vendredi 27 novembre 2009

Brautigan


Sa mère avait le clovis lousse.

Elle a eu son fils Richard d'un travailleur d'usine, vétéran de la 2ème grande guerre qui a été tenu dans l'ignorance de sa paternité pendant presque 50 ans. Mais elle a imposé comme père de substitution au moins 4 autres hommes dont le dernier était un alcoolique extrèmement violent qui levait la main facilement sur madame.

Richard Brautigan a eu une vie de misère.

Afin de lutter contre l'extrème pauvreté de sa famille, la mère de Richard ramassait au balai les excréments des rats de leur logement (impayé) afin de faire une recette quelconque qui nourrirait la flopée d'enfants qu'elle collectionnait (Richard + 2 soeurs plus jeunes de deux papas différents). À l'âge de six ans Richard a vécu un traumatisme majeur quand sa mère l'a laissé seul avec sa petite soeur dans une chambre d'Hôtel pendant plusieurs heures sans qu'il sache où elle se trouvait ou si elle allait revenir. Adolescent, par mégarde Richard a tiré une balle de fusil dans l'oreille du frère d'un ami. Miraculeusement sans le blesser gravement. Vers l'àge de 12 ans Richard Brautigan s'est réfugié, comme bien des écorchés, dans la plume. Il s'est joint au journal scolaire est s'est mis à publier des poèmes. Nous sommes dans les années 50.

Comme Richard est toujours pauvre comme Job, comme il peut passer de 7 à 8 jours sans manger, il tire volontairement des cailloux dans les vitres du centre de police dans le seul but d'être coffré, soit logé et nourri. Deux choses qui sont relativement négligées dans sa vie. Non seulement l'opération fonctionne mais devant son comportement erratique il est victime de multiples traitements à l'électro-choc qui le marqueront à jamais. Il est par la suite diagnostiqué comme schizophrénique paranoiaque et maniaco-dépréssif . Ce qui ne l'empêche pas de continuer à écrire. Pas juste des poèmes mais des essais aussi.

Il écrit A Confederate General From Big Sur et Trout Fishing in America lors du même séjour vacancier avec sa femme et sa fille en camping. Des vacances de quoi? de lui-même j'imagine car il ne travaille jamais autrement que lorsqu'il monte sur scène pour lire quelques poèmes de son cru lors de soirée de poésie improvisée à San Francisco. Son éditeur choisit A Confederate General From Big Sur pour publication. Ce sera un coup d'épée dans l'eau. Un échec. un effort qui passe inaperçu. Nous sommes dans les grouillantes années 60. 6 ans après l'échec de son premier livre est publié Trout Fishing in America qui devient instantanément un classique. Comme Brautigan a la bouille de l'emploi, au bon endroit au bon moment avec sa moustache de redneck et son air de cowboy à 6 pieds 4 il devient le symbole de la contre-culture hippie de San Francisco qu'il a pourtant en horreur.

Brautigan a publié 4 autres recueils de poésie et une autre nouvelle (In Watermelon Sugar-1968) mais fût largement rejeté par son public au début des années 70 même si il continuait de publier régulièrement. De l'avis de ses amis il fût "le bébé jeté avec l'eau du bain". Associé au mouvement hippie (qu'il abhorre je le répète) mouvement mort en 68 avec la tuerie-Charles Manson il est reconnu comme l'homme "d'un seul livre au timing impeccable et pour lequel le succès n'était peut-être qu'un hasard puisqu'écrit 6 ans plus tôt".

Les Beatles, des admirateurs, lui donnent la chance d'enregistrer certains de ces écrits sur disque sur leur étiquette Apple qui ferme ses portes avant même la fin de l'enregistrement. Le disque sortira quand même sur une étiquette plus petite et sans réèl écho médiatique.

Marié deux fois, associé à tout plein de femmes malgré sa modeste apparence la bouteille restera sa meilleure compagne. Parlant librement du suicide et de ses vertus de 1974 à 1984, il choisit en septembre de cette dernière année de se mettre le fusil dans la bouche et de tirer un grand coup.

Son corps est découvert seulement 41 jours plus tard, aussi décomposé qu'une truite d'amérique oubliée sur la rive.

De toute façon il était plus près des truites que des Hommes.

Cette année encore je place sur ma liste de cadeau de Noël Trout Fishing in America. Ce sera la troisième année de suite.

Si je ne l'ai pas je l'achète en janvier.

Ou bien je me verse un Crown Royal & Coke en pensant au pauvre Brautigan.

Victime de son éducation.

3 commentaires:

Cybèle a dit...

J'espère que la troisième sera la bonne pour toi Jones.

Beau billet!

Jones a dit...

Bah! j'en mourrais pas...Me restera toujours le Whisky!:)P

Jones a dit...

By the way, je l'ai finalement eu (ou acheté?...) car il loge actuellement dans ma biblitothèque:)

Et je m'y attaque bientôt.