une institution psychiâtrique. Encore une fois, la vie qui inspire l'art pour Dustin et qui lui donne une statuette.

1997: Wag the Dog.
Hoffman renoue avec Barry Levinson pour incarner un réalisateur sur le déclin engagé par un spin doctor afin de détourner l'attention d'un scandale sexuel présidentiel. L'intelligent scénario d'Hilary Henkin et de David Mamet librement inspiré du roman American Hero de Larry Beinhart est aussi terriblement d'actualité alors que Bill Clinton tente de faire dévier l'attention de sur Monica Lewinsky travaillant à genoux dans le bureau oval. Hoffman obtient une septième nomination aux Oscars pour ce rôle.

2010: Barney's Version.
Le film tiré du merveilleux livre de Mordecai Richler est une réussite grâce à son casting qui inclus Dustin dans le rôle du père de Barney. Il rafle un Génie pour le meilleur second rôle dans ce film aussi tragique que pathétique et drôle. Il joue avec un de ses fils, Jake, dans cet excellent film tourné en majeure partie à Montréal.

2014: Boychoir.
Dans le rôle du directeur de la chorale, Hoffman tourne encore en lien avec le Québec alors que le réalisateur est nul autre que François Girard.

Dustin Hoffman n'aura pas seulement joué dans de bons films, mais je dirais que rares sont les acteurs/actrices qui peuvent se vanter d'avoir autant de choix aussi brillants sur grand écran.

Dustin a été traité avec succès contre un cancer l'an dernier.

J'espère la même chose pour tout ceux atteints du cancer de la prostate dont le mois actuel salue la lutte.

vendredi 28 novembre 2014

La Forteresse de Bill Cosby Deviendra-t-elle l'Abri Tempo Qui Ne Résistera Plus Au Vent?

Les multiples accusations d'agressions sexuelles qui rôdent autour du comédien et auteur Bill Cosby laissent non seulement planer une très sérieuse ombre sur sa personne, mais elles mettent aussi à jour un certain niveau de protection hypocrite qui laisse pantois.

Qui a aidé Cosby toute ces années à se bâtir une forteresse d'inatteignable?

En partie, lui-même.

De 1972 à 1984, Cosby produisait, scénarisait/dialoguait et faisait les voix de la série animée Fat Albert & The Cosby Kids. La série mettait en vedette un groupe d'adolescent afro-américain dont le leader était Fat Albert, La série était destinée aux jeunes et était fort moralisatrice, pleine de belles valeurs. Le succès de cette série a donné carte blanche pour que Cosby présente un projet de sitcom qui fera un malheur entre 1984 et 1992, restant la série télé restant au sommet des cotes d'écoute pendant les 5 premières années.

The Cosby Show présentait la famille Huxtable et leur quotidien. Papa (Bill, lui-même) était médecin et maman (Philicia Rhasad) avocate. Cette habile comédie offrait aux noirs des États-Unis le droit de se rêver un vie tout à fait comme celle des blancs. Elle a donné énormément confiance aux noirs d'Amérique et d'ailleurs. C'était d'ailleurs la grande qualité qu'on prêtait à Cosby (qui se donnait aussi sur scène en tant que stand up), ses écrits étaient colorless.

L'influence de Cosby serait titanesque. Quand Eddie Murphy est mis au courant que Cosby trouve qu'il jure un peu trop sur scène, Murphy appelle Richard Pryor (qui lui, avait demandé conseil auprès de Cosby lui-même pour ses numéros) afin de savoir comment retravailler ses textes.

Cosby faisait sentir les noirs comme des rois en Amérique. L'Humour n'étant que le crême sur le sundae. Et Cosby étant lui-même, le sundae.

Mais ce qui se tramait derrière ce succès est d'un glauque...

Publiquement, Cosby était un modèle de société, Ouvertement, il condamnait sur toute les tribunes ceux et celles qui ne se comportaient pas selon les valeurs qu'il exposait dans ses écrits. Mais en privé, derrière les rideaux, il semble qu'il droguait des femmes qu'il jugeait appétissantes afin de les abuser sexuellement alors qu'elles étaient à moitié consciente.

Récemment, par le biais de l'humoriste Hannibal Buress, ce que nous apprenons sur Cosby ne devrait pas étonner.  Buress a fait référence à Cosby en parlant d'un violeur en série et ça a déclenché une avalanche d'accusations,

Mais les histoires traînaient déjà dans l'actualité.

En 2006, une femme travaillant pour le Temple University Program (Dont Cosby est un ancien élève) avait déposé une poursuite pour agression sexuelle contre Cosby, soutenant que 13 autres femmes (les mêmes qu'aujourd'hui?) allaient témoigner en sa compagnie pour des expériences du même genre.
Cosby avait réglé hors cour .

Aveu de culpabilité total. Pourquoi régler hors cour si on est innocent?

