mercredi 31 juillet 2019

À La Recherche Du Temps Perdu***************Candide ou L'Optimiste de Voltaire

Chaque mois, dans les 10 derniers jours, comme je le fais pour le cinéma (dans les 10 premiers) et pour la musique (vers le milieu) je vous offre un livre que je juge essentiel à la compréhension du monde. Ou à l'envie d'un meilleur soi-même. Presque toujours pigé dans ma bibliothèque.

Lire c'est s'ouvrir sur le monde, c'est écouter les idées des autres, voir la vie autrement, s'initier à de  nouveaux horizons, réfléchir autrement, s'accoutumer à des moeurs, des univers, s'épanouir. Ceux qui refusent de lire, refusent, sans le savoir de vivre.

Lire c'est beaucoup mon métier (de traducteur). C'est à peine travailler pour moi.
C'est une de mes manières de respirer.

C'est formidable.

CANDIDE OU L'OPTIMISTE de VOLTAIRE.

"Presque toute l'histoire est une suite d'atrocités inutiles" dira Voltaire, secoué après le tremblement de terre de Lisbonne en 1755, suivi du début de la Guerre de Sept Ans, premier grand conflit international/intercontinental.

Voltaire envoie son Poème sur le Désastre de Lisbonne à Jean-Jacques Rousseau. Celui-ci lui répond avec fatalisme en justifiant par la divine providence. Voltaire ne croit pas en la divine providence. Contrairement à sa maîtresse Emilie du Châtelet, il n'est pas disciple de Leibniz, qui lui, ne croit qu'en Dieu et son harmonie préétablie. Il juge cet optimisme envers un au delà improuvé/improuvable assez naïf.

L'année précédent la publication de Candide ou L'Optimiste, Voltaire travaille avec Diderot et D'Alembert sur L'Encyclopédie, livre qui ne touche en général que l'élite et les fortunés. La production de ce livre connaît un coup d'arrêt par le retrait du privilège royal et la condamnation prononcée au parlement de Paris.

Avec son prochain livre, il trouve un moyen de non seulement faire passer les idées des Lumières à rejoindre l'élite, les fortunés, mais aussi presque tous les lettrés.
Dans sa retraite, à Genève, il parcourt mentalement ce qu'il comprend du monde géographique qu'il a visité. Il s'imagine l'Allemagne au bon endroit, avec Berlin au Nord, le Pérou à l'Ouest, Venise au Sud, Constantinople à l'Est. Ce seront aussi les principaux lieux du conte. Les grandes étapes du voyage initiatique de Candide. L'Allemagne est inspiré de la Turquie, qui entretient elle aussi, un despotisme politique avec l'Amérique du Sud par les Jésuites Allemands qui font la guerre au Paraguay.

Un baron, au nom imprononçable, noyé dans son titre, exclura Candide du jardin d'eden. Le roi des bulgares serait inspiré de Frédéric II, couvert de gloire en 1757. Et avec lequel Voltaire s'est plus ou moins brouillé. Suggérant une homosexualité chez Frédéric incertaine à valider. Voltaire peut être brasse camarade. C'est dans sa personnalité.

Son livre, un conte, est lancé en 1759, faussement "traduit de l'allemand" par Mr. le Docteur Ralph, pseudonyme de Voltaire, aux idées risquées contraires (de là, le pseudonyme).

Le sarcasme moque le conservatisme social de l'arrogante noblesse comme Molière le faisait si bien aux dépens de l'aristocratie provinciale. Le caractère de Candide est aussi un adjectif passé à l'usage de la langue française. Qualité d'une personne pure et innocente, sans défiance, ni méfiance. Naïf. 

Chassé du jardin d'eden, Candide assistera à la boucherie de la guerre, et suivront, en effet, des séries d'atrocités dans lesquelles il dénonce l'esclavage, la noblesse qu'il caricature vivement, les ordres religieux, toujours risibles jusqu'à nos jours, les affres guerrières et la naïveté, bien entendu.

