jeudi 25 septembre 2025

À La Recherche Du Temps Perdu**************************Chanson Douce de Leïla Slimani

Chaque mois, dans ses 10 derniers jours, tout comme je le fais pour le cinéma, (dans ses 10 premiers) et tout comme je le fais pour la musique (vers le milieu), je vous parle de l'une de mes 3 immenses passions: La littérature !!!

Lire c'est aspirer à comprendre l'univers de quelqu'un d'autre, son cerveau. C'est s'ouvrir les sens sur des gens, des personnages, des situations, des milieux, des intensités, des personnalités, des courants de pensées, des entourages, c'est concurrencer sa propre manière de réfléchir. C'est accepter d'apprendre et découvrir, voyager à peu de frais. C'est accepter de respirer au rythme, pendant un temps, de quelqu'un d'autre. 

Et respirer, c'est vivre. 

CHANSON DOUCE de LEÏLA SLIMANI.

 Inspiré de l'affaire Lucia & Leo Krim, à New York, en 2012, dont je ne vous révèlerai pas les détails sous peine de vous gâcher le tout premier chapitre, parce que ce livre commence par la fin, livre qui est une analepse

L'auteure franco-marocaine avait surpris et attiré l'attention avec un sujet rare, à 33 ans, en 2014, avec son second roman traitant de la dépendance sexuelle féminine: Dans le Jardin de l'Ogre. Ce second roman lui avait valu une nomination pour le Prix de Flore, qui avait eu comme marraine, 10 ans avant, Françoise Sagan, à Saint-Germain-des-Prés.

Avec celui-là, c'est rien de moins que le Goncourt (2016) qu'elle gagnera. L'histoire raconte une jeune famille, comprenant deux enfants en bas âge, dont la mère souhaite revenir au travail. Ce, à quoi le mari n'est pas tout de suite d'accord. Il finit par céder et ils feront un scrupuleux processus d'entrevues afin de trouver la parfaite nounou pour s'occuper des enfants quand ceux-ci travaillent. La nounou parfaite gagne d'abord les enfants, avant de réussir à gagner le coeur des parents. Charmés. Jusqu'à ce qu'ils ne le soient plus. 

La notion de maternité est au coeur de cet excellent roman. La mère et la nounou incarnent deux faces d'une féminité mise en examen. La condition de la femme, fantasme des jeunes et moins jeunes républicains/religieux/conservateurs, est parfois réduite à son statut de porteuse d'enfants. Comme à Buckingham Palace. La dignité et le respect féminin se conjugue par la disponibilité à nourrir son entourage, soigner tout le monde, s'effacer pour les autres. Être femme, c'est être mère. Ce qui suggère une domination masculine par les hommes aidé parfois par la société, et valide le droit de mâles de considérer la femme par le corps, et se l'approprier quand son besoin s'en fait sentir. 

Ou même décider des droits du corps féminin. Concept dégoûtant valorisé par la religion, les conservateurs, les républicains. La dignité féminine conceptualisée par les hommes avec le plus petit de H.

On ne rit pas beaucoup dans ce livre. La nounou n'existe pas par son corps car elle n'a pas d'enfant et ne garde pas les siens. Elle est en quelque sorte invisible puisque non-mère. Le couple qui la fait garder et la paie en plutôt bourgeois. Son corps est nié parce que non maternel. Ça lui jouera dans la tête. Plus fragile que prévu. Devenant en quelque sorte, par substitution, mère-épouse-ménagère, elle plonge en apnée là où elle ne pensait pas aller. Sans trop savoir si à la surface, elle saurait remonter. 

Les chapitres sont courts ce qui donne un effet intelligent de révélations brèves qui nous donnent vite envie de passer au chapitre suivant. Et qui nous consumer 227 pages en moins d'une semaine. 

Karin Viard et Leïla Bekhti ont joué les deux personnages féminin dans l'adaptation au grand écran par les acteurs Jérémie Elkaïm, Maïwenn et Lucie Borteleau et réalisée par cette dernière

Le style est froid et maitrisé, sobre, presque clinique contrastant avec la violence du propos. La distance narrative renforce l'effet de malaise et d'inconfort, voire d'effroi, qu'on ressent parfois. On connait la fin dès le départ. Toutefois le suspense psychologique tient dans tous les chapitres suivants. La critique sociale est percutante et, de nos jours, 100% pertinente. Le racisme latent, (le couple est mixte, la nounou, caucasienne), l'exploitation domestique, le mal-être féminin, la détermination par le corps, la souffrance invisible. Je ne suis pas Femme, mais je crois comprendre que ça vise assez juste. 

Les déséquilibres psychologiques sont souvent subtils et échappent à beaucoup. 

Saisissant, prompt, dérangeant, interrogeant ls tensions sociales, les positions sociales, les visions sociales, la division par le ton clinique qui fait frais dans un milieu d'une chaleur d'enfer. 

Qui sera le vrai, sur terre.   

Recommandé aux gens avec une bonne force mentale. La colère pourrait vous habiter avec cette lecture. 

Écriture qui ne craint pas les sentiers sombres des corridors mentaux menant à la forêt dont on aurait dû voir davantage que le premier arbre. 

J'ai découvert une excellente auteure avec ce livre. 

Qui est son second. Rebaptisé Lullaby en anglais. En Australie en tout cas. 

Mais elle en a signé 11. En plus de scénariser 3 BD.  Et participant à plusieurs collectifs. 

Diplômée en politique de l'institut d'Études Politiques de Paris, elle sera du gouvernement Macro. Et gagne à être mieux connue en Amérique du Nord. 

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