5h51 AM.
Le soleil n'est pas complètement sorti du lit.
A mi-chemin entre deux ciels il drappe la ville d'un mélange d'ombres et de lumière. La ville engourdie fonctionne au ralenti. Les même artères empruntées seront surpeuplées d'ici une heure et ce pour pas mal toute la journée. Surtout qu'il y a des constructions ou des travaux de refections un peu partout. De nouveaux casse-tête depuis hier. Plutôt mal indiqués les détours et les virages possibles ou impossibles. Chaque jour amène son défi routier.
Mais pas à cette heure là. L'heure magique où les ombres viennent nous surprendrent à gauche et à droite est tranquille. La bête sommeille. On pense à Dutronc qui chantait "Les travestis vont se raser les striptiseuses vont se rhabiller" dans Il est 5 heures Paris S'éveille et on se dit que c'est vrai aussi à Montréal. Celui-là c'est un gars ou une fille? Pas sur si je lui trouve des belles fesses d'abord. Chaleur accablante en train de s'installer sur la ville. Bêtise accablante aussi puisque je vois un employé de station service changer ses chiffres pour 1.51$ le litre d'essence. On se félicite d'avoir fait le plein à 1,39$ Même si c'est sacrant de se féliciter d'un prix aussi élevé. Même si s'est aussi sacrant d'avoir à entrer deux fois dans la station. Une première fois pour payer à l'avance et la seconde pour payer la différence.
La radio nous donne de l'amateur. L'équipe d'été dans mon emission est brutalement moche. La chimie y est presqu'inexistante après trois semaines d'opération. Ce sont les Maples Leafs de Toronto de la radio. La fille de la météo est si énervée qu'on est pas certain si elle n'explosera pas à la fin de la livraison de sa nouvelle. On sent que l'animateur n'aime pas le gars des sports et est excessivement jaloux du gars de la revue de presse. La fille des arts et spectacles semble s'y ennuyer. L'animateur est si moche qu'il ne mentionne jamais le morceau musical que l'on vient d'entendre. Faut se taper le boulot (si on y pense) de remarquer l'heure de diffusion et d'aller voir sur le site internet du poste de radio pour y trouver réponse à nos questions.
Ce n'est plus très long l'été avant que le Ipod ou un cd ne se mette en place dans la voiture sur le chemin du travail.
Mais quand c'est notre plus gros souci matinal c'est qu'on a une belle vie...
Presque rendu au boulot je surprend deux hérons qui volent côte à côte en quittant un boisé. Ils sont tout en élégance dans leur envolée. A cette heure il y a si peu de circulation c'est l'heure des oiseaux rares. Deux hérons en ville! Poésie au-dessus de la poubelle éventrée qui se transvide dans la rue.
L'été se porte léger chez certaines donzelles. Ça fait presque faire des accidents. Pendant que la banlieue se prépare à se dépêcher à attendre, je roule pénard Georges Harrison- le zen Beatle-dans les oreilles. L'heure magique donne même du relief à certains graphitis qui de jour n'ont pas le même éclat. De jour ils sont vilaine grafigne, à l'aube ils sont oeuvres d'art. Leurs auteurs en sont probablement dans leur première heure de sommeil.
Bientôt j'écrirai à l'Asie pour leur donner des coups de pieds au cul. J'écrirai à des représentants ici pour faire la même chose. Je téléphonerai aux États-Unis ou eux m'appelleront pour que l'on tente de déjouer l'hommerie et la générale nonchalance d'une entreprise deuxième en tout et poussée vers le troisième rang. Sans m'en rendre compte je serai transporté dans le courant de la folie de la business et n'arriverai pas à faire tout ce que j'ai à faire. Je quitterai vers 16 heures, en même temps que les oiseaux matinaux qui se sont stationnés près de moi le matin. Tiens c'est à lui cette terrible voiture? Qui est-il celui-là? 400 employés on en se connait pas tous mais entre ealry birds on se connait presque. On se souris timidement avec la même envie de ne pas se parler. Asocial ensemble, partenaire d'horaire.
Souvent je quitterai plus tard. En même temps que le soleil a fini de travailler.
A mi-chemin entre deux ciels alors qu'il drappe la ville d'un mélange d'ombres et de lumière
Juste à temps pour attraper du regard l'autre heure magique.
Juste avant d'être entrainé dans le courant de la rivière du pickup des enfants/souper/soccer en double/bain-douche/backwash.
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