Son livre fera aussi naître la description des métiers, alors existante que de bouche à oreilles. Bientôt, écrite sur papier. Et archivée. Les références voilées à l'homosexualité charmeront un autre homosexuel notoire aux États-Unis, Leonard Bernstein, qui en fera une opérette, presque 200 ans plus tard.

Voltaire en deviendra riche (200 ans avant) et son livre, deviendra une référence sur l'aveuglement volontaire souvent plus grave que le doute et la reconsidération des choses préétablies.

Sujet toujours pertinent de nos jours.
260 ans plus tard.



mardi 30 juillet 2019

Cinéma Narratif (1896-2019)

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"On va tu voir un film?"

À cette question, une seule réponse possible de mon point de vue.

"Ça n'existe plus en salle pour moi".

Au cinéma près de chez nous voici le programme:
Alladin
Annabelle 3
Crawl
Toy Story 4
John Wick 3
Le Roi Lion
Menteur
Rocketman
The Secret Life of Pets 2
Spider-Man: Loin des Siens

Sérieusement?
On vise qui?
Les enfants, les ados, les adulescents, à peine les boomers. Surement pas un X comme moi.
Et je ne suis pas si unique. Je ne peux pas croire que je sois si unique. Je mange du ragoût de boulettes en canne quand je ne suis pas inspiré et seul en cuisine. Et je ne suis pas fier.

Rien pour moi qui aime les histoires. Menteur serait le moins dommageable compromis. En y allant à reculons, je ne pourrais qu'être mieux surpris. Ne serais-ce que pour Catherine Chabot. Futur coup de foudre. Et Rocketman, on l'a vu et n'avons pas beaucoup aimé. Trop proche de la comédie musicale, pleine d'erreur de temporalité dans les compositions et passant par dessus de longs pans de la carrière de Reginald Dwight, comme ses enregistrements mythiques du château d'Hérouxville ou son show réunificateur entre John Lennon et Yoko Ono ni de la proche collaboration Lennon/Elton, du pari qu'ils s'étaient fait. On a même supposé que le "John" de son patronyme était inspiré de Lennon, ce qui est une réécriture de la vérité, c'était plutôt pour rendre hommage à Long John Baldry, que Elton admirait en début de carrière.
Quand Gus Van Sant avait repris Psycho, plan par plan, d'Hitchcock, à une scène près, tout le monde avait dit "but why the fuck?"
Disney refait la même chose avec à peu près tous ses films en ce moment. En moins bon. Pas en meilleur, ça non. Allez vous faire empailler ailleurs si vous trouver que reraconter la même chose, mais avec une coupe de cheveux différente ça fait vraiment une meilleure histoire.  On refait le portefeuille. On renouvelle la clientèle. On lance le New Coke.
On a refait Le Roi Lion avec des effets plus vrais que vrai fort impressionnant parait-il. Mais si ça, moi, nous je/nous ne veux pas être impressionné de la sorte? Si de voir un vrai lion mourir pour vrai pouvait faire peur disons...à un enfant?...REfaire des films, faire des suites, c'est la mort. La mort de l'inspiration.  Le Roi Lion? un seul mot maintenant:
Morbide.
Ça relève de la chirurgie plastique. On parle donc de la mort.

Poudre aux yeux. Rien pour l'âme.
Why the fuck? Money.

Y a Once Upon a Time...in Hollywood de QT qui a aussi été lancé ce dernier vendredi. En grande pompe. Avec le beau Leo et le beau Brad. QT semble bien nous livrer une histoire. Mais encore. J'ai rendez-vous avec la réaction outrageuse. J'ai une relation Bunuel/Dali avec Quentin Tarantino.
Je n'ai pas vu le film encore que je crois comprendre, tellement on fait attention pour ne pas me le dire à la radio, que QT nous refera le coup de la réécriture des faits véridiques autour de la triste mort de Sharon Tate en 1969. QT l'avait fait pour Inglorious Basterds, faisant mourir Hitler dans un cinéma, brûlé par la fille d'une famille juive décimée.

