samedi 13 mars 2010

Danse mon bébé, danse


Parfum des années 50.

Les marathons de danses étaient courus.

Brendan, dans sa camisole, qu'on appellera aussi un "wifebeater" 20,30,40 ans plus tard n'avait rien de viril a passer la serpillière sur le parterre du gymnase en se dandinant. On dirait même qu'il avait l'air gai. La musique après 49 heures étairt devenue diforme. Un air d'harmonica imprécis. Sans suivi dans les notes, indansable. Mais on tenait le coup, 6 couples sur le plancher du gymnase dans des mouvements d'édifices qui s'écroulent l'un sur l'autre.

Quelques marins à moitié-endormis, à moitié-saoûls dans les gradins, massivement vide. Qui viendrait voir danser des uluberlus toute la nuit? Ceux là y était pour attraper une fille sur le rebound. Comme celle-là avec ce petit nigaud, éreintée qui se faisait faire un massage du cou et qui appelait ça de la danse. Ceette infimière qui regarde sa montre un peu ennuyée fumant sa clope près des escaliers peut-être. Les marins l'avaient à l'oeil celle-là.

Soudain la musique qui se fait plus unie. L'harmonica, la batterie, du piano, quelques bouts de guitare, de la base. La danse pouvait gagner du rythme. Un coup de sifflet pour éliminer deux partenaires tombés sous l'emprise de la fatigue, au milieu du gymnase qui sert de piste.

Une jeune fille. Noire. 8 ou 9 ans. Fascinée par ses grands qui dansent toute la nuit. L'infirmière c'est sa mère, elle l'a trainée avec elle faute de gardienne pour la nuit. Pas question de la laisser seule. On serait seuls en groupe cette nuit.

Sur le plancher de danse on se touche, on se transporte, on se supporte dans une étrange procession de corps entremêlés. La petite est trop jeune pour penser au mot orgie mais bien que tout le monde soit habillé, les mouvements en sont presque les mêmes.

Pour être dans l'esprit de la soirée la petite a mis son costume de ballerine. Et elle s'étire dans les gradins, comme si elle allait prendre part au marathon. Elle copie certains mouvements pour se sentir investie de la même mission que lews danseurs. Avec pour seul partenaire, le regard amusée de sa mère plus loin.

Ils sont 5 couples à danser sur leur surface carrée numérotée. On ne dépasse pas, on se touche toujours. Même si c'est se tenir par les cheveux, par le talon, par l'entrejambe. L'arbitre passe de couple en couple afin de départager le légal de l'illégal. Et on ne parle pas de morale. Certains couples sont carréement au sol. Deux se bavent dessus, couchés l'un sur l'autre en ne bougeant que le bout de leur pied. Deux autres s'échappent dans le solo d'harmonica et font exploser la paquet de pop corn de la petite fille dans la première rangée des gradins. Elle en rit, une pluie de pop corn. C'est presque joli. Son rire ensoleillé ravit les marins des gradins. Sa mère soupire.

3 couples à la 51ème heure. Il pleut soudainement dans le gymnase.

"Ce n'est pas de la pluie c'est de la neige!" affirme Brendan le concierge. Ça fait encore moins de sens. Mais les couple sont beaux, drapés de blancs avec cet arbitre qui circule autour, prêt à siffler, à disqualifier, qui attend la faille chez les danseurs. Un couple s'écroule, elle lui atterit sur la bouche. Ils sont disqualifiés. Et ces deux là sur le dos depuis tantôt qui ne bougent maintenant plus. Ils se sont apparement endormis. L'infirmière a tenu à vérifier leur pouls. Ils sont vivants. Mais disqualifiés aussi.

On a un couple gagnant. Épuisés. 52 heures 26 minutes 19 secondes de danse sans arrêt. Ils se connaissaient tout juste. Se quitteront sans s'être vraiment parlé. Trop fatigués.

Il neige encore dans le gymnase. Un olibrius a cassé un carreau des fenêtres du plafond. L'infirmère ramasse sa petite ballerine, elle tend la main pour saisir quelques flocons.

"On va se coucher maman?"
"Hush hush girl" a murmuré l'infirmière comme si elle avait voulu chasser un rêve de la petite.

"Mais d'où vient cette pluie?" demande un marin.
"Ce sont les âmes seules qui pleurent leur solitude" répond l'infirmière.
"Alors vous pleurez vous aussi j'imagine" répond le marin
"Pas autant que vous" répond-t-elle
"moi j'ai ma fille".

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