Pourquoi les gens ont-ils choisi de ne pas se rappeler que Cosby était un monstre?
Parce qu'avant, nous avions vu l'ange. Et préférions l'ange,
C'est fou ce que l'hypocrisie est subversive.

Les réseaux sociaux ont de vilains défauts, mais dans des situations comme celle-là, ils sont magiques. L'une des victimes de Cosby, une blanche, a déclaré que l'on a pas cru à son histoire avant qu'un humoriste en parle sur scène. Buress, un noir lui aussi, a ajouté une crédibilité qui n'est pas la même. Un frère a condamné un autre frère. Un père pour plusieurs. Une icône du succès post-raciste aux États-Unis.

Une icône totalement déboulonnée aujourd'hui.

Depuis, la journaliste Joan Tarshis, la mannequin Janice Dickinson, l'actrice Louisa Moritz, la femme de Lou Ferrigno, Carla, l'infirmière Therese Serignese (photo), l'ancienne modèle de Playboy Victoria Valentino, l'actrice Michelle Hurd et 11 autres femmes ont plaidé les mêmes histoires de drogue suivies de viol entre 1965 et 2004.

Bill Cosby, qui avait été le symbole de la dignité noire aux États-Unis avait un agenda privé atroce.
Bien qu'il démente, la variété des femmes qui accusent et la consistance des histoires peinturent l'homme de 77 ans dans le coin.

Pendant 50 ans, Bill Cosby a présenté une vision de l'Amérique où un homme comme lui, incroyablement touché par la réussite et inatteignable dans l'échec, 100% égal au blanc sinon supérieur, pouvait exister,

Une Amérique qui pourrait avoir un Président noir.

Quand Booker T. Washinton, un brillant orateur noir et conseiller des présidents au début du vingtième siècle, a été agressé tout près d'un bordel, sa carrière a pris du plomb dans l'aile. Si il était tout près d'un bordel, le simple soupçon qu'il eût pu le fréquenter a détruit sa crédibilité.
Étrangement, malgré tout ce qu'on sait depuis au moins 10 ans sur Cosby, celui-ci a atteint le statut Polanski de l'inatteignable parce que son oeuvre public transcende le monstre privé.

Ce que Cosby, maître moralisateur, nous apprend encore aujourd'hui, c'est notre dégueulasse capacité à nier.

Le droit des femmes de disposer de leur corps comme bon leur semble.

Les succès du passé de Cosby sont les pierres qui ont bâti sa forteresse.
 
Il serait temps de déshabiller le roi.

Pour l'amour des femmes.








jeudi 27 novembre 2014

Autopsie d'un Style de Vie Qui ne Fonctionne Pas (Plus)

(Sur un peu moins de 40 heures)

Samedi matin.

3h00 de la nuit.

La veille j'oublie mon ipod en recharge sur le réveil ce qui fait que je me réveille sur Frank Zappa.

Zappart mal la journée pour l'amoureuse qui voulait ne voulait pas la commencer, mais bien dormir. Elle n'aurait pas entendu l'alarme habituelle sur laquelle je tape aussi vite que Jean Pascal punch un adversaire. Mais l'alarme avait cédé les droits sonores à Frank.

Dans la douche, je sens la douloureuse présence de quelqu'un à l'étage. Ce n'est pas l'amoureuse, j'entends le bruit de tondeuse qu'elle produit avec son nez dans un sommeil déjà récupéré. Il s'agit de Monkee, mon fils de 15 ans. Il est 3h20 et avec un manque de jugement tout ce qu'il y a de plus adolescent, mon ado, qui se fera couper les cheveux dans 6h40 et qui dormira 5h40 si il s'endort dans la nanoseconde, a choisi de se lancer dans des tournois internationaux sur sa Xbox.

"Mais je les gagne papa! Je suis riche!"
"Couche-toi, jeune padawan, tu voudras mourir demain"

Je bosse de 4 à midi 30. L'amoureuse aussi travaille ce samedi-là. Sa banque lui exige un samedi par mois. Ce sera celui-là. À la fin de mon 8 heures de job, je fonce vers la maison où, en théorie, je prends les deux mousses et on se lance à 20 minutes de voiture de chez nous pour aller diner-spaghetti dans un sous-sol d'église.
L'équipe de hockey Midget de mon fils peine beaucoup à soutirer des sous aux parents des joueurs afin de payer le tournoi prévu dans le Nord du Québec en février prochain. Le gérant a donc improvisé, un peu tardivement, un diner-spaghetti à 13h samedi dernier, où les profits iraient en partie au club. J'avais dit à mes kids qu'on irait, afin de faire notre part. Même si je suis parmi les parents plus-que-modèles qui ont payé rubis-sur-l'ongle depuis le début de la saison et que notre part pourrait être largement considérée comme faite. Mais je trouve que le gérant fait pitié. Par trois fois, il a tenté cette saison de faire une réunion d'équipe et les trois fois personne, sauf moi et deux autres ne s'est pointé...Des parents de jeunes de 16-17 ans, ça semble adopter l'attitude irresponsable de son ado.
Crevé de ma nuit à l'entrepôt. Je demande à Monkee si il a envie d'aller au diner spag. Crevé de la sienne (Pff!) et les cheveux trop courts à son goût- il n'a pas eu le temps de s'y faire encore, il n'est pas prêt pour son close-up, Mr DeMille- n'en a pas envie du tout. De plus, il donne une autre rincée à un joueur de Xbox qui ne dort pas plus que lui en Angleterre à la FIFA.

