mercredi 19 juin 2019

Le Jardin d'Alexandre

J'ai lu le second et le troisième roman d'Alexandre Jardin.

J'étais en secondaire 4, quand j'ai lu Le Zèbre et je commençais le CEGEP quand j'ai lu Fanfan. Je les ai lus, neufs.

J'ai aussi vu les deux films plus tard.

Dont le second était réalisé de sa main.

J'ai ensuite eu l'impression qu'il ne me parlait plus tellement. Qu'il visait les Femmes. Ce qui s'est avéré plus que vrai. Non seulement il leur parlait beaucoup et leur écrivait ce qu'elles voulaient lire. Il jouait toutes les bonnes notes de violons. Les accords souhaités. Tous les gens qui lisaient ses livres trouvaient son couple, ensuite, un peu plus plate. Les femmes surtout. Elles fermaient ses livres avec des papillons dans le ventre, des fleurs dans le coeur et des étoiles dans les yeux.

Mais c'est aussi ça un écrivain, un artiste. C'est un tricoteur de fantasmes.

Sauf qu'Alexandre, il a de l'ego. Il aime/aimait les feux de la rampe. Les follow-spots. Il aimait les micros. Il les aime tant qu'il s'est même lancé en politique en 2017, mais a plutôt fait patate. Comme dans le couple Snyder/Péladeau, la politique a creusé un ravin dans son couple et son mariage en est mort. Il a été plus que volontaire à brasser la bullshit.

Et par souci de franchise envers soi-même, de renaissance surtout, maintenant que son château de cartes s'écroule, il a signé un ultime roman "vérité": Le Roman Vrai d'Alexandre.

Mais est-ce un masque qui tombe, ou un masque qui se pose?

Dans Le Roman Vrai d'Alexandre, il passe aux aveux. Il avoue qu'il a menti depuis 30 ans sur à peu près tout. Sa famille, qu'il a appris à réinventer. Son grand-père, Jean, un moineau au gros ego lui aussi, qui était un collaborateur du régime de Vichy. Pas 100% sympathique à garder dans un CV familial. Mais là où les gens ont eu plus de mal à avaler la pilule est principalement dans tout ce qui n'était pas dans les livres. Dans le personnage Jardin qui se présentait en entrevue et qui racontait des bobards.  On regarde sur les 30 années passées et on se dit, "mais il s'est salement joué de nous, lui!".

C'est plus d'un mariage qu'il a perdu. Si on va lire les critiques de son livre "vrai" on remarque que sur 5 étoiles, on ne lui en donne en moyenne qu'une. Peut-être même sans avoir lu le livre (car ce sont les internautes qui cotent, là où j'ai regardé). On a noté par amertume. Comme si on avait été cocufié pendant 30 ans. On a été trompé, c'est certain. Il nous a mené en bateau. Plusieurs se sentent aujourd'hui largués au milieu de l'océan.

La semaine dernière, Jardin faisait la tournée des médias qu'il avait roulé dans la farine, année après année, et il a dit, le coeur sur la main, qu'il devait sauver sa peau, parce qu'une dépression de plus de 30 ans, ça use. Qu'il ne pouvait plus vivre du mensonge.

Ce qui reste drôle à cette époque où le mensonge est grandement banalisé.

Le hasard veut aussi que ses derniers livres se vendent aussi mal que les critiques sont mauvaises. Et que celui-là, avec la tapage médiatique qu'il impose, fait recette. Les gens veulent mesurer la hauteur de la manipulation dont ils ont été victimes. Ils veulent découvrir les mécanismes du manège dans lequel Jardin les as transportés sur plus de 30 ans.
Baveux marketing?
Nouvelle manipulation?

Écrire le "réel" n'est-il pas déjà le trahir?

J'avais un 35$ de carte cadeau à placer sur un produit culturel et j'ai flirté avec l'idée d'acheter le "vrai" Alexandre. Mais j'ai refusé d'embarquer dans son manège. Je ne le suis plus depuis 1993 alors, je ne vois pourquoi j'irais lire ses confessions. Le voyeur en moi n'est pas si assoiffé. Faudrait que j'aille lire L'Île des Gauchers, Le Zubial et Le Livre des Jardin ne serait-ce que pour me sentir dans le bon train. Et c'est là que je trouve que justement, le marketing nous demande deux/trois nouveaux achats potentiels pour que notre Jardin ancien, se conjugue au Jardin nouveau. Pas envie. Un jour peut-être. Mais à quoi bon mesurer le niveau de trahison que je lirai quelques livres plus loin? Iriez vous

Si je lis ce livre, ce sera parce que je voudrai lire un livre sur un homme nu.

J'ai plutôt réussi à conjuguer deux autres artistes que j'aime avec passion pour effacer ce 35$.
Les Rolling Stones et maître JLG.

Mais avec Alexandre maintenant, on tente de séparer le bon grain de l'ivraie.

Et plusieurs mesurent la pertinence de garder un tel amant sur sa table de chevet.

Alors que la planète se grise de mensonges, Alex boirait du vrai.

Peut-être.
Je lirai surement un jour.
Du nu, ça peut être touchant.

Aucun commentaire: