mardi 11 juin 2019

Le Parti Avant l'Homme

En Chine, on a établi la reconnaissance faciale. On travaille en ce moment sur le concept du "score personnel", c'est à dire que chaque citoyen serait alors coté, disons sur 100, et le gouvernement aurait le loisir de soustraire des points, selon ses propres critères, réservant des pénalités à ceux qui serait, disons sous la barre des 60.

L'horreur.

On pourrait croire que le monde se dirige vers le gouffre.

C'est en partie vrai. Mais une série télé comme Chernobyl, sur HBO, nous rend contreintuitif.

Le monde est un meilleur endroit sur terre depuis la dissolution de l'Union Soviétique. Et avec les progrès technologiques, on aura beau les mépriser, le monde est un bien meilleur endroit au 21ème siècle.

Regarder la série Chernobyl, avec la lunette de la situation politique actuelle serait une erreur. Stephen King l'a prouvé en disant, la semaine dernière qu'il était impossible de regarder la série sans penser à Donald Trump. Ce qui est plutôt faux. Quiconque a vécu les années 80 s'y retrouve absolument dans cette série. On a répondu à King que la série était plutôt un échec total du socialisme, le contraire de ce que représente Trump.

Mais c'est le brillant scénariste Craig Mazin qui a eu le dernier mot.

Dans une scène splendide de la série, un vieux communiste de l'apparatchik du parti est assis silencieux autour d'une table où des gérants de l'usine et des officiers locaux cèdent à la panique. Il se lève enfin afin d'exhorter ses camarades à contempler portrait de Vladimir Lenin, les sommant de se rappeller que le camarade Lénine serait très fier de tous. Même si au même moment, un réacteur avait déjà explosé et était sur le point de faire fondre à peu près tout autour, sur terre.

Mazin a intelligemment répondu "Chernobyl, est un échec d'êtres humains dont la loyauté (ou la crainte) de l'effondrement d'un gouvernement a aveuglé leur sens de la décence et de la rationalité. Vous êtes le vieil homme avec sa canne. Vous ne faites que vénérer un différent portrait"

Wambam thank you M'am!

Le désastre de 1986 qui a empoisonné des milliers de kilomètres de l'Ukraine soviétique est devenu un problème plus grave que le culte de la personnalité malsaine de Vladimir Lénine. L'Union Soviétique est un pays intoxiqué par un régime fondamentalement (insistance sur les quatre dernières syllabes) psychotique, qui, sur plusieurs générations successives, est resté incapable de comprendre la réalité, de générer de l'information, de voir plus loin que sa fiévreuse vision paranoïaque. Chernobyl était un rappel du désastre mondial si le régime autoritaire du Kremlin, ses serviles bureaucrates et bénéouiouis avaient eu plus de succès ailleurs dans le monde.

Comme la catastrophe de Tchernobyl, le triomphe de Lénine et des Bolchéviques qui ont créé l'État Soviétique, des décennies avant 1986, était un accident plus près de la folie que de la saine euphorie. Un étrange détour de l'histoire. Lénine et ses camarades étaient des intellectuels européens qui se sont retrouvés au pouvoir après des années en isolation, à esquisser les plans d'une révolution communiste.
Chaque mensonge leur faisant croire à leur propre infaillabilité. Le socialisme contre le communisme. Deux mots vides, n'ayant de valeur que pour parti communiste, pas une seule vie n'avait d'importance. C'était le parti d'abord.

Un des moments les plus intense de la série se déroule comme suit:
Un scientifique appeler à aider à propos de l'incident, Legasov, plaide à un important officiel du KGB, Charkov, l'innocence d'une recherchiste arrêtée par eux. Quand Legasov demande à propos de la recherchiste, Charkov dit ne pas savoir qui elle est. Legasov lui dit qu'elle était suivie. Charkov pointe deux hommes au bout du corridor disant qu'eux, là-bas, le suivent aussi. Le KGB n'étant qu'un cercle d'imputabilité. Même dans le rangs du KGB. Rien d'anormal. Legasov demande qu'elle soit libérée. "En serez vous responsable?" demande Charkov. Legasov répond que oui. "Alors c'est réglé" dit Charkov. Quand Legasov répète son nom, Charkov lui dit  que ce n'était pas nécessaire de le mentionner, qu'il savait qui elle était. Ce qu'il avait au préalable nié.

Cet échange n'a pas vraiment eu lieu en vrai. Le Charkov du KGB est un composite de plusieurs personnes. Mais cette scène capture l'esprit du régime soviétique. À son plus mondain et à son plus dangereux. Tout le monde est redevable de tout le monde. Toute défiance publique, toute résistance, même un commentaire ou une réaction déplacée, pouvant entraîner de graves conséquences.
Mais dans un moment de catastrophe mondiale, de grand péril pour des millions de citoyens soviétiques et de tant d'autre en Suisse, en Asie ou ailleurs, personne n'était redevable de rien. Chaque bureaucrate et chaque travailleur répétant sans cesse le mantra du gris système autoritaire qui les avait formaté, J'ai fait mon travail. J'ai accompli mes tâches. Je n'ai rien fait de mal.

Dans cet environnement, le mensonge est une politique. Dans les heures qui ont suivi l'explosion et l'incendie qui a suivi, les autorité ont gardé secret le désastre nucléaire. Espérant qu'un satellite américain géant, dans l'espace, ne capterait pas l'immense nuage toxique du ciel.

Ce type de désillusion peut mener à l'extermination mondiale.

L'Union Soviétique est aujourd'hui disparue. La Russie reste une menace à la paix mondiale. Poutine est un loubard de deuxième zone comparé aux cools et brutaux maîtres qui l'ont formé et inspiré.

Chernobyl est un puissant portrait d'un système politique qui est mort malade, d'une mort beaucoup plus pacifique qu'elle ne le méritait probablement.

Le monde doit se féliciter de la chute de l'Union Soviétique. Mais doit aussi rester vigilant.

Un simple regard vers la Chine, tout aussi communiste, nous l'oblige.

La série vient de détrôner Game of Thrones dans la popularité mondiale.

Les Russes décrient, bien entendu.

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