C'était un brin juvénile. SODEC, SOCAN, Telefilm Canada, je vais vous présenter un film où un homme intercepte Guy Turcotte avant qu'il ne commette ses affreux crimes. Ce sera un succès vous verrez. Tout le monde vivra! Peut-être pas Guy...Mais ce ne sera qu'un film. Des choses inventées. C'est ça le cinéma. Du fantasme. Un voyage inventé. Mais quand on reprend les bonhommes des comics, qu'on fait des suites de films, invente tant donc? Et suivant ce raisonnement, QT serait donc justifié d'inventer à peu près n'importe quoi. Même une morte pas morte, ou une morte vengée autrement que dans la vraie vie vraie.

Au moins, QT propose justement la victoire de la fiction sur la réalité. Si grossière aux USA.

Oui! j'irais probablement le voir. Pire, puisque je me suis donné la peine de m'acheter un coffret contentant tous ses films jusqu'à maintenant (sauf The Hateful Eight, don't care about that one anyhow) et que je sais que sur 3 heures de film, je passerai probablement une heure de pur bonheur tout en clin d'oeil, une heure d'ennui et une heure à trouver qu'il se la joue gros l'ancien commis vidéo, je vais fort probablement acheter ce film un jour.

Si narcissique qu'il aurait fait une demie tonne de clin d'oeil à ses propres films précédents. Ce qui serait justifié par une retraite du cinéma imminente parait-il. Raison de plus pour avoir ses presque-tout-films. (-les 8 détestables).

Le film aurait coûté quelques 100 millions. Pourquoi je vous en parle?
Parce qu'il n'y a plus d'histoires. Il n'y a que des chiffres.
Des machines à ca$h.

Wach.

Je me suis donc pris un Godard à la bibliothèque. Que j'appelle plus souvent Vievliothèque. Parce que j'y trouve la vie, pas la mort.
Le Godard pris,  je ne l'avais jamais vu. Je voulais Je Vous Salue Marie, j'ai pris le film qui a servi à le financer à la place. Plus ou moins par erreur. Post 68, Godard a fait du cinéma plus ou moins par erreur aussi.

Emmanuelle Seigner, 18 ans, joue plus Emmanuelle que Seigner. Elle a les seins exposés sur presque tout le film. Godard voulait des sous. Encore des sous. Des seins exposés, c'est des sous.

 "Et le froissement de soi, de leur robe matinale, faisait de leur gravier, un bruit de ruisseau"
Rilke, dans Nuit, Hiver. Cité dans le Godard.
Un peu de poésie au moins

Jean-Luc nous racontait quelque chose. Mais comme trop souvent, post-68, on entendait que sa voix. De tous les personnages. .

Son histoire était un monologue sur fond de musique classique inégalement réparti sur ses images. Comme toujours. Le cerveau trop agité dans la salle de montage. Se demandant pourquoi il filme quoi. Dans les volutes de ses gitanes.

Johnny Hallyday n'est pas un acteur. Aux côtés de Brasseur et de Baye, il joue comme Tarantino quand il fait l'acteur.

Faudra que je me tape des histoires bientôt.
Ce sera donc ailleurs qu'au cinéma.

Mais au moins ma cible Godard était gratis
Même si il faisait sa pute.
Et je n'ai pas perdu un sou en salle.
Salle qui ne me raconte plus rien vraiment.
La salle étant devenu trop sale.

J'ai évité le broiement dans la machine à con.
La machine à sous.

Le noyé des narrations atteint la rive.

lundi 29 juillet 2019

Luis Bunuel

Luis est né à Calanda dans la province de Turuel, dans l'Aragon en Espagne, d'un père prospère dans et établi dans la région cultivatrice, et d'une mère beaucoup plus jeune que son mari, issue d'une famille pas mal riche elle aussi. Luis dira de sa région natale que c'était le moyen-âge jusqu'à la Première Guerre Mondiale.

Luis aura 14 ans quand la Première Grande Guerre éclate. Issu d'un secteur très religieux, il y travaillera enfant jusqu'à ses 16 ans, avant de s'en découvrir profondément dégoûté, ce qui marquera toute son oeuvre.

