mardi 30 avril 2013

Christopher Isherwood, Témoin de L'Ascencion Vers le Délire

Mr Norris Changes Train.
La rencontre et les entretiens entre un professeur d'anglais, William Bradshaw et le taciturne Arthur Norris, un homme lourdement endetté, remplit de contradictions, timide, extrêmement poli, distingué mais sexuellement déviant.

Publié la première fois en 1934, un an après l'accession d'Hitler à la Chancellerie en Allemagne, le roman s'appelait The Lost (Die Verlorenen) afin de faire référence aux fidèles qui venaient de donner une légitimité aux Nazis, aux condamnés qui étaient parfois les mêmes et maintenant visés par les Nazis dans la société allemande, et finalement pour parler de ceux qui sont bien vus dans la société, mais qui sont tout de mêmes des marginaux moraux. Comme Arthur Norris, personnage dérangeant inspiré de Gerald Hamilton.

L'obssession des observations de Bradshaw sur le personnage de Norris sont autant de zoom-in sur la montée nazie et la décadence allemande de l'époque. Isherwood en viendra à haïr son propre roman, le trouvant malhonnête et superficiel. Se culpablisant démesurément pour ne pas avoir su voir venir ce qui allait faire basculer le monde. Il rebaptise le personnage de Bradshaw de son propre nom dans des éditions subséquentes.

William Bradshaw sont les deux middle name de Christopher Isherwood de toute manière.
Et il s'agit du témoignage de ses relations avec Gerald Hamilton.


Goodbye To Berlin
Collection de 6 nouvelles et d'un récit, la chronique pré-nazie couvre les années 1930 à 1933 en Allemagne et contient des personnages qui étaient aussi prévus pour son premier livre, Mr Norris Changes Train.
Brillante esquisse d'une société en déclin, les histoires de Sally Bowles, star montante de cabaret, des Nowaks et des Landauers seront la source de l'adaptation pour le théâtre en comédie musicale dans les années 50 et 60 puis au cinéma en 1971 par Bob Fosse, ce qui vaut à ce dernier 8 Oscars, dont celui du meilleur réalisateur (battant Coppola et son Godfather), de la meilleure actrice (Liza Minelli), du meilleur acteur dans un rôle de support (Joel Grey) et de la meilleure cinématographie (Geoffrey Unsworth).

La nouvelle est souvent publiée en deuxième partie de Mr Norris Changes Trains dans un livre appellé The Berlin Stories. L'originale est publiée à la fin de la guerre, en 1939.

Le personnage de Sally Bowles sera une grande influence pour Truman Capote, une connaissance d'Isherwood alors qu'il était jeune écrivain, dans sa rédaction du personnage de Holly Golightly dans Breakfast At Tiffany's.

Je viens de mettre la main sur ses deux livres (en un).

Je plongerai bientôt dans les eaux troubles pré-nazisme.

Les tremblements avant les grands bouleversements: toujours intéressant*.





*Ça y est, j'ai trouvé le secret du succès de Fifty Shades of Grey...

lundi 29 avril 2013

Judith Sanfiltr

"Salut, t'as tu oublié de mettre ta jupe?"
"De quoi tu parles?"
"Ben t'as une chemise, des collants, mais il me semble que tu aie oublié de mettre ta jupe...non?"
"ben non épaisse! ce sont des leggings! Moi c'est Océane je vais te montrer ton bureau, suis-moi"

C'était bien mal parti pour Judith. Jamais elle ne s'était fait à l'idée qu'on pouvait vraiment circuler publiquement en pantalon si moulant qu'on aurait dit une seconde peau. On pouvait même distinguer, en s'y attardant, un sous-vêtement destiné à cacher le pubis et le sexe mais laissant les fesses entièrement découvertes. Ce qu'on appelle un string. Ou une soie dentaire. Judith ne comprenait pas ce type de confort non plus. Pas plus qu'elle ne comprendrait un jour un/deux parent/s qui oserait baptiser leur enfant Océane. Elle pensait à tout ça quand une nouvelle question lui est sortie de la bouche.

"Ça fait mal?" a demandé Judith sans elle-même savoir à quoi elle faisait référence. Péter avec une corde dans le cul? La corde dans le cul? les sourires gênés quand elle disait se prénomer Océane? Judith ne savait pas toujours pourquoi elle s'exclamait.