Ça va alors, je les fais diner à la maison, je bouffe aussi, je me couche. Parce que je dois survivre à mon samedi soir. Si mon train est à contre-courant, le trois autres amigos de la familia s'attendent à honorer le jour de Saturne.

"J'ai acheté les billets sur le Iphone!" me dit l'amoureuse sans réaliser que je n'ai dormi qu'une 1h40.
Nous irons voir le nouveau volet des Hunger Games en soirée.

Resto suivi de ciné. L'amoureuse et les kids adorent. Je ne le dis pas, mais Montréal-Boston, dans l'hostile aréna des Bruins, m'auraient davantage excité, mais comme le match est diffusé à l'infect TVA Sports, la douleur est moindre.

Je ne me recouche pas, pas le temps. On file au resto. Pas de réservation, donc attente. On sera assez juste pour un film qu'il ne fallait pas aller voir trop tard car je travaille encore dans la nuit suivante. Je me lèverai donc encore à 3h du mat. Je me gave de liqueur afin de me garder éveillé. Effet secondaire, je ballonne et je...gaze...Discrètement, mais quand même. Le pet sonore honore, mais le pet sans bruit, trahit. Lâchement, je blâme hypocritement les choux de bruxelles pourris que j'avais acheté la veille qui étaient (peut-être) restés dans l'auto.

On voit le film. Je l'endure. Luttant contre le sommeil et la chaleur. 'Faisait chaud au resto, dans l'auto ("On gèle papa, monte le chauffage!") et maintenant au cinéma. Le dernier Hunger Games c'est deux looooongues heures trente de préparation de table pour un repas qui aura lieu l'an prochain. Je n'en retiens que Jennifer Lawrence jouant la stupeur devant la dévastation(Au moins 6 ou 7 fois).

Retour à la maison, Il n'est que 22h34 mais mon corps me dit qu'il est 1h du matin. En arrivant à la maison je m'endors presqu'en milieu de phrase alors que les trois autres sont forts animés.

Je dors mes minces 4 heures.
Je rebosse à l'entrepôt de 4 à 12h30.
Je suis obligé de mettre de la pression sur ma chérie car elle n'a toujours pas écouté le dernier épisode de la première saison de Breaking Bad que je dois retourner ce même jour. Je suis parti avec les deux Iphones parce que mon fils, qui a appris l'impatience en voiture, errait sur Facebook en fin de soirée la veille, et que j'avais alors récupéré l'autre. Comme mon cerveau est pseudo ralenti, je ne réalise pas que la veille j'avais repris le téléphone des mains de l'ado sans donner en retour, l'autre.

À mon retour à la maison, l'amoureuse était partie faire des commissions sans téléphone.
Fâchée.
Je ne peux pas me coucher parce que les Alouettes jouent à la télé.
Et après eux, les Canadiens manqués la veille, cette fois à New York.

De plus, je révise les devoirs avec Punkee.

Les cernes sous mes yeux sont des crevasses.
Mon fils à une pratique de hockey en soirée.
Il est crapou, je le suis davantage.
Je n'ai pas encore parlé de ma traduction à livrer pour jeudi.

Constat du coroner:
Mon style de vie ne fait plus de sens.

La vie est dans le chemin de mon travail.
Et le travail nettement dans le chemin de ma vie.

Mais je dors dur.
Ha! pour ça, je dors dur.

Mais le rouge dans mes yeux fait dur,

mercredi 26 novembre 2014

Faces d'Amérique

Chaque pays traîne sa part d'ombres.

En Allemagne, il y a les Nazis. En Italie et ailleurs, la corrosive corruption systémique chez les autorités. En Chine, les droits humains. En Russie Staline et ainsi de suite.

Aux États-Unis, la relation avec ses propres habitants à la peau noire est une vraie horreur.

"Je suis ici depuis assez longtemps pour savoir que la vie d'un noir n'est pas importante aux yeux du gouvernement" a dit une femme du Missouri de 63 ans.
"No justice, no Peace" scandait les gens dans les rues en feu de Ferguson.

Ferguson, c'est cette ville où un policier blanc a tiré 6 balles sur un géant noir qui ne voulait pas obtempérer à ses ordres et qui aurait peut-être eu les mains dans les airs à une certaine distance. Le tuant.

La vérité n'est pas tout à fait claire autour de ce qui s'est passé. Des témoins ont dit des choses, puis se sont rétractés. Y a-t-il eu contact physique au préalable? qui l'a initié? Rien n'est moins clair. Seul Darren Wilson, le policier blanc qui a tué, le sait. Mais encore, peut-être s'est-il convaincu de ses propres menteries sur le sujet.

On ne le saura jamais.

Ce que l'on sait toutefois c'est que Micheal Brown, 18 ans, venait de voler une petite boîte de cigarillos dans un dépanneur avec une hostilité tout ce qu'il y a de plus démonstrative à l'égard du propriétaire du dépanneur. Sans savoir cela, un policier s'est approché en voiture et a demandé à Brown et à un de ses amis qui l'accompagnait, de marcher sur le trottoir et non dans la rue, recommandation qu'ils ont tout les deux ignoré.

La suite, c'est de la bouette.
Personne ne dit la même chose.

Au bout du compte, Brown est mort, atteint de 6 balles. Il n'était pas armé.

La version de Wilson est que Brown a tenté de lui voler son propre fusil. Wilson a craint pour sa vie et a visé Brown. L'autopsie révèle toutefois aucune trace de lutte sur le corps de Brown. Certains prétendent plutôt que c'est le policier qui a tenté de l'amener dans la voiture, sans succès. La police a aussi prétendu que Wilson avait été blessé, ce qui s'est avéré faux. Ce mensonge a alors soulevé tous les doutes possibles,

On ne comprendra pas le "comment" et maintenant on baigne dans le "pourquoi?".

Parce que dans ce que l'on connait assurément, il y a les visages des deux personnes impliquées dans le tragique incident.

Micheal Brown était un géant. de 6'4 et pesant 292 livres. Il avait la tête et les formes de Fat Albert. Peut-être pas tout à fait son leadership. Il n'avait jamais eu de casier judiciaire. Sur le photos du jeune défunt, on le voit beaucoup plus souvent défier du regard la caméra que sourire. Il chantait du rap et utilisait Big Mike comme nom d'artiste. Existe-t-il un milieu plus lourd de préjugés que le rap? Big Mike était un cliché en chair et en os. Il était peut-être le plus charmant des black, mais il avait toute les apparences du mean dude.

C'est ce que Wilson a vu/senti.

Darren Wilson est un blanc du sud des États-Unis, une région connue pour ses mauvais rapports avec les noirs depuis toujours. L'animation ci-contre vous montre bien quels États ont favorisé l'esclavage entre 1789 et 1861. Le Tennessee (où se situe la ville de Ferguson) s'y trouve. Wilson a le cheveu ras et l'oreille généreuse. Il a la bouille du redneck. Les "rednecks" ont en commun avec les racistes l'ignorance. Wilson n'est probablement rien de tout ça, mais il en a salement la tête. Il est peut-être aussi tout ça. Peut-être animé d'un sentiment que les noirs sont des citoyens de seconde importance. Il a le regard du gars qui a peur. La tête du leader du ku klux klan. Et la police a menti à son sujet. Il est là aussi très facile de juger un livre par sa couverture. "Wilson fits the profile" comme disent les gens chez l'oncle Sam.

"He fitted the profile" a probablement aussi pensé Wilson quand il a eu peur face à Brown.

Mais comme c'est Wilson qui avait le fusil...

En apparence, le monde entier ne voit que dysfonctions entre frères aux États-Unis. Pas certain que ce soit les images que souhaitent faire véhiculer les U.S. of A dans le monde.

Un juré de 9 blancs et de trois noirs a choisi de ne pas accuser Wilson de quoi que ce soit, faute de preuves. Il fallait s'y attendre. Le gouverneur du Missouri le savait aussi car il avait décrété l'état d'urgence avant même la décision du juré. Barack a lancé un message de paix et d'ordre. La foire a pogné quand même à l'annonce de la décision. La colère est lourde. Les noirs en ont assez. Ils veulent cesser de se confondre à l'ombre des États-Unis. C'est tout de même un des leurs qui gouverne le pays. Et voilà que les Trayvon Martin, Micheal Brown, et autres Rodney King ne trouvent pas justice à leurs yeux.

Les rues sont en feu à Ferguson et c'est tout à fait normal.
Le respect demande parfois le désordre.
Ce n'est pas la mort de Micheal Brown qui cause tout ça.
C'est la répétition de celle-ci années après années, mois après mois.

Si ça peut freiner les manques de jugement potentiels ailleurs.

La mort de Micheal Brown n'aura alors pas été vaine.  

La discussion que les États-Unis doivent avoir avec eux-même ne fait peut-être que commencer.