lundi 29 juillet 2019

Luis Bunuel

Luis est né à Calanda dans la province de Turuel, dans l'Aragon en Espagne, d'un père prospère dans et établi dans la région cultivatrice, et d'une mère beaucoup plus jeune que son mari, issue d'une famille pas mal riche elle aussi. Luis dira de sa région natale que c'était le moyen-âge jusqu'à la Première Guerre Mondiale.

Luis aura 14 ans quand la Première Grande Guerre éclate. Issu d'un secteur très religieux, il y travaillera enfant jusqu'à ses 16 ans, avant de s'en découvrir profondément dégoûté, ce qui marquera toute son oeuvre.

Étudiant universitaire, il se lie d'amitié en résidence avec Salvador Dali et surtout Federico Garcia Lorca. Celui-ci, le parfait contraire de Bunuel lui apprend beaucoup. Bunuel est un redneck d'aragon tandis que Lorca est un être sophistiqué et élégant de l'Andalousie. Lorca lui lit ses poèmes et les horizons de Bunuel prennent de l'expansion. À 3, ils plongent fermement dans le surréalisme avant-gardiste.

Fasciné par l'hypnose, qu'il pratique aussi un peu, il est naturellement guidé vers le cinéma, meilleure forme d'hypnose possible. Après avoir vu Der Müde Tod de Fritz Lang, il devient passionné du média pour toujours.

À 25 ans, il s'installe à Paris et y étudiera dans une école privée dirigée par Jean Epstein. Bien vite il sera assistant auprès d'Epstein sur certains de ses films. Il hérite même d'un petit rôle dans Carmen en 1926 (vers 1h40). Il coupe les liens avec Epstein quand celui-ci veut en faire l'assistant d'Abel Gance sur Napoleon et que Bunuel refuse. Epstein en sera soufflé de l'effronterie et le traitera de surréaliste. Le plus beau des compliments pour Bunuel.

Il est critique de film et de théâtre avec son ami Dali, avec lequel une rivalité est toujours latente. Ensemble, ils se répondent dans des essais sur le théâtre et le cinéma. Il fonde un ciné-club dont il sera le premier président. Il courtise une médaillée de bronze olympique, enseignante en gymnastique qu'il épousera en 1934, et avec laquelle non seulement il passera le reste de sa vie, mais aura aussi 2 fils.

Le premier court-métrage auquel il met la main aura un immense impact chez les surréalistes. Français surtout. Une langue qu'il maîtrisera parfaitement au fil du temps. Dali et lui se rencontrent un matin pour parler de leur projet de film. Le premier lui dit qu'il a rêvé la nuit dernière de fourmis grouillant dans sa main. Bunuel lui répond qu'il a, pour sa part, rêvé qu'il tranchait d'une lame l'oeil de quelqu'un. Les deux viennent de trouver leur film.
André Breton et ses contemporains y trouveront leur compte et encore de nos jours ce premier film est considéré comme un chef d'oeuvre du surréalisme.
Mais leur ami Garcia Lorca le prend personnel. L'Andalou des trois, c'est lui. Serait-il leur chien?
La tension deviendra vive entre eux trois.

Marie-Laure et Charles de Noailles sont parmi les gens charmés par le film. Ils se portent volontaires pour financer un autre film du duo. On parle alors d'un autre film de 20-30 minutes, mais très vite, le tandem Bunuel/Dali tricote plutôt une heure. De film parlant cette fois. Bunuel veut attaquer tous les types de bourgoeisie. Avec L'Âge d'Or, il atteint son but complètement. Le film irrite tant les différents paliers de pouvoir, qu'il provoquera des émeutes où des groupes détruisent des oeuvres surréalistes dans les salles adjacentes après avoir aspergé l'écran d'encre. Dali et Bunuel se sont brouillés dès l'étape du scénario. Dali, faisant la rencontre de Gala, sa future épouse, et épousant plutôt la bourgeoisie, se rapprochant aussi de Franco et de son régime. Considéré comme une attaque directe au catholicisme, (en liant entre autre Jésus au Marquis de Sade, ce dernier dans la lignée familiale des De Noailles), le Vatican condamne sévèrement le film et quand les De Noailles sont personnellement menacés, ils choisissent de retirer le film jusqu'en 1979, année où ils sont tous deux morts.