"...mal?...de quoi tu parles" dit Océane qui marchait devant Judith. Elle lui a demandé en se retournant mais en continuant à marcher ne voyant jamais venir la poutre dans laquelle Océane se pêta la gueule et tomba sur le cul. Ce beau cul rebondi avec un string, qui rebondit comme sur un spring. Judith passa pour une devine et laissa simplement tomber:
"Ça..." puis
"ça va...?"

Océane était sonnée mais plus humiliée dans son orgueil que réèllement bléssée. Et confuse aussi. Comment Judith avait-elle prévue?... Océane a bien tenté de sourire pour faire comme si tout ça était prévu mais personne n'y a cru.

Enfin, une fois toute deux remises de ce moment étrange, Océane présenta à Judith ses nouveaux collègues.

"Judith je te présente Brigitte, elle travaille aux comptes recevables"
"Salut, bienvenue" dit Brigitte
"Salut, enchantée, c'est drôle j'ai exactement le même gilet chez moi et j'ai failli le mettre aujourd'hui"
Brigitte a souri, évalué mentalement si le même gilet ferait aussi bien à elle qu'à Judith mais n'a rien rajouté. C'est Judith qui a repris la conversation du tac-au-tac.

"Tu l'as pris chez Loblaws hein?"
"OH Non!" a échappé Brigitte, le souffle coupé. Pas parce qu'elle voulait nier mais plutôt comme quelqu'un qui venait de réveler l'inavouable. Elle a jeté des regards au beau Sam qui travaillait au bureau pas loin afin de voir si il avait entendu, il souriait. Brigitte est devenue rouge comme une tomate, a baissé la tête et s'est remise à travailler à son ordinateur. L'humiliation était totale.

Judith et Océane étaient déjà ailleurs.

Océane lui présenta Mégane, de loin car elle était occupée.

"Mégane...c'est quand même le croisement de "maganée" et "organe"...j'ai jamais compris l'intérêt pour ce nom-là" dit Judith à une Océane qui se mit à la regarder comme on regarderait un enfant qui n'est pas le nôtre et qui se fouillerait dans le nez intensément.

Elles arrivèrent dans un départment composé exclusivement d'hommes, étrangement amorphes, beaucoup d'anglophones, un groupe de jeunes hommes de l'âge de Judith. Elle était soudainement excitée. Comme si on lui avait donné accès à un vestiaire de hockey avant un match. Un vestiaire avec un enthousiasme du lundi matin, mais un troupeau de mâle quand même. Océane appela leur attention dans un léger soupir.

"ALL RIGHT BOYS, ATTENTION PLEASE, (à Judith) ça c'est le départment des ventes, J'AIMERAIS ÇA VOUS PRÉSENTER UNE NOUVELLE FILLE DES RESSOURCES HUMAINES : JUDITH SANFILTR, ELLE COMMENCE AVEC NOUS AUJOURD'HUI"

"HI GUYS!" a spontanément dit judith

Les gars ont répondu avec une fascinante lassitude comme des enfants répondraient à leur maman. Les 7 à 8 individus ont tous dit quelque chose pour lui souhaiter la bienvenue les uns par dessus les autres, laissant croire à la chorale la plus morne et la plus non-synchronisée de l'univers. L'envers du dynamisme. L'attention de Judith se porta sur l'un d'eux, plus primate que les autres, qui mangeait en faisant une écuelle de sa main gauche, des arachides. Judith, devant tant de jeunes mâles, s'anima et lança:

"I LOVE PEANUTS!"

Toutefois, les gars qui la dévisageaient, dont la plupart évaluaient déjà les chances de l'entreprendre en la scrutant de la tête jusqu'à la poitrine en passant par le cul et les cuisses, on tous entendu "I LOVE PENIS". Même Judith, peut-être parce qu'elle avait prononcé le mot organe tout juste avant, cru s'entendre parler de pénis.

Les gars se sont ranimé pour la journée.
Judith n'était pas le genre à se faire beaucoup d'amies chez les filles. Elle ne s'en ferait pas tellement plus à son nouveau travail.

Mais les gars se rappelleraient de la 'tite Judith Sanfiltr.

dimanche 28 avril 2013

F.H.I.

FBI?
non
FMI?
non

F.H.I.
G.G.I in english.

Comme les trois jalons de l'architecture politique que Barack Obama veut léguer au peuple des États-Unis.

Et dont le premier morceau vient d'être renvoyé à la planche à dessin.

