Lester Burnham ne voulait plus de cette vie.
Cette banlieue où on arrosait les entrées, ces maisons en plastique aux piscines bleues ou tout semble si parfait.
Plus c’étais parfait en surface plus était louche ce qui se déroulait derrière chaque porte de jumelé.
La part d’ombre se dessinait dans chaque belle robe griffée des Italiennes du quartier.
« What do you all day at home ?”
“I’m a stay at home mom”
“what does your hubby do?”
“Hmm…import export?”
Oui bien sur…
Lester Burnham ne voulait plus de son environnement de travail non plus.
Un passage à la cafétéria où il avait surpris des « petits boss » apprendre à devenir des « grands boss » en se voilant les yeux et en se faisant guider par un confrère l’avait estomaqué une fois de plus. Une parade d’aveugle ! Combien de fois pouvait-on aussi justement au sein de la même compagnie en illustrer son déroulement quotidien. L’autre lundi c’était le leader d’une réunion qui disait : « en sortant de ce meeting aller me créer ce que ceci vous inspire » et qui avait vu trois confrères se rendre à la toilette en même temps et aujourd’hui ça.
La couleur pastel ne l’avait jamais bien servi mais le beige l’irritais encore plus. Lester était un chat qui se battait avec le diable tout les jours depuis qu’il avait quitté les bancs d’Université. Un crazy cool kat noyé dans la mer verte du commerce de détail. Un crazy cool kat incapable de jouer de son sax dans un jazz mal improvisé. Mais improvisé ça c’est certain. Chaque jour il rêvait d’entrer au bureau et de donner sa démission. La vie est ailleurs et il le savait depuis toujours.
Pour tromper l’ennui de ses banlieuseries il choisit un soir de casser la croûte en ville dans le but avoué de changer de métier. Mais âgé comme il l’était il se trouva quelque peu pathétique de vouloir donner à ses aspirations un xème coup de barre. Avait-t-il encore la force de se réimplanter tout entier vers un potentiel meilleur ailleurs? N’y-a-t-il pas toujours un potentiel meilleur ailleurs de toute façon ? N’est-ce pas la nature du mot potentiel ? mot horrible plein de promesse rarement tenues. Ne se donnais-t-il pas simplement rendez-vous avec les prochaines raisons de son découragement ? Étais-ce bien de lourds nuages noirs au dessus de sa tête prêt à exploser? Pourquoi restait-il sur la terrasse de ce bar quand même malgré les menaces d’averses ?
Entre une bière et une ondée de pluie Lester a plongé le yeux dans les siens.
Il y a lu toute l’intelligence de sa jeunesse et un peu de désespoir aussi.
Il a mentalement réévalué les lois du désir et les lois de l’amour.
Chaque fois qu’il soupesait ses deux variables il arrivait à des conclusions différentes.
Il s’est aussi rappelé qu’une loi est toujours plus agréable à enfreindre qu’à suivre.
N’avait-il pas été un modèle à l’école ?
Un modèle de professionnalisme au travail ?
N’avait-il pas simplement envie de fumer du pot au miel là, à découvert, sous la pluie battante, sous l’abri qui les protégeait ?
Let’s make love and listen to death from above
L’effet n’aurais pas pu être plus planant que celui que ce regard noisette produisais déjà sur lui. Une fois le bitume bien mouillé il en foulera le sol pour retourner à son carosse.
Désireux de celle qu’il laissera derrière.
Le chat battera le diable encore ce soir.
Toujours malgré les promesses d’un potentiel meilleur ailleurs.
Promesses qui sont toujours autant de mirages dans les crises de la quarantaine.
Lester Burnham avait l’impression d’être dans le coma depuis 20 ans et venait peut-être de se réveiller.
“Don’t worry… you will someday “
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