Grâce au scandale, le continent de toutes les saletés a tendu la main à Bunuel. Hollywood l'invite (Ainsi que sa comédienne Lya Lys) à travailler là-bas.

Bien qu'il fraye avec quelques célébrités expatriées comme lui comme Eisenstein, Von Sternberg, Feyder, Chaplin ou Brecht, il peine à trouver sa place. On l'utilise pour juger de l'accent espagnol des comédiennes, ce qui l'horripile. Il veut s'améliorer en réalisation. Il revient en Espagne en disant qu'il était venu en Amérique plus Français qu'Espagnol.

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Il rejoint le parti communiste de retour en Espagne. Un de ses amis, sculpteur, lui dit que si il gagne la loterie,il financera son prochain film. Cet ami gagne effectivement la loterie, l'appelle et finance son documentaire, univers dans lequel on lui donne des responsabilités locales depuis quelques temps. Il tournera la pauvreté extrême sur de la musique inappropriée de Brahms habillé d'un commentaire parlant des conditions difficiles des lieux. C'est un documentaire surréaliste. Il sera banni par trois gouvernement républicains successifs avant que Franco ne le bannisse pour toujours, une fois au pouvoir.

Warner ouvre un bureau de production à Madrid, il sera responsable des contenus à saveur espagnols. Bien qu'il soit prétendument supposé s'occuper du doublage, ce qu'il fera aussi, il réalise secrètement et anonymement, donnant ses instructions le matin et faisant le montage seul en soirée. De 1931 à 1937, il apprend beaucoup du métier.

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Pendant la guerre civile, il est au service des Républicains et placé à Genève afin d'y cataloguer et archiver les films de propagande. Son ami Lorca a été assassiné par Franco et il en restera amer toute sa vie. Les De Noailles le financent, lui et sa famille afin qu'il retourne aux États-Unis, conseiller Hollywood sur les projets autour de la guerre civile espagnole. Mais le conflit cesse dès son arrivée en Amérique. Et comme les fascistes prennent le pouvoir aux yeux de Bunuel, il ne peut plus revenir. Il adore l'Amérique de toute manière.
Il travaille avec la MGM un peu mais reste amplement insatisfait. Il vend bien quelques gags à Chaplin pour son film The Great Dictator, mais il est facilement ostracisé. Il est envoyé au Museum of Modern Arts de New York pour y retravailler le montage de Triumph of the Will.  Il doit quitter son poste quand Dali le qualifie d'athée dans une autobiographie et quand un religieux expose l'auteur de L'Âge d'Or à ses employeurs.

Il retourne une troisième fois à Hollywood où il supervisera le doublage des films chez Warner jusqu'en 1945. Son contrat terminé, il passe un an avec sa famille à Antelope Valley, où il se lie d'amitié avec Aldous Huxley et Alexander Calder, duquel il loue la maison.

Hollywood dresse une liste noire des communistes, vrais ou avérés, et Bunuel en fait partie. Il se lie d'amitié avec le producteur Oscar Dancigers, lui aussi sur la liste noire et qui produit des films au Mexique. C'est l'âge d'or du cinéma au Mexique, alors que le 7ème art est le troisième plus grand producteur de revenus au pays. Comme Bunuel tourne en respectant le budget, et souvent en finissant avant les délais, et à moindre coûts, presque tous ses films seront alors payant pour le studio.

Il y tournera 22 films entre 1946 et 1965.

