mardi 18 octobre 2016

Nayrus, Dallas & "Gin"

(à C.)

L'année était 2014.

Son vrai nom était Jean comme dans "Gin" mais elle se faisait appeler Nayrus.
Elle travaillait dans un café, mais son nom de plume était Nayrus.

Elle était désespérément en recherche de compagnie. Étant allé à l'université, elle était aussi lourdement endettée. Quand Carl lui a demandé un peu plus de sucre dans son café, elle a obtempéré, c'était aussi son métier. En tout cas, pour l'instant.

Carl s'est présenté à elle. Il était un important hommes d'affaires, divorcé, père d'une jeune fille qui aurait bientôt 18 ans, 7 ans de moins que "Gin", il voyageait fréquemment entre Londres et Hong Kong, les États-Unis et le Canada. Peu de temps lui restait pour les choses toute simples comme le divertissement. Anglophone comme elle, il lui avait tendu sa carte. Intimidée par les 30 ans qui semblaient les séparer, elle s'était présentée sous la fausse identité de Dallas.

Entre un voyage à Seattle et Manille, Carl prenait son café dans un simple quartier de Villeray, où se trouvait une jolie jeune femme qui lui tombait dans l'oeil. "Gin" se surprit à souvent penser à lui. Ses tempes grises qui lui inspirait la sagesse. Le regard et la démarche qui lui inspirait la confiance. Le corps, qui, malgré les 50 ans passés, semblait en très bonne forme. Cet homme était riche. Son café, elle, pauvres. Il ne reviendrait plus. Tout ce, à quoi elle pouvait se raccrocher était sa carte d'affaires. Il le la lui avait donnée en disant que si elle se cherchait un partenaire pour dîner moins seule, il se portait volontaire. Il avait pris le soin au préalable de demander à celle qu'il connaîtrait sous le nom de Dallas, si son regard à elle trahissait une solitude ou une simple fatigue. Elle avait aimé l'approche. "Solitude et fatigue" avait-elle répondu avec un sourire mou qui l'avait charmé.

Mais entre deux nuages, elle pensait à lui, carte d'affaires en main. Et pris son courage à deux mains afin de lui écrire un courriel invitant. Si il repassait par Montréal, elle voulait souper en sa compagnie. Au restaurant La Mer au Centre-Ville. Ce serait à la fois la réalisation de deux fantasmes pour Nayrus. Celui de fréquenter un sugar daddy et celui de manger dans un restaurant qu'elle ne pourrait jamais se payer. L'un étant la clé de l'autre.

Non seulement avait-il répondu par l'affirmative, mais il avait même détourné son agenda afin de passer par Montréal plus tôt que prévu. Dallas n'aima pas. Ça lui paru désespéré. Mais elle se rendit au resto avec lui. Et fût charmée par l'homme qu'elle découvrit. Des regards s'étaient posés sur leur table. Des regards posant la question "C'est sa fille ou son escorte?". Cette pensée donnait des chaleurs aux joues de Dallas.

Il était si riche qu'il avait offert de lui régler toutes ses dettes scolaires. Elle n'aimait pas l'idée d'être "achetée" ainsi, mais adora l'idée de ne plus avoir de dettes. Après tout, si la relation ne fonctionnait pas, elle y mettrait un terme, retournerait s'intéresser aux gars de 25 ans, mais au moins ses dettes scolaires seraient réglées.

Il régla ses comptes une semaine plus loin. Il était sérieux.
"L'argent n'est pas à prendre au sérieux" lui avait-il pourtant dit au souper.

Elle passa la nuit avec lui. Elle adora sa nuit. Dallas s'était sentie désirable et désirée. Ce qui lui arrivait souvent. Mais sa beauté naturelle de jeune fille de 25 ans semblait intimider la plupart des gens et elle devait bien souvent faire elle-même les premiers pas dans les contacts. Même avec Carl, elle avait été la première à le relancer.

En vidéo conférence avec Londres après une heure de sommeil cette première nuit, en direction de Hong Kong vers 15 heures, Carl avait été furtif. Dallas se découvrait une nouvelle vie. Elle s'en confessa par écrit. Nayrus était plus lyrique. Plus intellectuelle. Plus drôle aussi. Son humour avait-il transparu dans leur seule soirée en tête-à-tête?

"Gin" attendit de ses nouvelles. Ils se textèrent de temps à autre. Des banalités. Peu de promesses de sa part. Intoxiqué par son travail partout dans le monde. Loin ds yeux, loin du coeur.

Elle s'en émerveilla, mais se posa aussi des questions qu'elle s'en voulait de ne pas lui avoir posé au souper.  Pourquoi un café cheap de Villeray pour un homme de sa trempe? Pourquoi elle? alors qu'il avait les moyens de se payer les plus belles femmes du monde?"

Elle lui texta ses interrogations.

Il lui répondit que les plus belles femmes ne s'achètent pas.

N'est-ce pas un peu ce que tu as fait avec moi en réglant mes dettes scolaires?, lui a-t-elle texté.

Il ne lui texta plus.La bloqua. La filtra par tous les moyens.
Elle ne le reverrait plus jamais.
Le suivrait virtuellement un temps, mais se trouvant désespérée et bien que sans dettes, d'une qualité de vie pauvre, cessa de tenter de le suivre.

Dallas était morte. Jetée après usage.

Nayrus se remit à écrire. Sans passion. Vidée. Violée.

"Gin" a changé de travail.

Elle se fait maintenant appeler Cardinale à son nouveau travail.
Parce que ça contient le nom de "Carl". Car elle y pense encore.
Il l'habite encore. Quand il ne l'habitera plus elle se prendra un autre nom.

Le cardinal, c'était l'oiseau qui inspirait Nayrus.
Bien vivante, celle-là.
Mais froide comme un cadavre.

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