Étudiant universitaire, il se lie d'amitié en résidence avec Salvador Dali et surtout Federico Garcia Lorca. Celui-ci, le parfait contraire de Bunuel lui apprend beaucoup. Bunuel est un redneck d'aragon tandis que Lorca est un être sophistiqué et élégant de l'Andalousie. Lorca lui lit ses poèmes et les horizons de Bunuel prennent de l'expansion. À 3, ils plongent fermement dans le surréalisme avant-gardiste.

Fasciné par l'hypnose, qu'il pratique aussi un peu, il est naturellement guidé vers le cinéma, meilleure forme d'hypnose possible. Après avoir vu Der Müde Tod de Fritz Lang, il devient passionné du média pour toujours.

À 25 ans, il s'installe à Paris et y étudiera dans une école privée dirigée par Jean Epstein. Bien vite il sera assistant auprès d'Epstein sur certains de ses films. Il hérite même d'un petit rôle dans Carmen en 1926 (vers 1h40). Il coupe les liens avec Epstein quand celui-ci veut en faire l'assistant d'Abel Gance sur Napoleon et que Bunuel refuse. Epstein en sera soufflé de l'effronterie et le traitera de surréaliste. Le plus beau des compliments pour Bunuel.

Il est critique de film et de théâtre avec son ami Dali, avec lequel une rivalité est toujours latente. Ensemble, ils se répondent dans des essais sur le théâtre et le cinéma. Il fonde un ciné-club dont il sera le premier président. Il courtise une médaillée de bronze olympique, enseignante en gymnastique qu'il épousera en 1934, et avec laquelle non seulement il passera le reste de sa vie, mais aura aussi 2 fils.

Le premier court-métrage auquel il met la main aura un immense impact chez les surréalistes. Français surtout. Une langue qu'il maîtrisera parfaitement au fil du temps. Dali et lui se rencontrent un matin pour parler de leur projet de film. Le premier lui dit qu'il a rêvé la nuit dernière de fourmis grouillant dans sa main. Bunuel lui répond qu'il a, pour sa part, rêvé qu'il tranchait d'une lame l'oeil de quelqu'un. Les deux viennent de trouver leur film.
André Breton et ses contemporains y trouveront leur compte et encore de nos jours ce premier film est considéré comme un chef d'oeuvre du surréalisme.
Mais leur ami Garcia Lorca le prend personnel. L'Andalou des trois, c'est lui. Serait-il leur chien?
La tension deviendra vive entre eux trois.

Marie-Laure et Charles de Noailles sont parmi les gens charmés par le film. Ils se portent volontaires pour financer un autre film du duo. On parle alors d'un autre film de 20-30 minutes, mais très vite, le tandem Bunuel/Dali tricote plutôt une heure. De film parlant cette fois. Bunuel veut attaquer tous les types de bourgoeisie. Avec L'Âge d'Or, il atteint son but complètement. Le film irrite tant les différents paliers de pouvoir, qu'il provoquera des émeutes où des groupes détruisent des oeuvres surréalistes dans les salles adjacentes après avoir aspergé l'écran d'encre. Dali et Bunuel se sont brouillés dès l'étape du scénario. Dali, faisant la rencontre de Gala, sa future épouse, et épousant plutôt la bourgeoisie, se rapprochant aussi de Franco et de son régime. Considéré comme une attaque directe au catholicisme, (en liant entre autre Jésus au Marquis de Sade, ce dernier dans la lignée familiale des De Noailles), le Vatican condamne sévèrement le film et quand les De Noailles sont personnellement menacés, ils choisissent de retirer le film jusqu'en 1979, année où ils sont tous deux morts.

Grâce au scandale, le continent de toutes les saletés a tendu la main à Bunuel. Hollywood l'invite (Ainsi que sa comédienne Lya Lys) à travailler là-bas.