F pour Fusil
H pour homosexualité
I pour Immigration

Fusil:
Si vous étiez un proche des victimes de Newton, même si vous ne l'étiez pas et que vous aviez tout simplement un coeur capable d'aimer, il aurait été naturel aux États-Unis il y a deux semaines 
de voter en faveur des trois mesures nouvelles que les Démocrates ont essayé de faire passer au Sénat. La première, la vérification obligatoire du passé d'un acheteur d'armes à feu a obtenu 54 votes. La seconde sur les maladies mentales potentielles d'un acheteur, en a obtenu 52. La dernière, sur la vente d'armes de pointe a obtenu 58 votes. Mais aucune de celles-ci n'a été acceptées. Parce la supermajorité nécessaire afin de faire passer une nouvelle loi est de 60. Même si 90% des citoyens sont en faveur de ces démarches, si le Sénat est composé de trop de Républicains, comme c'est actuellement le cas, la loi ne passera pas. Le lobby des armes est trop puissant et trop riche de toute façon. Et la repartition du poids des votes dans les États est parfaitement déséquilibré en faveur des plus petits États, souvent plus "gun happy".

Homosexualité:
Je l'ai souvent dit, je ne comprendrai jamais ce qui irrite tant les gens qui s'opposent au mariage de conjoint de même sexe. Qu'est-ce que ce contrat amoureux entre deux étrangers peuvent bien leur faire? L'argument souvent amené est que "ce n'est pas un bon exemple à donner à des enfants..."...hein? Mais sur quelle planète vivent ces gens? Dans quelle réalité? Ces gens croient que l'homosexualité peut être une manie qui s'attrape comme un rhume? J'avoue éprouver une très sincère pitié envers ses gens anti-mariage Gay. Je trouve aussi qu'ils sont un très mauvais exemple à montrer à nos enfants. Obama est en faveur du mariage entre conjoint de même sexe et à la fin mars, a affirmé avant de présenter un projet de loi, que le mariage Gay était consitutionnel.
La Nouvelle-Zélande vient de doubler les États-Unis sur le sujet en rendant le mariage entre conjoint de même sexe légal. La France aussi cette semaine (dans un toujours difficile à comprendre tumulte).

Immigration:
Plus de 1,4 millions d'immigrants ont été déportés depuis 2008, soit l'année d'investiture d'Obama et 400 000 seulement l'année dernière. Les 12 millions et demi de Latinos qui ont voté pour le Président tiennent à lui rappeller qu'ils aimeraient que leur vote ne les expulse pas du pays de l'oncle Sam.
Obama a un projet de réforme afin de redresser ses chiffres en sa faveur. Eva Longoria a été engagée pour être la figure de proue de cette réforme mais un projet de loi afin de faciliter l'accueil de nouveaux arrivants n'est pas encore sur la table.

Est-ce qu'Obama mènera son navire à bon port?
Depuis son second mandat, les eaux sont troubles en tout cas...

Il est déçu, mais pas abbatu prétend-il.

samedi 27 avril 2013

Les 6 Gilles Meloche

1980.

J'étais en 3ème année dans le cours de Yolande dans le 418. Ça devait être à cette période de l'année où la neige a fondu sous le soleil et cédé le passage aux chant des oiseaux et où, même si il fait chaud, la frénésie du hockey est à son comble dans mon coin de pays, puisque ce sont les séries éliminatoires de la NHL.

C'était aussi le moment de l'année où les collectionneurs de cartes de hockey comme je l'étais en profitaient pour tenter de faire un dernier blitz d'échange afin de compléter une collection qui serait déjà désuette 5 mois plus tard mais qui assurait 4 mois de plaisir à se rêver gérant/entraineur/commentateur de la NHL en simulant des matchs avec nos cartes.

Truchon et Garcia étaient deux de ces collègues dans le cercle fermé des "gérants de cartes de hockey" de 8 ans de ma classe. J'avais déjà sondé en matinée Truchon en lui faisant me présenter ses doubles. J'avais besoin de Behn Wilson des Flyers de Philadelphie et de Dave Debol des Whalers d'Hartford et ma collection était complète. Ça rendait les transactions presqu'impossibles tellement c'était précis. J'offrais à quiconque la moitié des mes doubles pour l'un et l'autre moitié pour l'autre. Truchon m'avait passé en revue tous ses doubles le matin, une généreuse pile que je soupçonnais être l'ensemble de ce qu'il possédait. Pas de Wilson ni de Debol. Mais 6 Gilles Meloche, gardien ordinaire des North Stars du Minesotta. Pas d'échanges possible.

