lundi 28 septembre 2009
Le tordu
Rajmund Roman Liebling est un enfant de la guerre.
Dans sa Pologne assiégée en 1939 il a une violente altercation avec un adolescent plus vieux de Krakow. Celui-ci lui promet de lui vendre une bicylette volée, lui donne rendez-vous dans un endroit isolé, le rosse, et lui vole tout son argent.
Ce sera le sujet de son premier court-métrage 16 ans plus tard. Il graduera de la Polish film school à Łódź 4 ans plus tard. Un an avant de graduer c'est son court métrage Two Men & a Wardrobe qui attire l'attention et lui mérite des prix.
De son propre aveu il se dit tordu dès son jeune âge.
Roman Polanski est né.
Knife in the Water, tourné en 1962 devient l'un des premiers films Polonais dont le sujet n'est pas la guerre. Il est en nomination aux oscars dans le catégorie du meilleur film étranger. Ça lui vaut la couverture du Time aux États-Unis et la reconnaissance internationale.
Après un bref passage en France, il s'installe en Angleterre où il tournera 3 films avec un ami scénariste Gérard Brach. Les années 60, le style de vie mais surtout les mini-jupes conviennent à merveille au playboy Polanski. Il tourne Repulsion avec une toute jeune Catherine Deneuve. Il explore dans ce film les hallucinations surréalistes d'une jeune fille laissée seule dans son appartement. Cul-De-Sac est tourné avec Françoise Dorléac la grande soeur de Deneuve et avec un magistral Donald Pleasance. Le film a un parfum de Samuel Beckett et est tout aussi glauque. The Fearless Vampire Killers devient son gros hit. Fasciné par les films d'horreurs mais trouvant que sa manière de tourner ne conviendrait pas au genre, il se permet une comédie sur l'univers des vampires dans lequel il se donne le rôle de l'assistant maladroit de l'absurde docteur Abronsius. Le film fascine par sa cinématographie magnifique (il s'agit de son premier film en couleurs), son décor hivernal rare, et son thème complètement farfelu, étrange et grotesque. Il y rencontre la comédienne Sharon Tate qui devient sa compagne de vie.
Ceci lui ouvre la porte des États-Unis. Il s'installe sur la côte Ouest Californienne mais passe la presque totalité de 1968 dans le Dakota building à New York où il tourne une adaptation du best-seller de Ira Levin Rosemary's Baby avec Mia Farrow et John Casavettes. Toujours à cheval entre la terreur et l'inquiétant le film lui vaut une seconde nomination aux oscars dans la catégorie de meilleur scénario adapté au cinéma.
L'année suivante Sharon Tate est enceinte de Roman. Elle est bêtement torturée et violemment assassinée, elle et son bébé à naître, par les disciples de Charles Manson. Roman est alors en Europe, mais devant son absence de réaction et ses blagues presque de mauvais goût on lui passe le détecteur de mensonge avant de trouver les vrais coupables. "J'ai vu tant d'horreur à la guerre, je suis malheureusement presque imunisé contre ce type de chose. Ça ne m'empêche pas d'être horriblement triste mais de l'exprimer m'est impossible" se défendra-t-il.
Il tourne une version de MacBeth excessivement violente l'année suivant le drame. Il frôle le mauvais goût en mettant en scène la mort de Lady MacDuff dans une scène qui rapelle la mort horrible de Sharon Tate. Il s'agit de son exorcisme.
En 1972, il tourne What? une farce sexuelle particulièrement déviante où une jeune Américaine trouve refuge dans une villa Italienne après avoir échappé à un viol. La villa est malheureusement occupée pat trois dégénérés (donc Polanski lui-même...)qui lui réserve toutes sortes de sévices. Le film, inspiré d'Alice Aux Pays Des Merveilles, est un sévère échec mais campe à nouveau l'univers de Polanski dans le tordu et le fantasque. Le viol y est traité presque trivialement et on y glisse des éléments de comédie...inconfortable.
En 1974 il fait mouche avec le scénario oscarisé de Robert Towne, Chinatown qui lui vaut 10 autres nominations dont une chacune pour ses interprètes Faye Dunaway et Jack Nicholson. Ce film devient le plus grand accomplissement de Polanski.
Deux ans plus tard c'est en Europe qu'il tourne The Tenant se réservant le premier rôle du locataire possédé par l'esprit d'une jeune femme suicidée du même appartement. L'aliénation urbaine et les personnages aux états mentaux malsains sont encore omniprésents dans son oeuvre.
1977 lui fait commettre l'irréparable. Dans le cadre d'une séance photo pour le magasine Vogue il emmène une jeune fille de 13 ans à la maison de Jack Nicholson (Nicholson n'y est pas) et viole la jeune fille après l'avoir droguée. Il séjourne quelques jours en prison mais lorsque l'on menace de l'inculper plus gravement il se sauve en France où il a la citoyenneté française et on ne peut pas l'extrader.
Il tourne 9 autres films en europe dont l'excellent(mais toujours tordu) Bitter Moon et rafle l'oscar du meilleur réalisateur pour The Pianist il y a 6ans. Oscar qu'il n'ira pas chercher car un mandat d'arrêt l'attend toujours aux États-Unis.
Même si la jeune fille, aujourd'hui femme dans la quarantaine, mariée et mère de 3 enfants, veut laisser tomber les accusations ne serais-ce que pour que l'attention sur sa personne et sa famille soit détournée.
Samedi dernier Polanski est tombé dans un guet-apens. Il a été invité au festival de films de Zurich afin de reçevoir une récompense pour l'ensemble de son oeuvre. On l'attendais à l'aéroport pour le coffrer et probablement bientôt l'extrader.
On a compté sur la neutralité notoire de la Suisse et on a perdu sa gageure.
Et c'est très bien comme ça.
Je n'ai jamais très bien compris ce qui empêchait deux services de police de coopérer outre-mer pour arrêter un criminel. C'est comme cette folie qui veut que l'on allège certaines peines parce que le criminel est âgé ou malade. Oui mais...ceci ne diminue en rien le crime commis et son impact sur la/les victime(s) au moment du crime!
Polanski, aussi bon cinéaste qu'il aura été, mérite ce qui lui arrive.
Tout comme Bertrand Cantat, il est une ordure qui doit en payer le prix.
Même si certains s'indignent de son arrestation chienne et tardive.
Le vrai chien c'est lui.
Et ça toutes les jeunes filles ne devraient jamais l'oublier.
Les autres aussi.
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