Bien qu'il fraye avec quelques célébrités expatriées comme lui comme Eisenstein, Von Sternberg, Feyder, Chaplin ou Brecht, il peine à trouver sa place. On l'utilise pour juger de l'accent espagnol des comédiennes, ce qui l'horripile. Il veut s'améliorer en réalisation. Il revient en Espagne en disant qu'il était venu en Amérique plus Français qu'Espagnol.

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Il rejoint le parti communiste de retour en Espagne. Un de ses amis, sculpteur, lui dit que si il gagne la loterie,il financera son prochain film. Cet ami gagne effectivement la loterie, l'appelle et finance son documentaire, univers dans lequel on lui donne des responsabilités locales depuis quelques temps. Il tournera la pauvreté extrême sur de la musique inappropriée de Brahms habillé d'un commentaire parlant des conditions difficiles des lieux. C'est un documentaire surréaliste. Il sera banni par trois gouvernement républicains successifs avant que Franco ne le bannisse pour toujours, une fois au pouvoir.

Warner ouvre un bureau de production à Madrid, il sera responsable des contenus à saveur espagnols. Bien qu'il soit prétendument supposé s'occuper du doublage, ce qu'il fera aussi, il réalise secrètement et anonymement, donnant ses instructions le matin et faisant le montage seul en soirée. De 1931 à 1937, il apprend beaucoup du métier.

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Pendant la guerre civile, il est au service des Républicains et placé à Genève afin d'y cataloguer et archiver les films de propagande. Son ami Lorca a été assassiné par Franco et il en restera amer toute sa vie. Les De Noailles le financent, lui et sa famille afin qu'il retourne aux États-Unis, conseiller Hollywood sur les projets autour de la guerre civile espagnole. Mais le conflit cesse dès son arrivée en Amérique. Et comme les fascistes prennent le pouvoir aux yeux de Bunuel, il ne peut plus revenir. Il adore l'Amérique de toute manière.
Il travaille avec la MGM un peu mais reste amplement insatisfait. Il vend bien quelques gags à Chaplin pour son film The Great Dictator, mais il est facilement ostracisé. Il est envoyé au Museum of Modern Arts de New York pour y retravailler le montage de Triumph of the Will.  Il doit quitter son poste quand Dali le qualifie d'athée dans une autobiographie et quand un religieux expose l'auteur de L'Âge d'Or à ses employeurs.

Il retourne une troisième fois à Hollywood où il supervisera le doublage des films chez Warner jusqu'en 1945. Son contrat terminé, il passe un an avec sa famille à Antelope Valley, où il se lie d'amitié avec Aldous Huxley et Alexander Calder, duquel il loue la maison.

Hollywood dresse une liste noire des communistes, vrais ou avérés, et Bunuel en fait partie. Il se lie d'amitié avec le producteur Oscar Dancigers, lui aussi sur la liste noire et qui produit des films au Mexique. C'est l'âge d'or du cinéma au Mexique, alors que le 7ème art est le troisième plus grand producteur de revenus au pays. Comme Bunuel tourne en respectant le budget, et souvent en finissant avant les délais, et à moindre coûts, presque tous ses films seront alors payant pour le studio.

Il y tournera 22 films entre 1946 et 1965.

Dont Los Olvidados qui lui vaut la palme de la meilleure réalisation à Cannes, Susana, Robinson Crusoe, son premier film en anglais, l'excellent Nazarin avec Francisco Rabal,  Viridiana qui lui vaudra la Palme d'Or à Cannes, El Angel Exterminator qui lui fait aussi gagner un prix à Cannes et Simon El Deserto qui gagne le prix spécial du jury du Festival de Venise.

Il tourne aussi, en collaboration avec les États-Unis, une intelligente étude sur le racisme et une savante exploration sur le désir aux États-Unis, adaptée d'une nouvelle de Peter Matthiessen. Film rès mal reçu par un public encore plutôt raciste se faisant donner des leçons d'un exilé.