Pendant la classe de la matinée, Garcia est sorti pour aller aux toilettes. Nos écoles étaient pauvres et un casier pour chaque élèves aurait été un luxe. Nos légers manteaux printaniers étaient tous dans le corridor, suspendus à des crochets. Quand est venu le temps de la récré, je suis allé voir Garcia pour lui demander si il avait des doubles. Il m'a répondu par l'affirmative et m'a montré sa pile. Une pile généreuse. J'étais étonné de sa pile. Un moton de jeunes de notre âge s'est collé à nous pour regarder "ses" doubles et voilà que les cartes me rappellent quelque chose. 1 Gilles Meloche, 2 Gilles Meloche, 3 Gilles Meloche, 4 Gilles Meloche, 5 Gilles M...
"Ben là Garcia..." J'ai commencé avant que Lemay, dans le tas de tête autour de Garcia, ne fouille ses poches et constate qu'il s'était fait voler tout son butin. "HEY! Garcia t'as volé mes doubles!" a ponctué Lemay.
"NOOOOOON! je les ais acheté"
"Non t'as volé mes doubles, j'ai p'us mes doubles!"
"NOOOOOON! Je les ai acheté aux dépanneurs"
"T'as volé mes doubles!"
"NON!"
"T'as volé mes doubles!"
"Ce sont ces doubles Garcia je les ai vus ce matin" j'ai rajouté, mal à l'aise.
"Non!"
"T'as volé mes doubles!"
"NON!"
Garcia était un agressif.
"T'as volé mes doubles!"
"NON!"

Après une pause où tout le monde attendait l'affront final, Truchon a tranché.
"O.K."

"O.K.?" on a tous plus ou moins répété incrédule. 
"Mais c'est clair que Garcia t'as volé tes doubles je les ais vus ce matin!"
"C'est vrai, moi aussi j'ai vu tes doubles. 6 Gilles Meloche, c't'a toi" a rajouté Paquet, le plus grand connaisseur de hockey de la planète et qui voyait les doubles des autres avant tout le monde tellement il mangeait de ce sport. Une sommité de la carte de hockey O-Pee-Chee.

Ce dernier jappement de Garcia avait semblé convaincre Truchon. Plus jamais il ne reverrait ses cartes de hockey, les laissant à son ravisseur, Garcia, maintenant traité en paria par nous. Truchon arriverait même à  se convaincre que Garcia avait raison.
Il avait acheté des paquets au dépanneur et par le plus grand des hasards, avait eu lui aussi 6 Gilles Meloche. Quand Truchon disait à voix haute des gorssièretés comme "J'espère que je vas pogner un jour celui ou celle qui m'a piqué mes cartes..." on le corrigeait en répondant "Garcia? yé là-bas".

Nous avions pitié de Garcia, portion d'ivraie dans les céréales du jour, mais avions encore plus pitié de Truchon, terrorisé par l'autre et aveuglé par la pensée magique.

En voyant le triste Maire Tremblay cette semaine à la commission Charbonneau, raisonnant parfois comme un kid de 8 ans, j'ai pensé à cet incident de 1980.

Il avait bien 8 ans par moments quand il s'exprimait n'importe comment le pauvre Gérald.
Il vivait lui aussi dans le déni comme Truchon en 1980.

En "capital humain", Tremblay faisait franchement pitié.
On avait beau lui mettre 6 fois le même fraudeur en pleine face, il ne le voyait pas.

Fallait bien un enfant de 8 ans au sommet de la pyramide pour que les crapules s'installent à Montréal.

vendredi 26 avril 2013

La Vie Par Le Chas d'Une Aiguille

Je n'ai pas beaucoup été témoin de la mort.
Du moins je le pense.
Je m'en sens privilégié.

J'ai vu la mort dans l'oeil 3 fois. Et depuis pas longtemps.
La première fois était peut-être la deuxième. Je ne sais plus ce qui s'est produit en premier.

Peu importe disons décembre 2009: mon père.

Je l'ai vu étendu sur le dos, la moitié de son équipement de joueur de hockey au bas du corps et ses épaulettes coupées au ciseau. Son oeil avait la pupille parfaitement dillatée. Ses yeux n'avaient jamais eu cette couleur. Il n'y avait définitivement plus de vie dans son regard. Ma mémoire a presqu'aussitôt effacé ces dernières images de mon père par pudeur. Et pour étouffer la douleur.

