lundi 5 septembre 2022

Personne & Tout Le Monde à La Fois

Il y a cet ami, sur le fil des réseau sociaux, qui demande systématiquement tous les jours, "Qu'est-ce qui a fait votre bonheur aujourd'hui?". 

J'ai tout de suite aimé la question. C'est exactement la même que je posais à mes deux enfants, lorsqu'ils avaient l'âge pour qu'on aille les coucher au lit. Enfin, mes mots exacts étaient "Dis-moi, avant de t'endormir, la chose que tu as le plus aimé de ta journée ?". Dans le but évident de les faire s'endormir sur un moment heureux, qui leur ferait faire de beaux rêves. Leurs réponses étaient parfois tellement adorables, on en apprenait beaucoup les uns sur les autres (les enfants vous font ça, en général) et on pouvait se jase longtemps avant le dodo sur toutes sortes de choses, ce qui leur donnait l'impression qu'ils avaient gagné quelque chose dans la résistance qui leur avait fait dire "ooouh! j'ai pas envie de me coucher" plaintivement. 

samedi

Cette initiative de l'ami des réseaux sociaux, m'oblige à me poser moi-même cette question. Et je trouve la chose excessivement saine. Je prends ce moment en photo dans ma journée pour que l'image parle d'elle-même. Je lui réponds. Je me surprends à chercher ce moment, et même parfois à les provoquer, si, justement, je vis une journée de marde. 

Rien de particulièrement n'explique pourquoi, mais depuis au moins 5 semaines, mes samedis sont tout simplement formidables. Comme si je me le vais ce jour-là, que rien ne pouvait m'agresser d'aucune manière, et que je savourais chaque moment, peu importe le moment, que je me ferais/ferait vivre ce jour-là. J'ai même bizarrement savouré un passage à la quincaillerie, ce qui est nettement contre nature, pour ceux qui me connaissent. 

Dimanche, hier, était aussi un samedi puisqu'aujourd'hui c'est la fête du travail, au Canada d'Amérique, et que le jour de la fête du travail, ici, on ne travaille pas. On a congé. Hier, on a dévalisé le marché Jean-Talon, où les fruits et légumes goûtent pour vrai, les fruits et légumes. Et j'adore payer, même plus cher, pour les producteurs de fruits et légumes d'ici, qui travaillent si forts pour survivre dans leur métier. Que ce soit la pandémie ou non. Le métier de cultivateur est archi ingrat. Souvent familial. Ce qui n'est jamais nécessairement facile. 

Mais notre objectif du jour était surtout de se rendre sur la rue Wellington, à Verdun, récemment élue, trrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrès subjectivement, par le Magazine Time, comme la rue la plus cool "au monde". 

Plus jeunes, avant les enfants, mon ami Goyette et moi, avions travaillé au Club Video Esprit, situé sur cette épouvantable rue. J'y travaillais de nuit. C'était un club vidéo 24H. Situé à un deuxième étage. Et pour s'y rendre, il fallait monter un escalier. La nuit, la porte en bas était barrée et il fallait sonner. C'était moi, en haut, qui les voyait avec le système caméra et qui leur ouvrait. Ou pas, si je soupçonnais qu'une arme blanche, un braquage anticipé ou un groupe de 10-12 personnes, sonnait vers 4h du matin. 

Le cinéphile en moi, ne pouvait trouver mieux. J'écoutais sur place 4 films par nuit. Le premier, de 22h à minuit, distraitement. Il y avait beaucoup de clients et deux trois collègues à mes côtés, pour m'aider. De minuit et demi à 3, un film qui m'intéressait davantage. Français, idéalement, qui sont plus souvent d'une durée d'1h30. De 3h30 à 5h30, je me tapais un film que j'avais vraiment envie de voir. Finalement. De 6 à 8, je me tapais un dernier film, que j'avais un peu envie de voir, mais dans lequel, je me laissais le loisir de dormir sur le comptoir si mon corps le commandait. On y voyait toute une jungle. Le quartier était si mal famé que ma clientèle de nuit était principalement tout le temps pas mal la même. Des hommes qui se rendaient directement dans la pièce du fond, là où se trouvaient les films pornographiques. 

 

Ça se trouvait au 450, rue Wellington. Quand l'amoureuse est venue me rejoindre (de Québec), à Montréal, en 1994, j'avais été accessoire quand elle est devenue assistante gérante dans ce même club vidéo. Ce qui était drôle quand, vers 22h, je travaillais en sa compagnie, deux heures. Avant de faire ma nuit. 

On s'est rendu pour valider ce que le Time Magazine disait de cette rue, qui nous était si immonde, en 1994. Sale, sombre, malsain. Ma conjointe s'était fait mettre un poignard au cou, à un certain moment. La drogue y circulait beaucoup. La nuit était bruyante. Mais je trônais tranquille, au deuxième, derrière des portes barrées dont j'avais le contrôle. Voyageant de films en films.  

La rue est effectivement très changée. Fermée aux autos. Et assez cool. Mais pas du tout la plus cool au monde. On a en vu des fameuses à Amsterdam. Berne, en France, et on a pas fait le tour du monde. Je doute que le Time Magazine ait été scruté les rues d'Yverdon-Les-Bains, en Suisse ou celles de Berlin, en Allemagne. On a retrouvé le 4050, rue Wellington, maintenant devenu...une quincaillerie! Ça nous as remué un peu. Ce lieu qui avait fait de trois personnes qui se côtoient encore, 28 ans plus tard, et qui nous ont aussi formés, en quelque sorte. Ils ont bien repimpé cette rue principalement axée, par le passé, sur la malbouffe et la petite criminalité. 

Nous sommes ensuite allé vers le Vieux-Port de Montréal, et là, on a croisé le projet Montréal en Visages. Une idée du journal La Presse (je crois) qui expose un peu partout, en ville, des photographies de visages de Montréalais. 

"Qui sont ils?" M'a demandé l'amoureuse. 

"Personne, en fait, des gens comme ça, de toutes les sortes qu'on retrouve à Montréal" que j'ai constaté.

Et c'était aussi vrai que faux. Je l'ai réalisé par la suite. Ce samedi, déguisé en dimanche, faisait en sorte que le Vieux-Port était assez surpeuple. D'effectivement beaucoup beaucoup de gens. Et de beaucoup de gens d'origine étrangère. Ce qui me ravit toujours. J'adore la plupart des accents. Je repensais à cette exposition de photos et il ne s'agissait pas complètement de "personne".  C'était aussi tout le monde à la fois.

C'est toujours un peu honteux de savoir que des ignorants trouveront Montréal infréquentable simplement parce que la ville est composée de beaucoup de gens d'origine étrangère. J'ai été le lire ailleurs, ici et là,  par la suite, et l'une des principales raisons pour laquelle plusieurs détestent et méprisent Montréal est qu'on y retrouve des gens de partout, sauf, du Québec.  

Donc ce qui me charme de ma ville, il y a ce qui déplait souverainement à d'autres.

J'inviterais ces gens à "retourner chez eux", comme ces ignorants se plaisent à le dire toujours de manière déplacée aux gens qui ont l'ombre d'une origine étrangère. 

"Chez eux" étant là où ils ont, un jour été formés. 

C'est choses là peuvent changer.   

Les gens aussi, peuvent, changer.  

Racistes et "étrangers".

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