Fernando Rey, un ami depuis le tournage de Virdiana, est accessoire afin de le diriger vers une adaptation du Journal d'une Femme de Chambre d'Octave Mirabeau. Bien que Sylvie Pinal fait tout pour obtenir le rôle de Celestine, apprenant même le français et abandonnant l'idée d'un salaire, c'est Jeanne Moreau qui fera le rôle. Jean-Claude Carrière, ancien comédien et auteur/collaborateur de quelques comédies a 32 ans et fera l'adaptation du livre. Une formidable collaboration naît et deux fameux talents se développeront ensemble.

Les frères Hakim, spécialistes du film sexy, proposent à Bunuel d'adpater Belle de Jour de Joseph Kessel. Il n'aime pas le livre, mais se fait un défi de transformer quelque chose qu'il n'aime pas en quelque chose qu'il aimera. L'histoire d'une femme qui s'improvise prostituée de jour, dans une double vie, mettra en vedette Catherine Deneuve, que Bunuel méprisera. Choisissant quelques moments plus cruels que prévu sur pellicule. Le film sera son plus grand succès alors.

Après avoir vu La Chinoise de Godard, il se convainc (avec Carrière) qu'il peut tourner sur les hérétiques. Un de mes films préférés de Luis, La Voie Lactée, en naîtra. Il met en vedette, entre autre, notre Daniel Pilon à nous. Picaresque pélerinage formidablement allumé et comique.

Tristana, adapté de la nouvelle de Benito Perez Galdos, réconciliera Deneuve et Bunuel (grâce à Fernando Rey) et lui méritera une nomination aux Oscars dans la catégorie du meilleur film étranger.

Deux ans plus tard, il gagne l'Oscar du meilleur film étranger, avec Le Charme Discret de la Bourgeoisie, film extraordinaire, attaquant bien entendu la bourgeoisie, et racontant un groupe d'amis, incapables de s'assoeir à table pour manger en paix. Une scène aussi hilarante que brutale met en vedette Fernando Rey et un morceau de jambon. Carrière et Bunuel se surpassent tant qu'ils sont aussi nommé pour l'Oscar du meilleur scénario original.

Il tricotera (avec Carrière) son film le plus surréaliste selon lui, un hommage au poète Benjamin Péret, 12 vignettes réunies sous le titre Le Fantôme de La Liberté.

Il commence le tournage de l'adaptation de La Femme & Le Pantin de Pierre Louÿs, roman de 1898, avec Maria Schneider, célèbre depuis The Last Tango in Paris. Mais celle-ci est vite limogée car toujours sous les effets de la drogue. Bunuel et carrière s'entendront pour placer le surréalisme dans cette histoire relativement conventionnelle dans le personnage féminin incarné par deux comédiennes différentes, sans réèlles explications.

Cet Obscur Objet du Désir sera son dernier film. Bunuel a 77 ans.

Luis, roi du surréalisme, d'un humour cruel et d'un cynisme obtus, décède d'une cirrhose du foie en 1983, à 83 ans.

Aujourd'hui, il y a 36 ans.

La période entre **** a inspiré un film d'animation de Salvador Simo.
Qui me semble aussi merveilleux que celui qui l'a inspiré 

dimanche 28 juillet 2019

Nos Chauds Étés 1989 & 1990 au Québec

Vernaculaire canicule croyez-vous?

Vrai.

Mais l'été de mes 17 et 18 ans, un seul sujet brûlait le Québec de tous ses rayons. En fait deux, un en 1989 et un autre en 1990.

Les deux avaient des airs dramatiques et menaçaient bien des libertés civiles. Il ouvrait aussi des portes là où on voulait les fermer.

Mais que se passait-il donc Jones?

D'abord 1989.

Chantal Daigle a des relations sexuelles avec Jean-Guy Tremblay, en 1988 et en 1989. Daigle tombe enceinte de Tremblay vers avril 1989. Mais le couple se sépare presqu'aussitôt. Même qu'à l'annonce de la grossesse, c'est là que ça se termine. Daigle veut donc interrompre sa grossesse, qui a 18 semaines. Elle se termine à la clinique d'avortement pour se faire accueillir par une injonction de Jean-Guy Tremblay, une injonction de la Cour Supérieure du Québec, l'empêchant d'agir. Si elle se fait avorter, elle risque une peine de prison de 2 ans et/ou 50 000$ d'amende.