La seconde fois, c'était sur le net. C'était différent cette fois. Il y avait d'abord la vie: la jeune femme qui marche aux côtés de son père dans des manifestations au milieu d'une foule. C'était en Tunisie ou en Égypte je ne sais plus. C'était le printemps Arabe en tout cas. Je ne tiens pas à être trop précis sur quand et où, je ne tiens pas à vous envoyer aux images.
Il y avait donc, la vie.
L'insouciance mais la vie. Puis un bruit de tir au fusil, des cris, la cohue, on s'y perd dans la chaos, les images deviennent confuses et on entend de plus en plus de cris, puis les gens se poussent et on découvre cette même jeune fille aperçue auparavant, étendue sur le dos, avec le corps qui fait des soubresauts au rythme du déversement d'une flaque de sang qui s'élargit derrière sa tête. Elle a les yeux ouverts et on voit clairement le passage de la vie à la mort dans son oeil.

Troublant.
Dérangeant.
Traumatisant aussi.
Je le revis en vous l'écrivant me gardant bien de ne pas mettre de lien. C'est très facile à trouver sur le net de toute façon. Mais je ne vous le conseille pas.Traumatisant je vous dis. Alors ne faites pas exprès pour vous déranger les sens.

Et la troisième fois, c'était le mardi suivant l'attentat du Marathon de Boston. J'attendais mon tour chez le coiffeur et je feuilletais le journal du jour. En page 2 il y avait cette photo des dégats. Et cette fille, couchée sur le dos...les yeux...ce regard...cette pupille...j'ai tout de suite su. Elle était bien morte sur cette photo. Les yeux grands ouverts, paralysés par l'incompréhension et la stupeur, mais ce regard ne trompait pas. D'autant plus que sur la photo, un secouriste lui prend le pouls. J'ai essayé de chasser cette image de ma tête mais le dimanche suivant, on me montrait à la télé le visage de l'une des trois victimes et je la reconnaissais. J'ai même été revoir la photo sur le net et l'ai encore reconnue sur le dos, les yeux tournés vers le ciel qu'elle allait rejoindre.Chrystle Campbell, fauchée en plein élan.

Je ne sais pas pourquoi j'ai tenu à aller valider ce que je croyais avoir vu en page 2. Je suis toutefois certain que les éditeurs du journal ne savaient pas qu'ils exposaient une morte en page 2 ce jour-là. Elle a les yeux grands ouverts. Mais c'est définitivement le regard de la mort.

J'avais donc cette sacrifiée en tête quand, en pliant du linge, j'ai choisi d'écouter pour la première fois
Dérapages de Paul Arcand. Le film passait en soirée à la télé et ça m'a rappellé que je l'avais acheté pour 399 cennes noires au club vidéo. Je l'ai acheté pour l'écouter avec mon fils qui conduira peut-être dans 3 ans. Mais là je me suis offert une avant-première tout seul. Sans pauses commerciales. En après-midi.

Et là je suis devenue une madeleine. La première moitié de l'inégal documentaire m'a achevé. J'ai pleuré comme j'avais oublié que j'en étais capable. Incontrôlablement. Je m'étais fragilisé avec les images de Chrystle Campbell et je me transformais en lavette avec Dérapages en pliant du linge.

100% viril.

J'ai relavé une débarbouillette.

Le film est loin d'être parfait mais il a aussi beaucoup de vertu.
Un effet dissuasif assuré.
J'ai hâte de le réécouter avec Monkee.

Parce qui si ils ne comprennent pas qu'ils auront un jour entre les mains une potentielle machine à tuer avec ces témoignages...

J'ai choisi au visionnement de ce film de me porter 100% disponible à chaque sortie de mes kids un jour pour être leur chauffeur à l'allée comme au retour si il le faut.

Parce qu'il y a des regards que je ne veux plus voir.

jeudi 25 avril 2013

246 Dalles à Lire au Carré Saint-Louis

Il y a dans l'air ce projet de faire autour du Carré Saint-Louis à Montréal un genre de walk of fame comme ils ont fait à Los Angeles pour "les vedettes" du cinéma.

Mais cette fois pour honorer 246 auteurs Québécois. Pour autant de dalles disponibles.

Il y aura des naiseries c'est certain, Lindsay Lohan et Slash ont quand même leurs étoiles à Hollywood ce qui discrédite toute le concept, et si on essaie de tout de suite de placer 246 noms, on ferait des conneries c'est assuré.
On y trouverait Luc Plamondon, Nathalie Ergably-Lévy et Richard Martineau.

Mais voici 50 suggestions toutes personnelles d'auteurs de chez nous dont je ne m'étonnerais pas de trouver le nom sous mon pied quand je foulerai le Carré Saint-Louis d'ici à ce que le projet se concrétise.

