samedi 6 décembre 2008

6 Décembre 1989


Je me souviens de ce jour là de 1989.

Paradoxalement l'une des plus belles années de ma vie.
Une année d'horreur grâce à ce seul jour pour d'autres.
Une journée très froide qui le resterait à jamais.

Je revenais du Cégep dans ma bourgade lointaine et ma mère étais penchée sur la petite télé noire et blanc dans la cuisine. Elle écoutait le récit de l'horreur qui s'était produite dans la grand' ville. Un désaxé avait imité les pires scénarios que l'on retrouvait habituellement aux États-Unis.
Marc Lépine (né Gamil Gharbi) est entré dans l'École Polytechnique a pénétré dans un local où était donné un cours de génie. Il sépara les hommes des femmes sous la menace d'un fusil, se mit à crier à quel point il haïssait les féministes et commença à tirer sur les femmes. Il continua sa tuerie ailleurs dans l'édifice. Il tuera quatorze femmes – treize étudiantes et une secrétaire – avant de se suicider.



Il laissa une note expliquant qu'il blâmait le féminisme pour les échecs de sa vie, dont sa non-admission au programme de génie, bien que les femmes ne constituaient alors que 20 pour cent des étudiants en voie de devenir ingénieur.

L'ignorance assassine.

Lépine aurait pu faire plus de dégâts encore. Il a tiré plusieurs coups sans atteindre de cible. Mauvais tireur, heureusement.

Je me souviens de l'onde de choc qui avait secoué la belle province. Des débordements émotifs qui font nécessairement dire toutes sortes de conneries quand la situation devient trop intense. La belle province avait des Hommes laids. Je me souviens avoir maudit la Fédération des Femmes qui martelait sans cesse le même message ahurissant qui véhiculait que ces femmes "n'étaient pas mortes pour rien". La douleur de cette journée d'horreur c'est que justement ces femmes étaient mortes pour rien. Simplement parce qu'elles avaient étés femmes. Le déni orgueilleux de la Fédération des Femmes n'arrangeait rien. Mais au fond comment arranger l'abyssale découragement?
Je me souviens de ce pauvre chef de police qui coordonnait l'intervention policière sur les lieux et ne savait pas encore que sa propre fille était parmi les victimes.

La violence envers les femmes est un problème social extrêmement important. Je me souviens du profond désespoir qui nous avait habité entre hommes de savoir que d'un seul atroce geste ce tireur fou avait fait reculer les relations hommes/femmes de 25 ans. Je me souviens m'être dit à l'époque que ça m'affectait profondément mais qu'être une femme, ça m'aurait probablement en plus rendu très insécure.

19 ans plus tard, jour pour jour, je me dis maintenant qu'au contraire pour chaque visage disparu inutilement lors de cette triste journée il doit naitre au Québec 1000 femmes plus fortes encore.


C'est le propre du solidaire.

Annie Turcotte tu aurais eu 39 ans
Geneviève Bergeron, Anne-Marie Edward, Michelle Richard vous auriez eu 40 ans
Anne-Marie Lemay, Barbara Daigneault 41
Hélène Colgan, Nathalie Croteau, Maryse Leclair, Annie St-Arneault 42
Maryse Laganière 44
Sonia Pelletier 47
Maud Haviernick 48
Barbara Kluznik-Widajewicz 50

A la place votre départ en a 19

Mais vous vivrez à jamais pour nous.

2 commentaires:

Félix GG a dit...

Intéressant... mais tu es qui dans cette histoire mis-à-part un citoyen? Je n'étais pas la en '89... je sais ce qui s'y est passé, mais jamais je n'avais lu un témoignage comme celui-là. Merci ;-)

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Ah, et oui, tu as raison, elles sont mortes pour rien si ce n'est que pour ces 100 femmes qui naissent plus fortes mais qui, au bout du compte, le seraient quand-même sans ce malheureux événement...

Jones a dit...

Un homme ordinaire à la perpétuelle recherche de l'extraordinaire.