samedi 31 janvier 2009

Misère de Riche


Un morceau de caoutchouc sur la tapis gris.
Ou bleu?
Tiens oui il y aussi du bleu dans ce tapis industriel.

Mon cerveau a repris peu à peu contact avec la réalité qui l'entoure au bureau.

Je n'ai jamais été violé (et ma comparaison sera boiteuse puisque j'introduis ici l'horreur du viol) mais je devine que c'est l'état dans lequel se trouve les gens violés quelques heures après le crime.

Un état de transe, une mort cérébréale. Un tremblement léger et perpétuel. Quelques fois un grand frisson. Une soudaine envie de pleurer et une rage continuelle. La panique à l'état brut. L'impression d'être vidé de son être et d'avoir été usé. Le sentiment d'injustice. Le désir du rien. Le vide. L'état zombie.

C'étais moi hier. La tête pleine de chiffres, les courriels rentrant à la pellettée (257 hier), l'état d'urgence suivi des doigts accusateurs et des poignards à même les collègues de la compagnie. Je travaille dans le département-poubelle. Celui où il fait bon pelleter ses selles quand le navire prend l'eau. Mon patron a le courage d'une larve et je passe une semaine par mois à faire des miracles.

"There's no problem Jones can pull it off every time..."

...au prix de sa santé oui.

Je comprends ceux qui perdent la boule. Je vois exactement là où le papa excédé de bébé qui ne veut pas faire sa nuit pête sa coche. Là où une personne abandonnée prend le fusil et règle le sort de la famille. Je ne dis pas que je les approuve mais je vois excatement le moment où le train déraille. Je le vis. Nous sommes généralement suffisament intelligent pour freiner l'ascenceur de la panique qui nous monte à la tête. Mais certains n'ont pas ce petit moment de lucidité qui fait que l'explosion se produit.

Des semaines comme cette semaine me font peur.

Parce que l'explosion se produit mais de l'intérieur. Et j'en resort meurtri, vieilli, aigri. Dans un piteux état.

Puis je reviens chez moi, je vois le regard heureux de Monkee et le sourire complice de Punkee, je vois surtout le regard ocean vert de ma splendide partenaire, je miaule avec la mouffette et je me dis "mais elle est ici, la vie... Pourquoi plonger dans la mort jour après jour? ai-je vraiment besoin de cela dans mon seul passage sur terre?"


Pourquoi autant se fair chier alors que je devrais vivre les plus belles années de ma vie?

A 15 ans je m'étais chicané avec l'amoureuse d'alors qui prétendait que 18 ans étais le plus bel âge. Moi je prétendais (et prétends toujours) que c'étais 40 ans. Car généralement à cet âge tu as trouvé l'amour, tu as probablement des enfants, une maison, une situation. Te reste juste à t'amuser.

Tout ce que j'ai à 36.
Sauf la situation.
Qui me tire par les pieds quand je suis à l'eau.

Mais voilà, peut-être me reste-t-il encore 4 ans à "donner" à une entreprise avant que le retour d'ascenceur ne se fasse sentir. Parce
que je n'y gagne rien. Sinon l'annéantissement total et de plus en plus complet.

J'ai jeté un coup d'oeil au bureau du collègue voisin qui a hérité de tout une division parce qu'on a mis dehors celle qui s'en occupait. Une division en plus grand péril que le mien encore.
Cet employé est aussi soldat. Il m'a toujours dit qu'après son passage au Kosovo il ne voudrait plus retourner au front.

J'ai vu hier dans ses yeux tellement de panique que je suis convaincu qu'il retournerait demain si on le lui demandais.

Ça a fait drôle de sentir un autre noyé à ses côtés.
Vite une bouée.

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