samedi 24 octobre 2009

Vol de nuit en banlieue


Je n'étais pas certain que je voulais faire cette mission.

Après tout je suis supposé être un père de famille honorable pas un vandale. Mais c'est ma ville qui m'a mis à bout.

Ma mission? Arracher toutes les pancartes électorales nous invitant à voter pour Gros Bill et ses requins. Pancartes posées grossièrement et sans préavis sur les terrains de quiconque dans mon 450. Je l'ai fait pour ma rue (9) mais là le boulevard qui mène au club vidéo et à la bibliothèque, deux de mes rendez-vous préférés, sont pocntués de non-moins de 28 pancartes.

28 pancartes sauvagement placées sur les terrains de quidam sans autorisation sur moins de 2 km...

Je ne savais pas non plus si je voulais le faire en voiture ou à pied.

En voiture le processus de fuite est plus rapide mais ça attire drôlement l'attention un char qui s'arrête devant la fenêtre de ton salon, il faudra attendre la nuit noire, très très tard. Quand les gens dorment. Si je le fais à pied ben 28 pancartes...pas sur que je saurai les trainer avec succès.

L'idéal serais un mélange des deux. La voiture stationnée à une certaine distance et
moi qui détrousse au galop les terrains cochonnés outrageusement par ma ville de moron et qui empile les pancartes dans mon char.

Toutefois, vendredi aidant, la décision s'est imposée d'elle-même. Ma bouteille de whisky s'est vidée au quart et comme j'étais seul dans mon salon ce ne pouvait qu'être moi qui avait bu tout ça entre deux épisodes de la première saison de la série The Wire. Ça devait expliquer cet oeil torve et cet air pas frais du tout dans mon miroir.

Je suis donc parti dans la nuit à la toute fin du dernier épisode de la première saison de The Wire. Pompette à souhait. Vêtu de noir de la tête aux pieds je suis parti remettre de l'ordre dans ma ville.

Par le désordre.

Ce que je n'avais pas calculé c'est le gel au sol la nuit. Les pancartes étaient extrèmement dure à sortir du sol. Et effectivement après 6 je ne fournissais plus. J'ai alors stocké mon stash de pancartes dans une allée où je n'y ai jamais vu personne d'autre que moi et mon Ipod on the way to the videostore. Sauf que là à ma troisième course d'un terrain à mon allée j'y ai croisé une piétonne. Elle a regardé mes pancartes empilées dans l'allée et m'a questionné du regard, un peu effrayée.

"Je...C'est moi qui les as plantés les pancartes..."

"Pis là...pis là tu les déplante?"

"Oui...C'est pas légal finalement de mettre ça sur les terrains des gens sans les consulter asu préalable donc apour pas avoir de maerde avec la justice on les enlève"

"...dans la nuit?"

"Ouin...ben... j'étais supposé le faire de jour mais je travaillais ailleurs, tsé nous les bénévoles on fait ce qu'on peut"

"Ha vous les jeunes...je vous admire de vous lancer dans la politique avec toutes ses gens là."

Je n'ai pas insisté, j'ai lancé ma dixième pancarte à ses pieds et suis reparti vers un autre terrain. Comment a-t-elle pu croire que j'étais un jeune professionnel (surtout quand je me suis enfargé et suis tombé en pleine face dans un jardin)est tout simplement hors de ma compréhension.

À ma treizième pancarte j'ai gossé assez longtemps sur le terrain d'un bonhomme pour qu'il sorte sur son terrain.

"What the fuck you' doin'?" a été son jappement vers moi.

"Wut? je...Faut que j'enlève la pancarte on a pas le droit de..."

"ON a pas le droit de venir su'la propriété des gens la nuitte, gimme that!" a-t-il dit avec un fort accent italien m'arrachant la pancarte des mains. Comme il avait autre chose dans l'autre main (un fusil?) j'ai reculé dans la rue, tombant assis sur une bouche d'égoût. Une voiture est passée effrayant et le bonhomme qui est rentré au pas de course dans sa maison avec la pancarte et moi-même qui ai fui à toutes jambes jusque dans l'allée saisissant le plus de pancartes possibles.

J'ai fait trois voyages comme ça de l'allée à mon garage. Les ratons laveurs ne comprennaient pas la fonction de ce nouveau joueur de nuit.

J'ai vomi de tout mon être, pris une douche, me suis brossé les dents. J'ai bu plusieurs rasades du whisky du conquérant en me suis disant que si je me faisais pogner ce ne serais pas grave je ne ferais que comme Accurso, Scott Gomez, Gerald Tremblay, tout le monde semble-t-il et je n'aurais qu'à nier.

Même si je me faisais prendre la main dans la pancarte.

"D'où t'arrives donc toi?" ma demandé la belle quand je me suis glissé dans les draps.

"J'ai exercé mon devoir de citoyen"

"Vote de nuit?"

"Vol de nuit, chérie" lui ai-je sussuré pestant le whiskey.

J'ai ronflé, c'est sur.

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