mercredi 26 juin 2019

Longue est La Mort d'Andy Kaufman

En 2015, lorsque l'émission culte du samedi soir, Saturday Night Live préparait son 40ème anniversaire, une rumeur persistante voulait que Andy Kaufman y fasse son grand retour en direct.

Petit pépin toutefois, Kaufman est décédé en 1984, à l'âge de 37 ans.

Mais c'était affronter les incrédules de sa mort.

Kaufman était cet OVNI du monde du spectacle qui avait choisi de lire l'entièreté de The Great Gatsby de F.Scott Fitzgerald, à son public, laissant le public quitter, un à un la salle, lorsque celui-ci a réalisé qu'il avait payé pour entendre un homme lire un livre. Ce qu'ils pouvaient tous faire chez eux. Aucun achat requis.

Bien entendu, en 2015, Kaufman est resté bien mort. Encore.

La réputation posthume de Kaufman n'a fait que grandir entre 1984 et nos jours, appuyée par le film de Milos Forman, et les populaires admirateurs de Kaufman. Un culte a prit de l'expansion autour de l'artiste. Un des thèmes central étant qu'il soit bien vivant, possiblement au Nouveau Mexique, peut-être devenu moine, et qu'il attendrait depuis plus de 35 ans le moment idéal pour revenir parmi les gens publics. Est-ce vraiment supporté par certains faits possibles? Pas du tout. Mais Kaufman était un homme impossible. Sa mort l'était peut-être aussi.

Kaufman habitait un personnage en tout temps. Un dérivé de Kaufman de nos jours serait Sacha Baron Cohen. Un troll de profession (Cohen y est plus habile et plus utile à mon humble avis). Que les caméras roulent ou non Kaufman opérait avec passion dans la peau de personnages fictifs difficiles à faire distinguer le vrai du faux.
N'existerait-il pas un meilleur moment, aux États-Unis, pour réapparaître?
La foi, jouée parfaitement par Kaufman, devenait les faits. Depuis son absence sur terre, les fan de Kaufman ont inversé la chose. Ils sont la foi. Ils maintiennent la plus parfaite performance de la foi. Ils ne le pensent pas mort.

Le cancer l'a emporté très vite. Mais auprès de proches, (des témoins tous moins crédibles les uns que les autres) il semble avoir parlé très souvent d'une mise-en-scène de sa propre mort. Sa disparition leur a toujours parue scriptée. On disait Kaufman hypersensible et sa disparition coïncide avec le décès de son grand-père adoré. Un ami proche raconte aussi que Kaufman était gay. Et vivait mal avec tout ça. Que le SIDA, tout juste découvert, et mal diagnostiqué alors, y aurait joué un rôle. Une information tenue secrète jusqu'en 2013, quand le dernier parent de Kaufman est décédé, car Andy ne voulait pas leur faire de peine.
Kaufman avait un amour féminin connu, Lynne Margulies, réalisatrice d'un documentaire sur lui, et ses expériences douteuses de lutte. Celle-ci affirme qu'effectivement, Andy fréquentait certains quartier clairement gays, de San Francisco. Mais peut-être aussi pour faire scandale. Ce qu'il adorait faire.

Ce qui fait de sa mort, ou de sa non-mort,  une ritournelle récurrente, est le fait que la mort était de toute son "oeuvre". La mort et la résurrection est au coeur de tout son special télé de 1979. Si étrange qu'il a passé très près de ne jamais passer en ondes. À la fin, il livre une entrevue touchante à une marionnette, sur le ton vulnérable qui l'a rendu si célèbre. Accablé par la découverte que la marionnette qui a enchanté son enfance vient de passer deux décennies dans une boîte de carton.

A-t-il choisi de faire de même? serait-il dans sa boîte de carton? À quand le spécial TV qui le ferait réapparaître?

Kaufman avait lui-même réincarné son personnage d'étranger, pas foutu de raconter une bonne blague correctement, dans son imitation d'Elvis, où dans la routine du numéro, entre les morceaux musicaux, il n'arrivait pas à raconter une blague qui fasse du sens. Mais lorsqu'il reprenait Elvis, il redevenait pro. Son numéro provoquait de l'anxiété, du malaise, de l'hostilité. Puis, du plaisir et de l'agrément au tour de chant soignant tout ça. Voir Kaufman sur scène avait toujours un effet divisible. La public se retournait contre lui-même. La moitié lui criait des noms d'animaux, l'autre voulait les faire taire et écouter le numéro, d'autres fondaient dans leur siège, d'autres quittaient, tout simplement. Le chaos était choisi par Andy.
Mais quand Kaufman sortait le King, tous les trous étaient raccommodés. Tout le monde était uni. C'était soudainement l'enfantine joie. L'enfantin n'était jamais loin avec Andy.
Et comme gag-fantôme, il fermait son numéro en reprenant l'accent de son personnage étranger, pour remercier le public.

Son numéro était la marche de la croix, la crucifixion et la résurrection. Toujours.

La foi au numéro était sincère. Le dédain tout autant. La honte vraie. L'inconfort, naturel.
Les routines de Kaufman étirait l'anxiété jusqu'à ce que ça ne devienne plus tolérable. Faisant durer certaines gags sur plusieurs semaines, plusieurs mois parfois, mais se terminaient toujours sur une fin heureuse. Toujours au Carnegie Hall, son laboratoire, il avait invité des douzaines de spectateurs, les restants, à prendre du lait et des biscuits.  Le confort du lait et du biscuit après l'inconfort de la scène.

Derrière tout ça se trouvait l'annihilation d'une fin satisfaisante. L'annihilation d'une fin tout court. La main ferme sur...la mort? Non seulement il allait mourir sur scène, mais il allait offrir les armes pour le tuer à son public. Pour pouvoir ressusciter ensuite. Il voulait les libérer de leurs propres anxiétés en faisant d'eux, de meilleurs eux-mêmes. Il voulait son public aussi innocent que lui. Mais inclus sur scène avec lui. Plein d'espoir et libre de toute crainte. (ce qu'il n'a jamais avoué publiquement, c'est moi qui jase).

Même dans son choix d'incarner Elvis, il y avait la mort. Elvis, vers la fin de sa vie, gras et à Las Vegas, était déjà une manière de voir le King presque posthume. Elvis était lui-même une incarnation de son ancien lui. Un artiste déconnecté de lui-même. Une grossièreté. Ce que Kaufman était presque toujours.

Jamais les États-Unis n'ont été plus grotesques qu'en ce moment même.
Si il était vivant, il concourerait pour devenir le prochain président.

Et n'aurait pas besoin d'aller sur la lune. Il y en arriverait. Comme moi.
Et y est simplement retourné depuis.

Faut bien documenter les recherches aux supérieurs parfois.
On est pas payé pour rien.

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