Chaque moitié du mois je vous entretiens d'un album que je juge humblement incontournable. Presque toujours tiré de ma collection personnelle.
Le titre en est inspiré par 4 albums qui font parti de mon ADN auditive:
par ordre de création:
"Blonde on Blonde" de Bob Dylan
"The Idiot" d'Iggy Pop
"Low" de David Bowie"
"The Unforgettable Fire" de U2.
B.I.B.I, c'est moi. C'est aussi la terminaison du mot habibi en dialecte iranien qui veut dire "je t'aime".
J'aime la musique, indispensable trame sonore de nos vies.
Il me semblait à propos de vous parler du dernier prix Nobel...de littérature
Il les aura encore tous déjoués.
1965.
Bob est épuisé. Il revient d'une tournée en Angleterre et veut quitter la chanson. Il a été chahuté. on a voulu diriger les sons qu'il l'animait, il est au bout du rouleau. Il se défoule et en une nuit intoxiquée, écrit ce qu'il qualifie 20 pages de vomi sur ce qu'il ressent. Il le synthétise par la suite en 4 couplets et un refrain et après deux sessions en studio à la mi-juin, il se produit au Newport Folk Festival. Comme il s'y produira électriquement, on le chahutera encore. On voulait du folk acoustique.
Bob prendra un mois pour écrire son 6ème album. Et il ne sera pas acoustique. Un seul morceau le sera. le dernier de l'album. Un morceau qui sera deux fois plus long que tous les autres. Vous vouliez de l'acoustique?: en vlà 11 minutes 21 secondes. Now get outta my face!
Du 29 juillet au 4 août en enregistre le tout et quand vient le moment de titre l'album, Bob doit se battre pour y coller le titre qu'il souhaite. Les producteurs n'en veulent pas au titre, mais trouvent qu'il honore un des moins bons morceaux du disque. Bob aura le dernier mot.
La photo de la pochette suggère un Dylan hostile prêt à se battre ou à se défendre. Un Dylan qui en a marre de la pression du métier. Il a 24 ans, son album est lancé le 30 août suivant. Grandit le géant.
Le Magazine Rolling Stones le placera au 3ème rang (derrière les Beatles et les Beach Boys) des meilleurs albums de tous les temps et la chanson Like a Rolling Stone au tout premier rang des meilleures chansons de tous les temps.
HIGHWAY 61 REVISITED de BOB DYLAN
L'album s'ouvre sur un coup de poing où Dylan semble être son propre caméo dans sa chanson. Dylan chante avec hargne et cynisme, s'adresse à Edie Sedgwick (Miss Lonely), Warhol (Napoleon in drags), à la communauté de ses fans qui lui réclament du folk acoustique, mais il s'adresse aussi à lui même, étant celui qui n'a plus de direction home. Le refrain est encore poignant de nos jours alors qu'au voulant je le hurle presque poing levé. Ce qu'une génération entière, et la plus nombreuse de l'histoire d'Amérique, avait alors envie de faire en 1965. Dylan révolutionne alors aussi dans la durée des chanson qui n'avaient jamais réellement dépassé plus de 3:20. Like a Rolling Stones en sera le double. Ce qui rendra sa diffusion sur les ondes radios plus rare, mais encore plus baveuse lorsque diffusée. Un chef d'oeuvre.
Le second morceau est dirigé par la guitare* de Mike Bloomfield du Paul Butterfield Band. Dylan y fait parader plusieurs personnages comme Bella Starr, Jack The Ripper, la tentatrice biblique Delilah, Jean le Baptiste et Ma Rainey partageant un sleeping bag avec Beethoven. Le roi des Philistins envoyant ses esclaves dans la jungle est une référence à Lyndon B. Johnson envoyant les soldats des États-Unis au Vietnam.
Le tout premier morceau enregistré en juin avait été celui-ci. Retravaillé en juillet, pendant une pause des musiciens, Dylan s'assoit au piano et retricote le morceau. En en ralentissant le tempo, il en faisant un morceau plus sensuel et plus tendre. Y plaçant des effluves de Brownie McGhee, Sonny Terry et Leroy Carr. L'harmonica est un son qui me transperce les pores de la peau et j'adore ce type d'acupuncture.
Dylan joue le morceau suivant de manière brutale s'inspirant de Sleepy John Estes. Robert Johnson, Charlie Patton et Big Joe Williams. Dylan nous convaint dans son talent d'écriture que mère nature nous donne naissance, de par sa nature de mère, mais nous invite aussi à prendre place au cimetière.
La face A est clôturée par une chanson composée parce qu'il en a assez de répondre à un tas de questions et qu'il a envie d'être simplement jugé par la manière dont il vit sa vie. Son regard sur l'incapacité des médias à comprendre son art et sa personne devient un blues fabuleux, un hymne où on est dégoûté du ringard et excité par le neuf, dans un bourgeon de contre-culture puisant pourtant dans le traditionnel blues des années 30. Fameux morceau. (Rien à voir avec ma famille)
La seconde face s'ouvre avec un sympathique morceau, moqueur, mais confortable, qui semble viser Joan Baez et le public folk qui la/les suit. L'harmonie entre les lignes de piano et l'harmonica sont exceptionnelles sur cette pièce.
Le Highway 61 relie Duluth, Minnesota, d'où est originaire Dylan, aux fameuses villes de blues du sud des États-Unis comme St-Louis, Memphis, New Orleans et la région du Delta Blues du Mississippi qui l'inspireront toute sa vie, encore et surtout aujourd'hui. Dylan insistait sur ce titre et sur le mot "revisited" car il souhaitait franchement que l'on repense le regard et l'oreille qu'on portait sur lui-même. Il commence la chanson avec "Oh God said to Abraham, kill me a son...", le père de Dylan se nommait Abraham. ce qui fait de Dylan, le fils à tuer par Dieu. Métaphore qui confirme qu'il veut une relecture de qui il est en tant qu'artiste. Son Highway est source de milliards de possibilités, même une troisième guerre mondiale!
La chanson suivante contient 6 couplets, mais pas de refrain. Dylan y raconte l'aventure d'un anti-héros, à Juarez, Mexico. en proie à un univers glauque croisé de putes, de saints, d'autorité hostile, de désespoir, d'alcool, drogues et nausées avant de revenir à New York. On y trouve des références à Under The Volcano de Malcolm Lowry, Edgar Allen Poe et Desolation Angels de Jack Kerouac.
Le titre du dernier morceau emprunte à la fois à Kerouac (Desolation angels) et à John Steinbeck (Cannery Row). On y croise une série de personnages Fellinien, d'Einstein à Néron , en passant par les personnages bibliques de Noé, Cain & Abel, les personnages Shakespeariens Ophélie & Roméo et des évocations de Ezra Pound et T.S. Eliott.
Auteur qu'il a aujourd'hui rejoint, parmi les lauréat du Prix Nobel de Littérature...
Pour amateur de blues, de rock, de poésie, de country, de slide guitar, de prose surréaliste et de subtilité politique et sociale.
*acoustique dans le lien, électrique sur disque
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