Début juillet, tout le monde est paralysé. Tremblay évoque le droit à la vie du foetus. La cour supérieure du Québec lui donne une première fois raison. La cour, en donnant "des droits" au foetus, supprime ceux de la Femme qui le porte. C'est outrant. Les gens dans les maisons hurlent face à leur téléviseur. Mais qu'est-ce que ce jugement à la con? Dans le même 12 mois où la victoire juridique du Docteur Morgentaler rend légitime les avortements au pays en les décriminalisant, un homme pouvait encore dicter à une femme comment disposer de son corps.

Daigle et ses avocats portent la cause devant la Cour Suprême du Canada, mais la contrainte du temps s'impose. Fin juillet, partout au Canada, des groupes de gens ont proposé de l'aider. Et le feront. On la déguise en punk, elle passe aux États-Unis en douce, avec de faux papiers, et 10 000$ récoltés de braves groupes de femmes. Elle se fera avorter à 22 semaines dans une clinique de Boston.

Au Québec alors, sur plusieurs tribunes, les vannes du sexisme et de la misogynie étaient grandes ouvertes. Mais nous en sortirions grandis.

Le 8 août suivant, 2 heures avant le jugement de la Cour Suprême du Canada, on apprend que Daigle s'est fait avorté en secret. On vote, de toute manière à l'unanimité sur la non existence vitale d'un foetus qui n'est pas une vie, mais un vie en formation. Un homme n'aura jamais les mêmes droits que la mère sur ce qu'elle porte en elle. Et notre pays ne s'en trouve que plus merveilleux.

C'est un grand moment pour les Femmes de notre pays.

Dans la honte, Tremblay non seulement fait un clown de lui-même en se plaignant un peu partout de son sort, mais est aussi accusé, dans les années qui suivront, d'être un homme brutal physiquement avec les femmes.

Confirmant involontairement un respect quasi inexistant pour le corps de la femme.
La Canada confirmera légalement par la suite que le foetus n'est pas un être humain et n'a donc aucun droit .

1990:
L'été sera plus chaud encore.

Depuis plusieurs mois, la ville, les Mohawks et Québécois allochtones, ne s'entendent pas. Les premiers veulent étendre les zones de construction en faveur des promoteurs d'Oka, ce qui couvre la pinède, d'un terrain de golf que les Mohawks considèrent un de leur terrain ancestral.  Ceux-ci voudraient plutôt qu'un centre de désintoxication pour autochtone y soit construit.
Le maire Jean Ouellette met le feu au poudres quand il accorde à un promoteur l'agrandissement d'un terrain de golf sur le territoire, et lui donne aussi le droit d'ériger un projet domiciliaire.

Le Canada, d'une lâcheté éternelle avec les autochtones, avait refusé par le passé que les Mohawks achètent le terrain.

Les Mohawks voulaient aussi agrandir un cimetière Mohawk sur la zone. Là où le promoteur y agrandirait le terrain de golf. L'irritant est important. Mais pas encore majeur. Mais symboliquement, des logements pour blancs empiétant sur les morts autochtones, ça provoquaient des nuages noirs dans les consciences locales.
Dans les faits, la communauté de Kanesatake occupe déjà les lieux, et y fait un sérieux entretien dans un esprit de communauté. En effet, ce sont eux qui ont même planté les arbres il y a 100 ans, sous l'ordre des Sulspiciens. On abandonne alors le projet de golf (et les Mohawks le projet de centre de désintox) mais un irritant subsiste. On les traite comme des parasites alors que les Mohawks clament que cette terre est la leur depuis toujours.

Et le projet domiciliaire est toujours actif. Et serait toujours sur le site de la pinède.

