mardi 18 juin 2019

John Cheever

John est né le second fils d'un vendeur de souliers et d'une femme au foyer en 1912, à Quincy, au Massachusetts. Il grandit dans une grande maison victorienne, mais dans les années 20, alors que l'industrie du souliers est en train de piquer du nez sévèrement, papa commence à boire de manière si lourde que maman doit, à sa plus grande honte, s'ouvrir une boutique de souvenirs pour joindre les deux bouts.

Autour du krash boursier, la famille perd presque tout et la maison est perdue aux mains des créanciers. Les parents se séparent et, à l'aube de la vingtaine, il prend un appartement avec son frère, à Beacon Hill, à Boston. Il a déjà gagné quelques concours scolaires pour des courtes histoires, mais ses résultats scolaires, en général, sont assez mauvais.  Il écrit et sera accepté à Yaddo, une colonie d'artistes de Saratoga Springs qui encourage la créativité artistique. James Baldwin, Leonard Bernstein, Truman Capote, Carson McCullers, Jonathan Franzen, Patricia Highsmith, Sylvia Plath, Philip Roth, Mario Puzo, David Foster Wallace, entre autre artistes, ont aussi passé par là.

Ses parents se réconcilient et habitent un petit appartement. John n'a plus 100% de logis. Sans adresse permanente, il circule et vit dans sa voiture.  Le New Yorker lui achète une histoire pour 45$. Il en publiera des tonnes pour le New Yorker par la suite. Ça le servira autant que ça ne le fera pas. On l'engage afin de réajuster les textes de ceux qui son trop paresseux pour se réviser eux-mêmes. Il rencontre Mary Winternitz, de 7 ans sa cadette. C'est la fille du recteur de l'école médicale de Yale et la petite-fille l'assistant d'Alexander Graham Bell. Ils s'épousent en 1941.

En 1942, Cheever est enrôlé dans l'armée. L'année suivante, son premier recueil de nouvelles est lancé, mais il en a si honte qu'il détruira toutes les copies sur lesquelles il peut mettre la main. Mais c'est tout de même ce livre qui sauve sa vie. Le général Leonard Spigelgass est séduit par "l'émerveillement enfantin" qui se dégage de son écriture et le démobilise pour le ramener à New York. Pendant qu'il revient, tout son régiment est décimé dans le débarquement de Normandie. Leur fille, Susan, naît.
Après la guerre, il emménage sa famille dans un appartement de Manhattan, où, pendant 5 ans, tous les matins, il descend en ascenceur, dans son unique complet, jusqu'au sous-sol, afin de s'enfermer dans une salle pour femmes de ménage, se déshabille afin de rester en short et y écrit tout le temps jusqu'à midi.

Il accepte une avance de 4800$ de Random House pour compléter quelques chose qu'il avait commencé avant la guerre. Un texte pour le New Yorker, The Enormous Radio, raconte la kafkaesque et sinistre aventure d'une radio qui diffuse les conversations privées des occupants de logements d'un même building à logements. Ça lui donne non seulement beaucoup de visibilité importante, mais un peu plus d'argent aussi. Leur premier fils naît en 1948.

Il compose des textes plus long et plus complexe. En réaction au style "tranches de vie" que semble adopter le New Yorker, son principal employeur. Après un été morose, en famille, à Martha's Vineyard, il écrit l'excellente nouvelle Goodbye, My Brother. Il avait aussi écrit The Day The Pig Fell in The Well, et avec ses deux nouvelles, qui attirent une certaine respectabilité, il obtient une importante bourse de la Guggenheim Fellowship. Il emmnénage alors dans un chalet de Beechwood, qui avait comme locataire préalable, un autre écrivain de renom, Richard Yates.

Dont je vous parlerai aussi un jour.

