dimanche 4 décembre 2011

Troupeaux

On dira ce qu'on voudra mais y a pas plus bête que la population.

Je veux pas dire "le monde sont débiles" mais je vais quand même un peu beaucoup le dire.

Quand les gens deviennent un groupe, quand la foule réagit en foule, c'est donc vrai que l'intelligence frôle celle d'un singe.

Je parle du monde en masse. Du groupe d'individus qui collectivement devient un tas. Et qui alors, réfléchit moins. Réagit en troupeau. 

Je m'explique.

S'entasser devant le télé le dimanche soir, ça se comprend un peu. On court toute la semaine, on arrive si essoufflé que même le samedi soir ne goûte plus complètement le samedi soir. Quand dimanche après-midi arrive, on pose enfin son cul quelque part pour lire le journal et rattraper ce qu'on a manqué dans la semaine que notre plus jeune se pête la tête sur le carrelage et se met à vomir. Dimanche soir passé 16h00, c'est pas mal le moment où 7 millions d'habitants se rassemblent dans leur chaumières respectives et sortent du "tas" public des 7 autres jours de la semaine.
Souvent le papa, la maman, l'ado, la famille au grand complet tombe systématiquement devant la tivi après avoir soupé. Il est donc normal que les différents postes de tivi nous offrent ce qu'ils ont de meilleur. Ou ce qu'ils jugent être ce qu'ils ont de meilleur. Au Québec on est si peu nombreux que le dimanche soir c'est moins de dix stations qui nous paradent leur "best of". Même que des dix, c'est peut-être seulement trois ou quatre ou cinq qui sont de réèls joueurs. 3 en français et 2 en anglais disons. Et parmi ces 5, 2 seulement deux stations franco-québécoise peuvent naviguer en eau suffisament vive pour créer un réèl impact sur le troupeau au repos.
L'une d'elle nous offre une heure de science suivie d'une messe. Dans cette messe, on fait justement (ou du moins on tente de faire) ce résumé qu'on chechait peut-être dans le journal plus haut. Gauchement, avec un public usiné, avec des questions servies par un animateur immature et 9 fois sur dix pour y faire la publicité d'un produit, d'une idée, d'un mode de vie, d'un style. Souvent on fait comme dans la chanson de Brel "on se tord le cou pour mieux s'entendre rire", plus souvent on s'applaudit, satisfaits de nous-même et toujours en consultant la morale de son voisin de table mais plus souvent encore, on est juste content de pas être assis à la table tout seul. On essaie en tout cas de pas être tout seul et pour ce faire, on dit n'importe quoi pour être accepté à la table. Comme au Festival de Jazz ou au Grand Prix de Montréal. On se rassemble pas nécéssairement pour écouter ce qui se passe devant mais pour se rappeler qu'on est membre d'une collectivité. Et ça nous rassure.

L'autre poste, le poste convergent, nous offre une heure de karaoké où les candidats invités ont surtout tous besoin (ou eu besoin) d'un gros câlin. C'est suivi d'un imbuvable reality show à la chasse de l'amour où le sillicone a désormais son entrée et où les jeunes candidats s'humilient et nous rendent mal à l'aise en raisonnant comme des enfants. La semaine dernière c'était la finale de ce reality show et en direct, une candidate a "choké" refusant de gagner une voiture de l'année, 250 000$ + 50 000$ de meubles, un condo "urbain" dans le 450 (beuh! la banlieue n'est pas urbaine bande de bâtons!), une nouvelle garde-robe (non étrangement ça c'était juste pour le garçon) et un matelas. Elle a jeté la consternation et un sérieux froid dans le vieux-port que l'on devinait déjà glacé de par la position des jeunes gens sur la scène sous la pluie. Elle a refusé de gagner avant que la foule, dont ses propres parents, ne se retourne contre elle et la fasse changer d'idée. Même la soeur de la candidate a par la suite semblé la désavouer en allant presque s'offrir au candidat abandonné à l'autel devant le curé de la communion télévisuelle. Elle a "gagné". C'était du merveilleux direct où tout ce qu'on voulait contrôler a échappé à ceux qui voulaient tirer les ficelles. Dans une émission qui veut diriger l'amour c'était un pur délice. La fille a aujourd'hui un beau matelas, la chanceuse.

Personnellement je ne trouve pas mon pied ni dans une station, ni dans l'autre et plus souvent qu'autrement je prends congé et avance ma lecture. Souvent c'est là aussi que je jettes un oeil dans les sacs d'école pour voir si on a projeté des travaux pour les kids pour le week-end. Je fais toujours alors le lien entre la cloche de la cour d'école qui sonne et ramène tout le monde en classe et cette cloche imaginaire qui se fait entendre le dimanche autour de 19h00 en province et ramène plus de 3 millions et demi de Québécois devant sa télévision. Si je suis convaincu que mes enfants apprendront quelque chose en classe, qu'est-ce que le troupeau devant sa tivi apprends sur lui-même?

Quelque fois j'accompagne la belle devant l'une de ses émissions, la plus bêtede celles-ci, par luxure, l'émission qui offre de la cuisse, et pendant qu'elle se rassure, moi je m'inquiète. Pendant qu'elle voyage, je fais la même chose dans ma tête.

Je m'inquiète de ces gens qui choisissent d'investir les endroits publics en scandant des slogans qui appellent à un nouvel ordre mondial alors que d'un coup de baguette magique ce même ordre mondial réussit à rendre les gens malades au point de se pointer tous en même temps au magasin pour un vendredi de consommation folle ou un lundi de niaiseries cybernétiques. C'est incroyable de penser que tout un troupeau ait réussi à tomber dans le piège de consommer au moment même où les commerçants l'exigent. C'est à la fois socialement fascinant et à la fois terriblement déprimant. C'est pas pour rien qu'on a l'adjectif  "black" dans ces lundis et vendredis malades. On sait que ce sont les ténèbres qui se cachent derrière tout ça. On a tiré du fusil et on a aspergé de poivre de cayenne aux États-Unis pour réclamer son droit à la soumission. Folie pure.

Ç'est comme ces oiseaux qui arrivent par centaines dans notre arbre à fruits autour de la piscine depuis une semaine et qui font une orgie dans les branches avant de repartir parce que seulement l'un d'eux repointait vers le nord.

Chez nous en ce moment, au Québec, l'arbre à fruits c'est la droite. On a officiellement trois partis politiques qui pourraient prendre le pouvoir si des élections avaient lieues demain. Celui au pouvoir a abusé de la patience du troupeau, celui qui a toujours été "l'autre pouvoir"est en train de se désintégrer et une troisième voie se dessine.

Bien des oiseaux se nourrissent à cet arbre. Suffisament en tout cas pour en faire l'oiseau gagnant si des élections avaient lieues demain.

Quand ils repartent ces oiseaux, meurent-ils en route?
En route vers quoi de toute façon.
Faudra que j'ailles à la messe pour le savoir.

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