Dont Los Olvidados qui lui vaut la palme de la meilleure réalisation à Cannes, Susana, Robinson Crusoe, son premier film en anglais, l'excellent Nazarin avec Francisco Rabal,  Viridiana qui lui vaudra la Palme d'Or à Cannes, El Angel Exterminator qui lui fait aussi gagner un prix à Cannes et Simon El Deserto qui gagne le prix spécial du jury du Festival de Venise.

Il tourne aussi, en collaboration avec les États-Unis, une intelligente étude sur le racisme et une savante exploration sur le désir aux États-Unis, adaptée d'une nouvelle de Peter Matthiessen. Film rès mal reçu par un public encore plutôt raciste se faisant donner des leçons d'un exilé.

Fernando Rey, un ami depuis le tournage de Virdiana, est accessoire afin de le diriger vers une adaptation du Journal d'une Femme de Chambre d'Octave Mirabeau. Bien que Sylvie Pinal fait tout pour obtenir le rôle de Celestine, apprenant même le français et abandonnant l'idée d'un salaire, c'est Jeanne Moreau qui fera le rôle. Jean-Claude Carrière, ancien comédien et auteur/collaborateur de quelques comédies a 32 ans et fera l'adaptation du livre. Une formidable collaboration naît et deux fameux talents se développeront ensemble.

Les frères Hakim, spécialistes du film sexy, proposent à Bunuel d'adpater Belle de Jour de Joseph Kessel. Il n'aime pas le livre, mais se fait un défi de transformer quelque chose qu'il n'aime pas en quelque chose qu'il aimera. L'histoire d'une femme qui s'improvise prostituée de jour, dans une double vie, mettra en vedette Catherine Deneuve, que Bunuel méprisera. Choisissant quelques moments plus cruels que prévu sur pellicule. Le film sera son plus grand succès alors.

Après avoir vu La Chinoise de Godard, il se convainc (avec Carrière) qu'il peut tourner sur les hérétiques. Un de mes films préférés de Luis, La Voie Lactée, en naîtra. Il met en vedette, entre autre, notre Daniel Pilon à nous. Picaresque pélerinage formidablement allumé et comique.

Tristana, adapté de la nouvelle de Benito Perez Galdos, réconciliera Deneuve et Bunuel (grâce à Fernando Rey) et lui méritera une nomination aux Oscars dans la catégorie du meilleur film étranger.

Deux ans plus tard, il gagne l'Oscar du meilleur film étranger, avec Le Charme Discret de la Bourgeoisie, film extraordinaire, attaquant bien entendu la bourgeoisie, et racontant un groupe d'amis, incapables de s'assoeir à table pour manger en paix. Une scène aussi hilarante que brutale met en vedette Fernando Rey et un morceau de jambon. Carrière et Bunuel se surpassent tant qu'ils sont aussi nommé pour l'Oscar du meilleur scénario original.

Il tricotera (avec Carrière) son film le plus surréaliste selon lui, un hommage au poète Benjamin Péret, 12 vignettes réunies sous le titre Le Fantôme de La Liberté.

Il commence le tournage de l'adaptation de La Femme & Le Pantin de Pierre Louÿs, roman de 1898, avec Maria Schneider, célèbre depuis The Last Tango in Paris. Mais celle-ci est vite limogée car toujours sous les effets de la drogue. Bunuel et carrière s'entendront pour placer le surréalisme dans cette histoire relativement conventionnelle dans le personnage féminin incarné par deux comédiennes différentes, sans réèlles explications.

Cet Obscur Objet du Désir sera son dernier film. Bunuel a 77 ans.

Luis, roi du surréalisme, d'un humour cruel et d'un cynisme obtus, décède d'une cirrhose du foie en 1983, à 83 ans.

Aujourd'hui, il y a 36 ans.

La période entre **** a inspiré un film d'animation de Salvador Simo.
Qui me semble aussi merveilleux que celui qui l'a inspiré 

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