dimanche 12 février 2012

Le Client est Noix

J'étais dans la file des 12 articles ou moins. Il y avait peu de monde dans notre section. Les autres caissiers étaient passablement surchargés. C'était dimanche. Mais dans la file des 12 articles ou moins on était 4.

J'étais deuxième, je contemplais l'idée de mordre dans une barre de savon. C'est con j'ai toujours envie de mordre dans une barre de savon. Je pense que c'est de la faute aux vieilles pubs d'Irish Spring dans les années 80. Pour ajouter à la confusion, à certains endroits ils appellent les barres des "pains". Je n'ai remarqué que tard, une fois les clients devant moi rendus à la caisse, que ceux-ci, un boomer aux cheveux épars, qui avait un air naturellement ahuri et sa femme avaient plus de 50 produits dans leur panier. Des jeans, des fruits et légumes, des casse-tête, des livres. La caissière a vite réagi et a poliment souligné au monsieur qu'il s'agissait d'une section pour les clients qui avaient 12 articles ou moins, qu'il faudrait passer ailleurs.
Je me suis retourné vers mes partenaires de file, la femme derrière avait 5 articles, l'autre derrière 7, moi 5 aussi.

L'homme a vivement réagi et a ordonné à sa femme de "tout laisser là d'abord!". Il devait y avoir 45 minutes, sinon plus encore, de magasinage dans son panier tellement il débordait.  C'est moi qui fût par la suite privilégié pour passer mes produits. J'étais donc dans les premières loges pour l'entendre maugréer.

"Non mais qu'est-ce que ça change madame? Y a pas foule ici! vous auriez le temps! on est là, là!" a ragé l'ogre.

J'aurais pu lui dire que je suis là moi aussi, et que je suis passé par ce commerce spécifiquement parce que je savais que ça irait vite, que j'avais peu de choses à acheter et que je pourrais être ailleurs rapidement par la suite. Ce qui n'aurait pas été le cas si il m'avait bloqué le chemin. Mais je n'ai rien dit. J'étais trop sidéré. Je me suis contenté de le fixer comme on fixe un phénomène de foire. J'étais très posé. Pas même un tantinet agressif. J'avais peut-être le sourire détendu (et arrogant ) du gars qui veut voir où la scène de cirque va mener. Il n'a pas eu le temps de me porter attention, une autre employée, une supérieure hiérarchique, est tout de suite intervenue. La femme de l'olibrius, pour sa part, semblait avoir passé sa vie à s'effacer devant les caprices de la diva.

La représentante du commerce en question s'est déshonorée en faisant de l'aplaventrisme 100% déplacé. Je l'ai même entendue s'excuser, donnant ainsi l'impression que c'était la caissière qui était fautive. Mon phénomène de foire s'était déplacé. Je la regardais elle, et me demandait jusqu'òu elle irait dans l'humiliation au nom du Roi Dollar. Elle se serait mise à genoux pour une fellation que ça m'aurait semblé dans l'ordre des choses. Sa tête se trouvait au niveau de sa banane de toute façon, elle n'aurait eu qu'à ouvrir la fenêtre.

Elle a amené le client un peu plus loin et a ouvert une caisse juste pour lui.

J-A-M-A-I-S je n'aurai été en mesure de faire ce que cette jeune femme a fait. Voilà pourquoi je ne peux plus travailler dans le service à la clientèle. Quand je rencontre un gros bêta, je lui fais savoir. En fait j'étais, dans le passé, d'une telle indépendance, et du même coup d'un professionalisme sans faille, que lorsqu'un client me chantait "qu'il irait magasiner ailleurs" je l'aidais calmement et posément dans sa démarche en lui pointant avec zèle les endroits où il pourrait trouver les mêmes articles le plus facilement et le plus rapidement, des fois à moindre prix, ce que je ne manquais jamais de souligner. Des fois je me rendais même dans le stationnement avec eux pour leur indiquer la meilleure route à prendre pour s'y rendre. Les gens me donnaient de splendides regards de poisson. Il ne savaient pas que j'étais martien. Et s'ignoraient bêtes eux-mêmes.

Comme l'homme et son esclave nous passaient un savon, j'ai choisi de ne pas acheter les savons et suis allé les acheter ailleurs.

Je me suis donc rendu à une autre épicerie. À la fois parce que je cours les rabais, à la fois parce que j'avais besoin de savons, mais aussi parce que ce jour-là je savais que la belle Sabrina travaillait à l'épicerie italienne de mon coin.
Cette jeune fille, en un coup d'oeil, est la meilleure publicité pour se remettre en forme. Elle a un corps que jalousent toutes les femmes et que désirent tous les hommes. Si je tenais un gym, j'irais la voir pour la faire endosser les pubs de ma salle d'entrainement. Même si elle n'y avait jamais posé les pieds.


De plus, elle travaille à la caisse dite "rapide", là où elle bouge davantage me présentant à la fois son splendide popotin moulé dans un pantalon noir luisant quand elle répond aux gens de la bière et des cigarettes et m'offrant aussi un peu de poitrine quand elle se penche pour chercher les produits sous le comptoir. Ses yeux bleu-verts sont abrillés par des trilliards de cils. Elle est franchement agréable à l'oeil.
Je contemplais l'idée de mordre une de ses fesses, c'est con j'ai souvent envie de mordre une fesse féminine bien ferme. Je pense que c'est de la faute à Denise Austin, toujours dans les vilaines années 80 à la télé.

C'est alors qu'un chien (!!!) est venu me mordre le mollet.
Comme si il avait lu mes pensées impures.

"Qu'est-ce qu'un chien fait ici?" ai-je demandé spontanément.
La belle Sabrina ne s'est pas imposée et le client, propriétaire du chien, un autre boomer mais italien celui-là, a rapidement jappé.
"Je viens juste chercher un billet de loto pis ça me tentait pas de le laisser dehors il fait tellement froid!"

Sabrina, qui servait d'arbitre ici, m'a offert le plus séduisant des regards avant de ne rien trancher du tout et de proposer au client de passer plus loin au comptoir. J'étais d'une part outré mais comme je suis aussi idiot j'ai aussitôt oublié que j'étais choqué et ai été charmé par les deux pains bien moulés qu'elle me présentait en allant le servir.

Certains pains parraissent si délicieux...C'est aussi ce que le chien a dû penser en voyant mes mollets.

Comme le chien voulait me suivre, pendant que son maitre regardait ailleurs j'ai sacrifié un savon pour le planquer creux dans la bouche du chien qui s'étouffait encore avec quand je courais dans la nuit vers mon chez moi. Laissant ma voiture dans le stationnement de l'épicerie italienne.
Me disant que je reprendrais ma voiture demain matin.
Si je ne me trompe pas Sabrina travaille aussi les lundis matin.
On s'expliquera.

Le client est roi selon son point de vue de caissière et je suis client, après tout.
J'ai droit à un dédomagement pour le désagrément.

Aucun commentaire: