mardi 14 février 2012

Elle et Lui

J'attendais dans une salle au deuxième étage d'une sorte de chalet.

Je sens que je vais mourir bientôt. Je sens mon pouls de 4 à 5 fois par jour dans la bas de mon oeil, mon oeil faible qui devrait me faire porter mes lunettes plus souvent. Ça n'affecte en rien ma vision, ça fait juste vibrer. J'apprends à vivre avec ça. Je ne sais pas c'est quoi. La belle m'a dit stress + manque de sommeil, elle m'a booké un massage dans un endroit qui ressemble à un schack.

J'étais en robe de chambre. Existe-il moins mâle qu'une robe de chambre? L'amoureuse n'est pas d'accord mais selon moi la robe de chambre est à l'homme ce que la culotte de grand-mère est à la femme. Le plus gros turn-off vestimentaire.

Ce n'était pas ma robe de chambre car je ne n'en ai pas mais celle de l'établissement où l'amoureuse m'avait booké un rendez-vous pour me faire masser. J'étais en attente quand une femme est sortie de derrière une porte:

"Bonjour...vous...êtes...Nguyen Yamakushi?..."

Je n'ai pas répondu pour ne pas l'humilier davantage, je me suis contenté de lui sourire. Elle a tout de suite rattrapé le moment.

"NON je pense pas hein...j'm'excuse, vous n'avez pas vraiment les traits...enfin...fallait que je le demande on ' sait jamais" a-t-elle dit rougissant légèrement avant de descendre les marches pour voir si son client asiatique s'y trouverait. Je restai là, remarquant tout juste les revues qui trainaient pour nous faire patienter. J'ai saisi le Elle Canada.

Tab...

Comment est-ce possible? La page 44 de ce torchon est l'équivalent de la page 1 d'une revue sensée. Je sais que les magazines se paient en grande partie par la publicité mais ce type d'obscénité est une vraie honte. La page 44 m'offrait la table des matières du contenu de la revue. OSTIE la page 44. Et inutile de vous dire que le contenu était très sérieusement dans le chemin des pubs qui se détachait quelques fois en deux pages qui s'ouvraient sur le large. AAAAAAAAAAAArgh comment le lectorat fais pour supporter ça? Qui est ce lectorat? Bon j'ai compris que c'étaient majoritairement des femmes car on ne titrerait pas "Pourquoi nous aimons les choix esthétiques d'Emma Watson". Le "nous" ne convennait pas aux hommes. Les cheveux courts? Pas pour toutes les têtes. Emma a peut-être fait le bon choix, ne serais-ce que pour faire oublier Hermione Granger mais bon...Esthétiquement NOUS ne sommes pas tous des partisans du cheveux court comme un garçon.
Mais les femmes ne sont pas si bêtes! Pourquoi les noyer dans une centaine de pages de pubs?
Je n'ai pas pu supporter longtemps de feuilleter cette revue, j'avais l'impression d'être complice du vice en la lisant, je l'ai laissée plus loin. Dans la poubelle.

C'est là qu'un vieil homme est apparu.
"Ouais...c'est pour?..." M'a-t-il dit comme si j'avais sonné à sa porte pour lui vendre des stylos.

Je n'ai pas répondu tout de suite car, en théorie, l'amoureuse avait spécifié que je souhaitais une femme pour me masser. Généralement on nous pose la question quand vient le temps de réserver une heure de massage et l'amoureuse m'avait bien confirmé qu'elle m'avait booké avec une femme. Quand on me touche, nu ou à peu près, je préfère toujours que ce soit des mains de femmes. C'est bête mais c'est comme ça. Des mains velues...bah...le toucher féminin...toujours bienvenue.

Après un trop long moment de suspension du temps j'ai fini par céder et dire:
"Hunter Jones..."
"Oui, c'est moi" a-t-il tout de suite dit.
Comme un imbécile je l'ai tout de suite corrigé en disant :
"Non, Hunter Jones c'est moi"
Il m'a regardé comme si je venais de pêter puis m'a dit:
"Oui, oui, mais c'est moi qui fera votre massage, venez..."

Fuck me...(well actually don't...)Je n'ai rien dit car au fond je ne voulais pas le vexer et qu'à bien y penser je ne me souvenais même pas si un homme m'avait déjà massé. Je me suis montré bon joueur et j'ai suivi. Drôle de métier de tâter de l'inconnu en profondeur quand même. Mais après tout, les médecins ne font-ils pas tous ça?

Habituellement, quand je me fais masser, c'est étrangement toujours la même image mentale que j'ai en tête. Je relaxe et imagine une amie qui a un chum qui porte le même prénom que moi (elle s'est quelquefois trompée...) et qui faisait de très très bons massages. C'est une sosie de l'actrice Amy Adams ce qui n'est pas sans rendre le moment agréable. Toutefois l'homme qui me massait était un sosie de William S. Burroughs. Et allez comprendre quelque chose vous, dans les méandres du cerveau qui flirte avec le sommeil, j'ai vu pendant une fraction de seconde, le visage de Marcel LeBoeuf si il avait été un grand brûlé...

WHAT?

Je vous jure, un visage blanc et rosé, difforme et avec un oeil complètement fermé. Marcel LeBoeuf n'a jamais été un grand brûlé. WTF?????? J'ai pas relaxé. William S. Burroughs m'a fait mal aux deux mollets. Et franchemernt avec un homme ça ne fonctionne pas. Les bruits d'huiles qui se mélangent aux mains du masseur...désolé j'ai trop d'imagination épicurienne mais je voyais un gars se branler à mes côtés. Et quand il se penche sur mon dos, lorsque placé au niveau de ma tête, c'est son boyau qui se rapproche de mes cheveux.

Pas relax du tout.

J'ai remercié la belle, plus tard sans lui confesser mot de tout ça.
C'était après tout, un cadeau. Je lui en ai fait un beau à elle aussi en soirée.

Malgré le pouls dans mon oeil gauche qui frétillait.

"Aimez-vous les uns, les autres" disait un barbu notoire dans un roman fort populaire à travers le temps.

Aimez-vous aujourd'hui, seul ou en équipe, la saint-valentin c'est pas pour les banques.

Aimer c'est encore gratuit.

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