50 auteurs qui à mon humble avis, le mériteraient bien.

(L'absence d'auteurs trop récents s'expliquera par le besoin de recul face à l'immortalité dans le bitume.)

Hubert Aquin: Pour que le Prochain Épisode puisse être ensoleillé.
Jean Basile: Pour sa trilogie kaléidoscopique des années 64, 67 et 70.
Yves Beauchemin: Pour avoir popularisé le verbe enfirouaper en 1974.
Victor-Lévy Beaulieu: Parce que son oeuvre démesurée s'impose, une dalle poilue au moins.
Saul Bellow: Il n'est resté que les 9 premières années de sa vie ici mais quel génie!
Janette Bertrand: Qu'on aime ou non, elle aura aidé à sa façon.
Gérard Bessette: Drôle et fiévreux.
Marie-Claire Blais: Pas mon genre du tout mais incontournable quand même.
Luc Bureau: La géographie qui rencontre la poésie.
Leonard Cohen: Il n'a pas que chanté, il a écrit aussi, à l'ombre du quartier portugais.
Gil Courtemanche: Par un dimanche, à la fontaine du Carré saint-Louis, en pensant à Kigali et à Camus.
Marcel Dubé: Illustre révolutionnaire qui a montré le vrai visage d'une société en changement culturel et politique. (Increvable à 83 ans)
Réjean Ducharme: Mon meilleur. Il ne sera pas là pour sa dalle c'est certain.
Marc Favreau: Pour la qualité de la langue et l'héritage d'un amour des mots.
David Fennario: Marcher sur sa dalle avec des Banana Boots, svp.
Jacques Ferron: Un docteur dans le lot ce ne sera pas trop pour soigner les bobos.
Michel Garneau: Parce que discrètement, cet homme est IMMENSE.
Claude Gauvreau: Il n'y aura pas d'orignal épormyable à charger au Carré Saint-Louis.
Gratien Gélinas: Tit-Coq mériterait sa dalle.
Claude-Henri Grignon: Le père de Séraphin aussi.
Germaine Guèvremont: La mère de Marie-Didace également.
Jean-Charles Harvey: Fustigé par le clergé vaut la peine d'être immortalisé.
Anne Hébert: La plus grande des dalles doit lui être accordée.
Gilbert La Rocque: Mort et jubilation, mémoire et désir, récits et sens.
Marie Laberge: Une dalle poivre et sel pour la fille de Québec.
Dany Laferrière: Pour les jours de farniente
André Langevin: Poussières sur sa dalle.
Jacques Languirand: Il n'a pas fait que de la radio le moineau.
André Laurendeau: C'est lui qui a répandu le mot joual, une dalle.
Félix Leclerc: Pieds nus dans l'aube sur du bitume.
Roger Lemelin: J'ai habité 16 ans sa maison en haut de la pente douce, je marcherais sur sa dalle.
Françoise Loranger: Un seul roman mais un bon et beaucoup de théâtre et de télé.
Marco Micone: Remarquable plume d'immigrant italien.
Gaston Miron: LE poète de chez nous (après Émile).
Émile Nelligan: LE poète de chez nous (avant Gaston).
Françine Noël: Pour la finesse de sa plume.
Fred Pellerin: Un bout de brillance au nom du peuple Québécois.
Jean-Jacques Pelletier: Mondialisateurs Mafieux, artistes, zen, zêtes tous bienvenue.
Claude Péloquin: Les fous aussi ont droit à leur dalle.
Jean-Marie Poupart: Simple et intelligent.
Jacques Renaud: Un mélange curieux entre Dickens et Céline. (pas elle tabarnak!, l'auteur français)
Mordecai Richler.
Jean-Pierre Ronfard: Les rois boiteux peuvent marcher au Carré Saint-Louis.
Jean-Jules Richard: Avec un titre comme Carré Saint-Louis, c'est presqu'une obligation non?
Gabrielle Roy: Elle ne sera pas chez nous 10 ans mais quel talent pendant qu'elle y était.
Hector de St-Denys Garneau: Le cousin d'Anne Hébert avait aussi son talent.
Felix-Antoine Savard: Un prêtre au Carré Saint-Louis pour chapeauter tout ce beau monde.
Yves Thériault: Pour les amours aux goûts de mer.
Michel Tremblay: Il habite autour du Carré Saint-Louis, et l'ignorer serait s'ignorer nous-mêmes un peu, non?
Gilles Vigneault: Une ville, un réverbère, un lac, un poisson rouge, un oiseau, car une telle planète ne tournera que le temps de donner à l'Univers la pesanteur d'un instant...

