lundi 14 décembre 2009
Le Premier Homme
Albert Camus fait parti même du tissu de mon existence.
Le 4 janvier prochain on fêtera le 50ème anniversaire de sa mort.
En 2013 le centième anniversaire de sa naissance.
À mes yeux il a écrasé intellectuellement le vingtième siècle. Il a imposé de par son intelligence et sa rigueur toute une ligne de conduite morale qui encore aujourd'hui, sinon plus qu'avant, est d'une pertinence incroyable. Cet homme était un devin.
Le point de départ de Camus c'est l'absurde, ce divorce entre l'individu et le monde, ce choix "contre nature" qui, à l'encontre de toute logique, rejette tout ce qui est évident, raisonnable, confortable, qui accepte l'impossible comme une condition sine qua non.
Ce que m'a appris Albert Camus c'est que la vie est absurde. Camus m'a appris à me battre. Il m'a appris que la vérité n'est pas un absolu mais doit être recherchée dans le bonheur, le tourment de la contradiction. De l'importance d'avoir une voix contradictoire. Ce qu'il m'a appris c'est la liberté. A la lecture de ses écrits je suis un oiseau qui sait qu'il a le droit de voler.
Camus c'était ces femmes qui l'ont tant aimés (Maria Casarès entre autres) et auxquelles il ne résistait pas, l'engagement et la jeune célébrité, la solitude et les honneurs, l'Algérie cette plaie ouverte et la force et l'angoisse d'un homme tout en force et en fragilités.
Écrire c'est s'exposer au malentendu et à ne pas être entendu, Camus le sait. Sartre lui fait sentir. Camus se sent comme un voyou des rues autour de Sartre et De Beauvoir de laquelle il repousse les avances sexuelles.
L'interprétation que donne Camus de Sisyphe, qui assume sa tâche écrasante non pas le coeur lourd ou résigné, mais avec un étrange sentiment de joie, d'exaltation est fascinante. Il ne s'agit pas là d'un geste de désespoir ou de défaite, mais d'un choix créateur. Et en cela, bien sûr, Camus a fourni une défintion du héros de notre temps à laquelle toute une génération a pu s'identifier de par le monde, de James Dean à Vladimir et Estragon, et de Vaclav Havel et Lech Walesa à Barack Obama. Non pas le héros qui conquiert ou qui triomphe, mais celui qui persiste. Il n'est pas étonnant que le "révolté" de Camus définisse sa conception de la dignité humaine et des droit de l'Homme. Je me révolte donc nous sommes. Dans un monde qui a connu Auschwitz et le Rwanda, la Somalie, la Birmanie et combien d'autres à venir, l'homme révolté est devenu une figure plus emblématique encore qu'à l'époque où Camus en brossait le portrait.
La liberté humaine qu'enseigne Camus n'offre qu'une chance d'être meilleur et le seul moyen d'affronter un monde sans liberté est de devenir si absolument libre qu'on fasse de sa propre existence un acte de révolte. Le bonheur et l'absurde sont deux fils de la même terre. Ils sont inséparables.
Nous sommes sortis de l'ère idéologique. Aujourd'hui le temps a donné raison à Camus. Albert avait critiqué très puissamment le capitalisme, la déshumanisation de toute politique à droite comme à gauche. La justice sans la liberté, c'est la dictature; la liberté sans la justice, c'est la loi du plus fort; il voulait ET la justice ET la liberté, ce qui faisait de lui un libertaire.
La légitimité de Camus, 20 ans après la chute du mur de Berlin qu'il n'avait pas connu, ferait de lui aujourd'hui un maitre à penser dans un monde qui n'a plus grand chose à voir avec le sien. Camus nous as appris à se méfier des directeurs de conscience. On médite ses réflexions sur le terrorisme sous la menace d'Al-Qaïda, on se demande entre deux scandales financiers si le suicide n'est pas en effet pas le seul prôblème philosophique vraiment sérieux. Et on se refile La Peste sous le manteau comme un bréviaire par temps de grippe A H1N1.
Albert Camus détestait la vitesse et trouvait "absurde" de mourir dans des draps de tôle froissée. 5 ans après que James Dean se fût tué au volant de sa Porsche et trois ans après que Françoise Sagan eût démoli son Aston Martin et frôlé la mort, Camus et son ami Michel Gallimard s'enrubannaient autour d'un platane dans la Facel Vega de Gallimard qui roulait à plus de 160 KM/h.
À 47 ans le monde perdait un grand homme.
Dans ma vie, le premier homme.
11 ans et un mois jour pour jour avant ma naissance.
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