jeudi 13 août 2009

Brooklyn, 1957


L'automne allait tomber sur New York d'ici peu.

C'était la saison préférée de Charles H.Stern.

Il écoutait 21 et voyait Charles Van Doren gagner à nouveau et se sauver avec 129 000$. Il se demandait comment lui aussi pouvait devenir une sensation de la sorte. Il avait déjà pas mal attiré l'attention avec son téléviseur dans son 4 1/2 de la 51ème rue avec vue sur Sunset Park. Ce n'était pas tout le monde qui avait ce luxe. Encore moins le luxe qu'il avait lui, de pouvoir rester chez soi et d'écouter le 78 tours Tijuana Moods de Charles Mingus tout en essayant de lire cette supposée sensation qu'était Jack Kerouac.

Il avait essayé par trois fois de lire On the Road mais n'y arrivais pas. Il ne trouvait rien de fascinant à lire le journal de beuveries d'un intolérant asexué.

Il trouvait Kerouac tout juste à la limite de l'outrage et c'est presque par pudeur qu'il laissait tomber le livre lui tomber des mains. Mais le reprenant chaque fois, poursuivant la lecture sur les élans de Art Blakey ou de John Coltrane.

Le 24 septembre annonçait le dernier match à vie des Dodgers de Brooklyn. Le maire avait bien tenté de faire construire un nouveau stade mais devant les multiples refus de la ville d'en ériger un nouveau et l'intérêt de la ville de Los Angeles pour un club de baseball professionnel le club déménageait sur la côte Ouest. Jackie Robinson, probabalement le plus grand athlète de son époque annonçait alors son retrait du baseball.

La cicatrice ne se refermerait jamais complètement sur Brooklyn. Trois ans plus tard on abattait le stade et la ville serait noyée dans les larmes. Les Dodgers étaient à Brooklyn ce que les Canadiens sont à Montréal. Un poumon.

Stein avait fait fortune en trouvant un seul slogan de publicité pour une compagnie de transport d'autobus, il n'avait plus besoin de travailler. Mais c'étaie ses mots qui passaient à la postérité pas son nom. Comme ce jeune prodige de 13 ans champion d'échec, Fisher ou John Glenn qui faisait le tour du monde en bas de 4 heures. Ou ce jeune démon du Tennessee qui faisait trembler les curés avec ses déhanchements.

Comment lui, Charles H. Stein, pouvait passer à la postérité autrement qu'en criant dans la montagne qui lui renvoyait l'écho de sa voix?

Il avait enfin trouvé.

Il allait tricoter un enfant avec son amoureuse et laisser sa trace à jamais sur terre.

Et gars ou fille il l'appelerait Brooklyn.

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