...au Carré Saint-Louis entouré de tous ces talents.

mercredi 24 avril 2013

David Lean en 10 films

Kubrick, Spielberg, Lucas, Scorsese, Leone, Peckinpah, Pollack, Brooks, Woo, Luhrmann ou Joe Wright, ils sont des dizaines et des dizaines de réalisateurs à s'être inspirés du grand David Lean.

Des 100 plus grands films britanniques de tous les temps selon le British Film Institute, Lean en a réalisé 7, dont 4 parmi les 11 premiers.

Adolescent, il sera d'abord homme à tout faire au Studio de films Gaumont, puis "clapeur" avant les prises et bientôt troisième assistant réalisateur avant d'aboutir dans la salle de montage. C'est là qu'il apprend le cinéma, montant 23 films avant de tourner son tout premier en 1942. Sa carrière de plus de 50 ans sera parsemée de succès, de grands succès et de très grand succès.

Voici en dix tranches, une manière de visiter le meilleur de sa cinématographie.
À mon humble avis.

A Passage to India (1984)
Dernier film du petit gars de Croydon Surrey à Londres. C'était aussi le premier en 14 ans alors que son dernier effort l'avait cicatrisé assez profondément. L'adaptation du roman d'E.M.Forster du même nom raconte l'histoite de deux dames visitant l'Inde et qui s'en sortiront traumatisées. Avec Peggy Ashscroft, Judy Davis, Victor Banerjee, James Fox et Alec Guiness. 11 nominations aux oscars: Meilleurs actrice, direction artistique, cinématographie, costumes, réalisateur, montage, film, Musique originale (gagné-Maurice Jarre), scénario adapté, son, actrice de soutien (gagné-Ashcroft)

Hobson's Choice (1954)
Fin du XIXe siècle, en Angleterre, Henry Hobson est le patron et propriétaire d'une boutique de chaussures, et y travaille avec ses trois filles. Usé par les années et meurtri par la perte de sa femme, il fréquente de plus en plus assidument le pub au détriment de son échoppe. Après s'être vu refuser la dot qu'elle lui demandait, l’aînée de ses filles se révolte contre son père et entame une relation avec l’un des employés de ce dernier. Elle projette alors d'ouvrir un commerce concurrent. Avec Charles Laughton, John Mills, Brenda de Banzie, Daphne Anderson et Prunella Scales.

In Which We Serve (1942)
Tout premier film de Lean tourné sous l'oeil averti de Noel Coward dont s'était le scénario et qui sera aussi co-réalisateur. Le film traite l'histoire d'un bateau, le destroyer britannique HMS Torrin, racontée en flashbacks par des survivants au moment où ils embarquent sur un canot de sauvetage. Avec Noel Coward, Celia Johnson, Micheal Wilding, John Mills et Kay Walsh qui deviendra la femme de Lean. Nommé pour deux oscars, celui du meilleur film et du meilleur scénario.

 Brief Encounter (1945)
Adapté de la pièce de Noel Coward Still Life, mise en scène 9 ans plus tôt, le film raconte la liaison non consommée entre deux personnes mariées chacune de leur côté. C'est la scène dans ce film où l'on voit Alec essayer d'utiliser l'appartement de son ami pour s'y retrouver seul avec Laura, qui aurait inspiré Billy Wilder à écrire le scénario de The Apartment. Nick Park s'est aussi inspiré de cette scène intimiste pour son court-métrage d'animation en pâte à modeler de la série Wallace et Gromit, A Close Shave, 50 ans plus tard. Lors de sa sortie initiale, le film fut banni par la censure en Irlande parce qu'il présentait un couple adultère sous un jour sympathique. Aux Pays-Bas, notamment, le film fut pour les mêmes raisons interdit aux moins de 18 ans. Avec Celia Johnson, Trevor Howard, Stanley Holloway. 3 nominations aux oscars: meilleurs scénario, réalisateur, actrice.


Great Expectations (1946)
Adaptation du roman éponyme de Charles Dickens racontant l'histoire de Pip: son enfance et sa prime jeunesse dans le Kent alors qu'il rêve de s'élever au-dessus de son humble condition, puis sa jeune maturité à Londres après avoir reçu ses "grandes espérances", enfin sa désillusion de connaître la source de sa fortune à quoi s'associe sa lente prise de conscience de la vanité et de ses fausses valeurs. Avec John Mills, Valerie Hobson, Jean Simmons et Alec Guiness. Nommé 5 fois aux oscars: meilleurs réalisateur, film, scénario adapté, direction artistique (gagné) et cinématographie (gagné).



