mardi 1 janvier 2013

Stéphane Hessel

Il s'agit du Forrest Gump des français.

Né en octobre 1917 à Berlin d'un père polonais d'orgine juive, il arrive sur terre à un bien mauvais moment.

1925: sa famille sent la soupe chaude pour les juifs en Allemagne et elle déménage à Paris. Derrière ce déplacement se cache aussi un amour secret de la part de la mère de Stéphane Hessel envers l'auteur Henri-Pierre Roché, installé à Paris. Le père de Stéphane est très au fait de cette attirance de sa femme envers Roché et un trio amoureux se forme. Ce trio deviendra Jules et Jim sous la plume de Roché en 1953. Dans l'adaptation cinématographique de Truffaut 8 ans plus tard, le père de Stéphane Hessel est Jules (Oscar Werner), Roché est Jim (Henri Serre) et Stéphane est lui-même personifié par le personnage de Kadi. Jeanne Moreau interprête le rôle de la mère de Stéphane Hessel.

Dans les années 20 parisiennes, Hessel fréquente Marcel Duchamp, Man Ray, Le Corbusier, Picasso, Max Ernst et André Breton.

Dans les années 30, il étudie à la London school of economics, à l'École libre des sciences politiques et à l'École normale supérieure. Il est nationalisé français en 1937. Contre l'avis de sa mère, après avoir flirté avec la belle-soeur d'Aldous Huxley, Hessel épouse une jeune juive russe, fille d'un célèbre professeur  de droit constitutionnel en France.

Envoyé au front lors de la Deuxième Grande Guerre, il est fait prisonnier en 1940 mais réussit à s'évader. Il rencontre le journaliste des États-Unis Varian Fry, mandaté par Eleanor Roosevelt pour faire s'échapper 200 intellectuels en danger. Ils seront finalement 2000 et Hessel est du nombre. Mais il revient presqu'aussitôt pour enterrer son père décèdé . Il étudie pour devenir pilote mais choisira finalement un poste au Bureau Central des Renseignements et d'Action comme agent de liaison avec Londres.
Dénoncé par un compagnon de lutte sous la torture nazie, il est arrêté en 1944. Ils sont 36 à être envoyés en train pour être éxécuté. 33 seront tués. Les trois derniers, dont Hessel, bénéficient de la complicité d'un kapo allemand et d'un médecin pour substituer leur identité avec celle de trois français récemment morts du typhus. Hessel devient Michel Boitel, comptable. Il est toutefois toujours prisonnier mais son éxécution n'est pas prévue pour bientôt. Il rate une tentative d'évasion et est condamné à la pendaison. Mais il est plus urgent de liquider des juifs, et comme Hessel n'est (sur papier) plus juif du tout, la condamnation tombe entre deux chaises.
Quand les alliés mettent de la pression sur les nazies, les prisonniers sont à nouveau transférés en train et Hessel s'évade en soulevant des lattes du plancher de bois et en se laissant tomber sur les rails. Il rejoint les troupes américaines et est renvoyé à Paris.

Il entame un carrière de diplomate pour laquelle il n'a absolument aucune formation. Il sera diplomate pour pratiquement les 40 prochaines années. Il sera secrétaire dans la commission chargée de préparer la rédaction de la charte des droits de l'homme et affecté à la section chargée de réunir les documents concernant les questions sociales et les droits de l'homme à l'ONU. Il sera de l'équipe d'unification du Vietnam. Il sera  à la tête de la délégation française à la commission économique et sociale pour l'Asie et le Pacifique. Il accumule les bourdes diplomatiques en Afrique au point d'en devenir persona non grata.
En 1977, on le nomme ambassadeur auprès de l'ONU à Genève.  Il rédige un traité pour la création d'un fonds commun pour les produits de base au bénéfice des pays pauvres. Le projet fait patate.

C'est le début des projets mort-nés.

En 1982, il est mandaté pour travailler sur la réforme de la politique française au développement et est nommé délégué interministériel pour la coopération et l'aide au développement. Les recommendations de son rapport ne seront pas suivis et même jetées à la poubelle. Il fait un rapport sur l'immigration dont les recommandations seront aussi réfutées (il en appelait au devoir d'insertion).
En 1990, Stéphane Hessel écrit que la politique française devrait être « revue dans le sens d'une plus grande rigueur et du rejet de toute complaisance clientéliste ». Il critique la conception des rapports avec les chefs d'État africains. Le rapport est à nouveau peu apprécié chez les élites de l'Élysée, et est passé à la déchiqueteuse, comme la plupart des études visant à une transformation de la politique française de coopération en Afrique.

À la retraite, Stéphane Hessel reste un ardent défenseur des droits de l'homme et milite pour la paix et la dignité.

Il prend entre autre une très nette position anti-israélienne dans le conflit palestinien.

Quand Hessel publie son manifeste de 32 pages Indignez-vous !  le lendemain de ses 93 ans, le livre fait fureur et se vend à plus de 4 millions de copies. Il profite des mouvements de révoltes mondiaux qui font alors cours en 2010. Hessel encourage les générations montantes à conserver un pouvoir d'indignation. « La pire des attitudes est l'indifférence » écrit-il. Il y dénonce le système économique actuel fondé sur le profit individuel et propose un partage des richesses plus équitable. Il consacre également une grande partie du livre au conflit israélo-palestinien en y prônant l'insurrection pacifique et l'espérance.

Hessel est le premier surpris de ce succès parfaitement innatendu car il répète en 32 pages, un discours qu'il tenait déjà auprès des élites politiques depuis les années 70.

Il trouve chez le citoyen ordinaire, son public.
Puisque, 2012 l'aura encore prouvé, la dignité à quitté le monde politique et appartient pratiquement maintenant à la rue.

Cette rue qui a monté le Québec les uns contre les autres l'an dernier.
Qui a fait couler beaucoup de sang à Homs, à Gaza, en Afghanistan et ailleurs.

Mais où tous les espoirs sont encore permis.

2013:  L'année du retour à la dignité?
Ça prenait un vieillard pour nous le raconter.

Stéphane Hessel a eu 95 ans en octobre dernier.

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