samedi 22 novembre 2014

La Témérité Raisonnable

Dans les années 70, dans ma rue, un adolescent de 19 ans, conduisant la voiture de son père, en état d'ivresse, a frappé mortellement un autre ado de 17 ans qui roulait à vélo.

Il n'a pas fait un jour de prison ou de maison de redressement.
Il conduisait même peu de temps après, son camion.

On lui a tapé sur les doigts en lui disant "Que ça te serve de leçon, ne le refais plus!".

C'était alors dans les moeurs nonchalantes de l'époque. Nous étions à quelques années de lois pour punir les gens conduisant en état d'ivresse. Moralement, il n'était pas condamnable de prendre son volant une bouteille de bière/de vin ouverte entre les jambes. Ce n'était pas anormal.

En tant que société nous n'en étions pas rendus là.

Jusqu'à ce qu'on y plonge le nez, qu'on réalise que la décision de prendre le volant en état second était en soi une responsabilité qui devenait un crime et qu'on créé des lois toujours trop peu sévères de nos jours.

De multiples campagnes n'ont pas complètement ralenti les comportements au volant et les campagnes contre les textos au volant ne fonctionnent pas du tout.

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Le DPCP est le Directeur des Poursuites Criminelles et Pénales.

"Le véhicule que conduisait le père de la victime selon la preuve au dossier, s'est engagé dans l'intersection alors qu'il n'avait pas de feu prioritaire dans une manoeuvre qui n'était pas sans risque". a dit René Verret porte-parole du DPCP vendredi dernier afin d'expliquer pourquoi il n'y aurait pas de poursuite contre le policier qui a tué un enfant de 5 ans et bléssé gravement un adulte et une autre enfant à Longueuil en février dernier.

Rappelons les faits.

Trois voitures non balisées, donc des voitures tout à fait normales qu'on ne pourraient pas deviner particulièrement différentes des autres, sont en filature, pourchassant Robert Parent, un ancien directeur du Parti Libéral, dans le cadre d'une opération de l'UPAC. Nous sommes le matin, il est autour de 8h, un jour de semaine. Les agents circulent en tout anonymat. Et ils circulent très vite dans une zone résidentielle de Longueuil, roulant au dessus de 120 Km/h dans une zone de 50.

Une première voiture passe à vive allure devant la Kia d'un père qui est au volant d'une voiture contenant aussi sa fille et son fils. Il n'a pas la priorité au feu vert mais se risque à passer quand même ne se doutant pas qu'une seconde (et une troisième) voiture arrive à aussi vive allure derrière. Celle-ci emboutira si sévèrement le flanc de sa Kia que son fils de 5 ans meurt aussitôt. Le père et sa fille seront grièvement bléssés mais survivront. La voiture est une perte totale.

Ces agents de l'UPAC ne pourchassaient pas un homme à la carabine s'apprêtant à tirer aveuglément dans une cour de récréation. Ils suivaient un ancien directeur du Parti Libéral habitant St-Hubert en cravate.

ET ROULANT À UNE VITESSE DÉMESURÉE QUI A CAUSÉ LA MORT.

Ces 11 derniers mots sont d'une pertinence incontournable dans la vie du père qui a fait une manoeuvre qui n'était pas sans risque. Mais aux yeux de René Verret du DPCP et de son équipe, ce ne l'était pas, pertinent.

À leurs yeux aussi, rouler à 122 dans une zone de 50, un matin de semaine en secteur résidentiel, ne serait pas une manoeuvre qui n'était pas sans risque, puisqu'il n'en a pas parlé en ces termes. La soi-disant "témérité" du père endeuillé d'un fils ne s'appliquerait donc pas au policier. De la même manière qu'un simple citoyen, faisant exactement la même chose, rouler à 122 dans une zone de 50 et tuant un enfant, et qui perdrait 18 points de démérite, son permis pendant au moins 7 jours et feraient face à des poursuites pour négligences criminelles et conduites dangereuse causant la mort; de la même manière dis-je bien que tout ça ne s'applique pas au policier en devoir.

Même si ce devoir ne réclamait AUCUNE urgence.

Mais ce n'était pas dans le mandat du DPCP de se poser la question sur cette "urgence". C'était plus important de laver la réputation du policier qui a provoqué la mort de ce garçon de 5 ans.

Se faire EnGuyTurcotter*, vous vous rappeler?

Le DPCP a offert des explications comme on laisserait tomber un jugement de la cour. Mais le DPCP n'est pas la dernière étape d'une situation de la sorte. C'est même la première. Son rôle est de dire "on poursuit ou non?". Il a dit non. Jetant partout la consternation car ça défie toute raison.

Puisque la police enquêtait sur la police, on a réduit la vitesse du fautif impuni à 108 en conférence de presse. Peu importe. Même à 108 ce serait insupportablement criminel pareil. Cet enfant n'aura jamais 6 ans. Son père, sa soeur, ses proches, ont des raisons de craindre les rues pour le restant de leurs vies.

Celui, celle en fait, qui a le tout dernier mot sur la chose, c'est la ministre de la justice Stéphanie Vallée. Elle parle comme quelqu'un qui n'a aucun recours en disant que le DPCP n'est influencé par personne et sait ce qu'il fait. C'est exactement la même chose que si une directrice d'école disait d'un de ses professeurs qui aurait commis un abus: "Il s'agit d'un adulte majeur et vacciné, il sait ce qu'il a fait de pas correct".

Comme si la ministre de la justice n'avait pas son mot à dire. Alors qu'au contraire. Sur un tel sujet: c'est ELLE le boss.

Et comme ça se trouve que c'était un ancien libéral qui se faisait filer, comme ça se trouve que ces filous sont au pouvoir, comme ça se trouve que comme après les années 70, ce seraient donc ces rouges au pouvoir qu pourraient faire des lois pour mettre fin à de telles conneries immorales, rien ne sera fait.

Parce que les réputations comptent beaucoup plus que les vies d'enfants.

"Le DPCP n'est pas moralement convaincu de pouvoir établir hors de tout doute raisonnable que le comportement du policier dans ces circonstances présente un écart marqué avec la norme de diligence raisonnable et ainsi obtenir une condamnation de conduite dangereuse" a poursuivi René Verret.

L'écart marqué vous savez il est où M,Verret?
Entre la confiance du public , la sympathie sans cesse en chute libre à l'égard des policiers et la justice rendue.

Justice rendue?

Ça, on y croit plus.
C'est là que notre société en est rendue.

*Cet avocat déguisé en porte-parole n'est pas étranger à Guy Turcotte puisqu'il dirige aussi le dossier qui vise un nouveau procès.





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