Ryan's Daughter (1970)
Adaptation de Madame Bovary dans un village imaginaire d'Irlande en 1916 lors de l'insurrection de Pâques. Si mal reçu par la critique que Lean en fera des ulcères au point de ne plus tourner pendant 14 ans. Le tournage a aussi été très ardu, alors que Leo McKern a lui aussi, juré de ne plus jamais tourner de films après cette horrible expérience qui a pris plus d'un an à tourner, qui était aussi à l'image trop long, et qui a été marqué par de nombreuses tensions sur le plateau. Christopher Jones ne tournera plus jamais non plus après ce film. Avec Sara Miles, Robert Mitchum, Christopher Jones, Leo McKern et John Mills. Nommé quand même 4 fois aux oscars, meilleurs: Actrice, cinématographie (gagné-Freddie Young), son et acteur de soutien (gagné- Mills). 


Oliver Twist (1948)
Seconde rencontre avec l'univers de Charles Dickens pour Lean.
Élevé dans un orphelinat de l'Angleterre victorienne, Oliver Twist survit au milieu de ses compagnons d'infortune. Mal nourri, exploité, il est placé chez un fabricant de cercueils et un croque-mort de son état. Là encore, il ne connaît que privations et mauvais traitements. Oliver endure tout, jusqu'au jour où une provocation d'un apprenti le pousse à se battre puis à s'enfuir vers Londres. Épuisé, affamé, il est recueilli par une bande de jeunes voleurs qui travaillent pour le vieux Fagin. Oliver découvre un monde cruel où seules comptent la ruse et la force. Après une arrestation pour un vol qu'il n'a pas commis, Oliver se retrouve chez un homme qui le traite comme un fils. Mais la bande de jeunes voleurs le retrouve et le force à participer à un cambriolage raté où Oliver s'y blesse. Il reviendra là où il était le mieux protégé et apprendra d'òu il vient. Avec Alec Guiness, Robert Newton, Kay Walsh, John Howard Davies et Henry Stephenson.

Doctor Zhivago (1965)
L'adaptation romantique des relations adultères entre un médecin poète et une jeune femme en Russie de 1913 telles qu'elles l'étaient racontées dans le roman de Boris Pasternak. 10 nominations aux oscars, meilleurs : Direction artistique (Gagné), Cinématographie (gagné-Freddie Young), Costumes (Gagné), réalisateur, montage, film, musique originale (gagné-Jarre), scénario adapté (Gagné-Robert Bolt), son et acteur de soutien. Avec Julie Christie, Omar Sharif, Tom Courtenay, Geraldine Chaplin, Rod Steiger et Alec Guiness.   

The Bridge on the River Kwai (1957)
Adaptation du roman éponyme de Pierre Boulle publié 5 ans plus tôt. L'histoire d'un camp de prisonniers  de guerre en Birmanie et les tensions autour de la construction d'un pont s'est méritée 8 nominations aux oscars, raflant 7 statuettes: meilleurs: acteurs (Gagné-Guinesss), cinématographie (Gagné-Jack Hildyard), Film (Gagné), montage (Gagné), musique (Gagné- Malcolm Arnold), scénario adapté (Gagné), réalisateur (Gagné) et acteur de soutien. Avec Alec Guiness, William Holden, Jack Hawkins, Sessue Hayakawa et James Donald.

Lawrence of Arabia (1962)
Chef d'oeuvre absolu du grand Lean inspiré de la vie de Thomas Edward Lawrence et de ses exploits pendant la première Guerre Mondiale en terres Arabes pour le Royaume-Uni. T.E. Lawrence était en poste à la surveillance du canal de Suez, et a conseillé aux Arabes en Syrie de se révolter contre les Turcs de l'Empire ottoman et de fonder une nation arabe indépendante moderne. Avec Peter O'Toole, Alec Guiness, Omar Sharif, Anthony Quinn, José Ferrer et Claude Rains. 10 nominations aux oscars, 7 victoires. Meilleurs : Acteur, direction artistique (Gagné), Cinématographie (gagné-Freddie Young), réalisateur(gagné), montage (gagné), Film (gagné), musique originale (gagné-Jarre), scénario adapté, son (gagné), Acteur de soutien.

David Lean était aussi grand que son art. Il est décédé le 16 avril il y a 22 ans, à l'âge de 83 ans.