Un second recueil, réunissant ses nouvelles, est publié en 1953. Avec un peu plus de succès cette fois. Mais encore, le recueil de nouvelles de J.D. Salinger, lancé la même année, lui fait beaucoup d'ombre et il en souffre. N'ayant jamais complété le roman commandé par Random House, ceux-ci exigent qu'il leur livre quelque chose ou qu'il rembourse le prêt. Harper & Brothers rachètent donc son contrat. Il signera chez eux The Wapshot Chronicle, qui lui vaut des accolades et une maison de production lui achète les droits d'adaptation cinématographiques pour The Housebreaker of Shady Hill. Avec ces nouveaux sous, les Cheevers passent l'année suivante en Italie où leur dernier fils naît.

En 1964, il obtient ses meilleures critiques pour The Wapshot Scandal. Il fera la couverture du Time Magazine, en mars de cette année-là. En 1966, The Swimmer est publiée dans le New Yorker, mais au verso d'une nouvelle de John Updike, plus NewYorkaise aux yeux de l'éditeur en chef. Une adaptation cinématographique sera faite et mettra en vedette Burt Lancaster. Cheever est souvent sur le tournage et y fait même un cameo.

L'alcoolisme de Cheever devient soudainement pesant. Il est entre autre troublé par sa bisexualité. En effet, il entretient une liaison avec le musicien Ned Rorem. Ses problèmes maritaux l'oblige à consulter un psychiatre. Il se plaint de l'hostilité de sa femme et de sa non nécessaire noirceur. Mais le psychiatre qui rencontre les deux, constate que c'est Cheever le problème. Qu'il est narcissique et qu'il invente bien des choses. Ne voyant que son propre point de vue, toujours sur la défensive. Les sessions sont vite écourtées.

Quand Bullet Park est publié, la critique est dévastatrice. L'un d'eux dit cruellement, que les histoires de John Cheever ont toujours des oiseaux qui chantent mais que dans ce livre là, c'est le silence absolu. Cheever ne s'en remet pas et boit encore plus. Il tombe en dépression et commence une liaison avec l'actrice Hope Lange.

En 1973, il est hospitalisé d'urgence et passe près de mourir d'un oedème aigu du poumon causé par son alcoolisme. Il refuse alors de boire par la suite...

...pendant un mois.

Le temps de retrouver un ami, contemporain, l'écrivain du même genre, Raymond Carver, et de virer de sales brosses avec. Il accepte d'enseigner à la Boston University mais boit encore beaucoup et devient même suicidaire. Il a une liaison avec un de ses élèves, qui loge même chez eux, un temps. Il est admis en clinique de réhabilitation et en resortira pour ne plus jamais prendre une goutte d'alcool.

En 1977, il publie Falconer, qui parlera d'un gars en prison, et traitera de sa bisexualité, en filigrane. Le livre sera un de ses meilleurs vendeurs à vie. Mais son The Stories of John Cheever, seront son incontournable. Le livre contient toutes les nouvelles d'importances de Cheever et lui fait gagner le National Book Award for Fiction. Et sera son livre le plus vendu à vie.

On lui trouve une tumeur qui ne fera que grandir en 1981. Il aura le temps de publier son dernier roman, Oh What a Paradise, It Seems. Dont on fait des éloges polies puisqu'on sait qu'il est sur le point de mourir.
Quand il meurt, les drapeaux de la ville de la dernière ville qu'il occupait, Ossining, sont en berne pendant 10 jours.

Ses thèmes seront toujours trempés dans la dualité de la nature humaine. Parfois dramatisé dans la disparité d'un décorum social chez un personnage et sa corruption intérieure, et parfois dans un conflit, souvent entre frères, incarnant les saillants aspects de la lumière et de la morosité, entre l'épicurisme et le spirituel. Plusieurs de ses histoires parlent de nostalgie, l'évoquent souvent, et sont soulignés par un solide esprit de communauté, opposé au nomadisme des banlieues modernes.

John Cheever reçoit, tout maigre, la médaille nationale de la Littérature de l'American Academy Of Arts & Letters et ses livres sont intégrés dans la Library of America, six semaines avant sa mort.

Aujourd'hui, il y a 37 ans.

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