Dès le mois de mars, la communauté Mohawks, principalement les "warriors" procèdent à des gestes de désobéissance civile et érige des barrages ponctuels. Sans entraver le chemin complètement.
Un groupe de citoyens obtient 900 signatures contre le projet de la ville qui n'a consulté personne, ni fait d'étude d'impact environnemental pour son projet domicilier.Le maire ne veut rien entendre, trop d'argent à déjà été investi, on fonce et on coupera des arbres. Des vigiles autochtones les attendent jour et nuit. Rien ne se passe avant la fonte complète des neiges. Une guerre de nerfs se dessine.

La sureté du Québec est appelée à policer les lieux. Au sein même des autochtones, il y a discorde. Un groupe armé, avec des autochtones presque tous des États-Unis, s'opposent à un projet de bingo que les autochtones veulent faire à Akwasasne. Le climat de méfiance est grandissant.

De vrais barrages empêchant de rejoindre la pinède sont érigés en avril. Plusieurs Mohawks sont armés, ce qui en fait fuir un paquet (de Mohawks). Le Canada pisse dans son froc et dira qu'il n'enverra personne jouer au cowboy pour un terrain de golf. Suggérer la chasse aux Indiens, édifiant...
Mais John Ciaccia fera le contraire et se donnera beaucoup au nom du fédéral. Quasi seul.

Le matin du 11 juillet, la SQ choisit d'investir les lieux par la force. Mais les autochtones sont prêts. Ils bloquent le pont Mercier et aveuglent avec des bombes lacrymogènes. Des coups de feu seront échangés Les bombes lacrymogènes des gens de la SQ voient leur fumée revenir sur eux en raison du vent. La nature se range du côté des autochtones, comme toujours. Le caporal Marcel Lemay est tué dans les échanges de coups de feu. On ne trouvera jamais le tireur.

Dans la cohue qui suit, les autochtones s'emparent des voitures de la SQ et de la grue qui démolissait leur barricade. Ils s'en serviront pour en faire un plus gros barrage encore, bloquant la route 344 complètement.

Le siège durera du 11 juillet au 26 septembre. C'est l'état de crise. La SQ cerne les Mohawks et les insurgés dans le but de les affamer par manque de subsistances et de médicaments ou les forcer à sortir. Le Canada tente de négocier quelque chose, mais ne veut plus le faire si ils ont des armes. Les autochtones se moquent de l'argument puisque des dizaines et des dizaines d'armes sont pointés sur eux.

La SQ panique. Elle s'en prend à des gens de Châteauguay venu appuyer les Mohwaks et les Warriors. La SQ vole le matériel de journalistes et détruit les contenus embarrassants pour eux.

En août, l'armée remplacera la SQ. Un célèbre face à face entre l'impassible caporal Dionne et "Lasagna" sera l'image culte de la crise. On apprend par la suite que les deux sont de terribles crapauds. Rien de héros.

Le Fédéral achètera finalement le terrain pour ensuite empêcher tout développement sur les terres revendiquées par les Mohawks.

Pendant un temps, les vannes du racisme sont grandes ouvertes sur les tribunes du Québec. Il en reste encore bien des traces.

Mais le gouvernement n'a probablement pas tout acheté. Ou a revendu. Car  un propriétaire foncier de 60 hectares de cette même pinède veut donner, actuellement, aux Mohawks ses 60 hectares. Son noble geste est noyé dans le conflit qui oppose en ce moment le maire d'Oka et le chef des Mohawks. Qui sont chiens et chats. Avec la même maturité.

Le maire ne veut pas être "encerclé de Mohawks" qui menacent, selon lui, de faire renaître les cabanes à pot illégaux, un problème que le chef des Mohawks a concédé, sévissant bien, ailleurs dans la communauté.

Mais on joue d'immaturité en ce moment.  Le chef a le pied lourd sur le mot racisme. Le maire, se trouvant entre l'arbre et l'écorce. D'un arbre sans propriétaire. Qui doit s'en trouver un.

Ça bout et menace d'éclater.

Comme il y a 29 ans.

Il y a 30 ans, les Femmes étaient libres de décider ce qui arrivait à leur propre corps.
Il y a 29 ans, les Mohawks revenaient au statu quo brumeux territorial.

'Faisait chaud.
'Fait encore chaud.