mardi 30 septembre 2014

Les Amants Malheureux Vieillissent en Un Jour

(À Fanny)

Elle est belle.

Belle comme un coeur.
Elle ressemble beaucoup à sa soeur*.
Elle a un bon travail payant.
Elle aime les enfants.

Ils s'étaient trouvés tous les deux, elle à l'aube de ses 40 ans,
lui, papa deux fois auparavant.

Elle travaille la nuit, son horaire n'est pas ce qu'il y a de plus standard.
Elle lui a fait de la place, chose rare.

Il lui a présenté ses deux mousses, elle a surmonté ses frousses.
Ça s'est bien passé, même si elle s'en est trouvée très fatiguée.

On ne passe pas d'une île à la ville sans quelques adaptations.
L'oiseau de nuit ne supporte pas tout de suite les rayons.

Mais ils s'aimaient, s'amusaient ensemble. Se désiraient.
Elle est belle, il est beau, ensemble ils vibraient.

La dynamique avait changée.
Ils réapprenaient à partager.
L'intimité, les activités, les corps.
Deux coeurs qui hibernaient sortaient maintenant dehors.

Trois mois plus tard, le doute était ailleurs,
On se magasinait un endroit commun.
On trouvait assez facilement.
Le futur ne pouvait qu'être meilleur.
Splendide infirmière aux yeux verts, joli travailleur aux yeux bruns,
La route serait, devait, serait, devait être sans heurts.

Le célibat aurait dû être au placard fermé à clef.
Une clef perdue à jamais.
Sa chandelle avait toujours une flamme, l'amoureuse était née.
On avait enfin séparé le bon grain de l'ivraie.

Mais chez lui, la chandelle est morte.
Il a fermé toute les portes.
Il a manqué d'essence de la passion.
Il lui a dit que eux...finalement, non.

...après avoir acheté la maison...

Il y a celui qui travaille le jour, et dort la nuit et sous le même toit,
il y aussi celle qui dort le jour, travaille la nuit et pleure entre les deux.
Le feu de sa chandelle lui a brûlé les doigts.
Les malheureux se consolent en trouvant plus malheureux qu'eux.
Elle ne trouve pas.
En tout cas pas tout de suite.
Au chapitre de leurs amour, se place un autre alinéa.
Un livre devenu plaquette, à peine construite.

Ce n'était pas les enfants, ce n'était pas leurs horaires.
Ce n'était ni à cause de demain, encore moins à cause d'hier.
Il n'y avait même pas des querelles pour justifier tout ça.
Un simple feu maintenant éteint.

À ses yeux à elle, ces derniers mois n'auront été que du rien.
Elle ne s'y fera plus reprendre à ce jeu microbien.
Elle pense à aimer et elle pleure.
Elle est belle, belle comme un coeur.
Mais son coeur est affreusement brisé.

Après s'être investie.
Elle est moralement anéantie.

Il est parti.
Avec sa vie.

Nous on t'aime encore Nini.
Mince consolation.
Tu avais l'harmonie.
Il t'auras manqué la chanson.


*mon amoureuse


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