mercredi 14 janvier 2009
La purge
Trois femmes inconnues à l’étage du bas.
Toutes du Groupe Shepell , la compagnie responsable du programme d’aide aux employés.
Deux sur leur téléphone cellulaire. Nerveuses, la troisième qui signe le registre et confirme son statut d’invitée dans l’édifice. Édifice à peine éclairé car il est très tôt le matin. Pas de fille à l’accueil. Serait-elle la première à s’être fait donné son 4% ? La folle rumeur que la veille mon patron est sorti d’ici en pleurant. Est-il tombé aux mains de la crise financière actuelle?
Les premières larmes sont venues de notre service d’informatique. 36 ans avec la compagnie, bye-bye merci. Puis l’équipe des ventes au grand complet de mon département. 5 représentants : du balai !. Plus personne ne voulait se regarder dans les yeux. La grande faucheuse était sortie, tout le monde regardais au sol pour ne pas se rappeler à la mémoire de ceux qui avait le pouvoir de faire rouler les têtes. Mais qui étaient-ils ceux-là ? J’en ai croisé deux que je croyais être ceux qui limogeaient, limogés eux-mêmes. Dont le grand patron de mon département. Deux filles des 8 personnes qui composent mon département ont été remerciées de leurs services. L’une d’entre elle nous nous en doutions déjà, elle aussi d’ailleurs. L’autre tout le monde s’en doutait, sauf la principale intéressée. C’est le bébé de notre département. Ne l'a jamais vu venir. Ou a choisie de ne pas le voir. Elle en est complètement bouleversée.
Apparemment j’ai survécu à la purge.
Nous sommes maintenant 5 dans mon département puisque qu’un collègue qui devait aussi être jeté a été repêché par une autre division. Une collègue m'avait aussi approchée tôt ce matin pour m’aviser que quoiqu’il m’arrive elle m’avait « vendu » à une autre division. L’ironie veut que ce soit aujourd’hui que j’eusse besoin de réimprimer ma feuille de # de téléphone de la compagnie. Ma feuille raturée de 52 traits noirs est devenue un triste tableau de chasse. Soudainement en après-midi, quand la guillotine fût rangée, les regards ne cessaient de se croiser comme pour chercher à savoir dans les yeux de l’autre « ‘you in or out ? » . Ses yeux rougis tout partout, ce mode « consolation » qui a pris le contrôle de l’édifice, on se serait cru chez Alfred Dallaire. Une fille a tant pleuré au bureau en face de moi que j’ai cru qu’elle ne s’en remettrait jamais.
« No no I’m staying, I’m crying for Stefan it’s so sad… »
“Uh?”
L’après-midi est devenue 100% improductive. Les courriels sont devenus une série de messages d’adieux. La plupart touchants, plusieurs amers avec leurs guillemets dans leur titre de courriel comme à tous mes « amis ». Certains ne sont pas revenus de leur heure de diner. Une bière en a amenée une autre et ils ont bu leurs larmes. Cette journée est beaucoup plus froide que le -40 annoncé. Aussi bien se mettre chaud.
300 dans non bureaux d’Amérique viennent de perdre leur emplois vient de nous annoncer le message robotisé de notre patron Allemand.
52 sous notre toit.
Pas deux qui réagissent de la même façon.
Même moi qui devait être heureux d’être « sauvé »…
C’étais l’heure de diner la plus longue et la plus morte au bureau.
C'est une journée de -52
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