dimanche 21 août 2011

John Cassavetes

John Cassavetes est né à New York d'un père Grec qui avait migré aux États-Unis à l'âge de 11 ans et d'une mère des États-Unis.

Très jeune et avec son frère, Cassavetes fréquente les salles de cinéma. Peu intéressé par les études supérieures, il choisit de faire partie du grand écran et s'inscrit à l'American Academy of Dramatic Arts de New York.
Le jeu de Cassavetes et les méthodes qu'il utilisera plus tard sont très imprégnées des méthodes de l'Actor's Studio de Lee Strasberg. À la fin de ses études, dans les années 50, il part en tournée sur Broadway et c'est là qu'il rencontre l'actrice Gena Rowlands qui deviendra son épouse en 1954. Ensemble ils auront trois enfants, Nick, Alexandra et Zoe qui seront tous réalisateurs de cinéma eux aussi.

La télévision est en plein essor et Cassavetes saute dans le milieu. Au début, il campe surtout des seconds rôles dans des émissions qui sont parfois des retransmissions en direct de pièce de théâtre, milieu avec lequel il est familier. Très rapidement on tombe dans "l'âge d'or de la télévision" et de vedettes comme Eli Wallach, Grace Kelly ou James Dean y trouvent leurs premiers rôles. Cassavetes apprend beaucoup de ce qui se passe derrière la caméra à cette époque.
Don Siegel le remarque et lui offre un rôle dans Crime in the Streets en 1955, puis il joue dans Edge of the City de Martin Ritt l'année suivante. De ses deux films il garde un expérience tellement vive qu'il veut maintenant passer derrière la caméra. Il a bien gagné quelques sous mais pour en faire davantage il fonde une école de théâtre. En faisant des ateliers d'improvisations à cet atelier il trouve l'idée qui deviendra son premier film, Shadows.

Tout à fait dans l'esprit de la nouvelle-vague en France, le film est majoritairement improvisé. Charles Mingus en fait une trame sonore comme Miles Davis avait fait pour Louis Malle en regardant les rushs du film et en improvisant en direct. Cassavetes tourne cette histoire de jeunes new yorkais de la classe moyenne sur fonds de tensions raciales avec de l'argent gratté à gauche et à droite. Interviewé à la radio il demande l'aumône. Le tournage durera 4 mois.  L'impulsion de départ devient un état d'esprit, la spontanéité est la ligne directrice du film. Un état d'esprit, voilà ce que Cassavetes tentera de filmer toute sa vie. Et toujours avec impulsivité. Voilà où je me reconnais tout de suite. Al Ruban n'a pas la moindre expérience comme caméraman mais il sera du service technique pour partiquement tout les films de Cassavetes à venir. Seymour Cassel est improvisé homme à tout faire et sera aussi distributeur du film (et plus tard acteur). Ce sont des étudiants du cinéma et de la vie qui gravitent autour du film qui sortira fin 1958 à New York. Cassavetes trouve la première représentation si catastrophique qu'il reprend le film et en 10 jours tourne de nouvelles scènes, refait le montage visuel et relance le film en salle. Il s'endette dans le processus et accepte "simplement pour se refaire un portefeuille" le rôle du detective Johnny Staccato dans la série télé du même nom. Il déteste mais doit le faire ne serais-ce qu'en prévision de son fils qui naitra bientôt. Il réalise lui-même cinq épisodes et contribue à l'écriture de plusieurs des scénarios.
Grâce au travail de l'improvisé distributeur Seymour Cassel, envoyé en mission en Europe pour vendre le film, Shadows est d'abord projeté au National Film Theater de Londres, puis à la Cinémathèque française, et remporte le prix de la critique Pasinetti au Festival de Venise en 1960. Il trouve finalement un distributeur britannique, la Lion International Films (également distributeur de The Third Man de Carol Reed), qui va lui permettre d'être exploité internationalement.

Son succès outre mer intéresse Hollywood qui lui offre la réalisation de deux films. Nouvellement installé à Beverly Hills, le premier film reprend la thématique du jazz, de la communauté et de la place de l'individu en son sein. Le succès n'est pas au rendez-vous. Cassavetes est déçu.

Il tourne deux épisodes de série pour la télé dans le cadre du Lloyd Bridges Show dont l'un gagnera un Peabody Award.
Le second film est une horreur. Il traite de l'autisme. Après voir recherché son sujet, Cassavetes veut présenter les autistes comme des enfants normaux vivant dans l'ostracisme du regard que la société porte sur eux tandis que le producteur, Stanley Kramer, veut plutôt souligner cette différence exclusivement du point de vue de la société et des efforts qu'elle investit au travers des instituts pour les ramener à elle. Le conflit est si total que Cassavetes frappe un mur et ne le termine pas. Il le renie. Il déteste tant Hollywood qu'il reviendra sur cette haine plus tard en tant que sujet principal de l'un de ses films.

Il décide de définitivement s'affranchir du système pour produire ses propres réalisations. Fermement résolu à ne plus faire appel à des capitaux qui pourraient nuire à sa liberté de création, John Cassavetes décide de produire lui-même ses films comme l’avait été Shadows. Ils seront tournés dans la maison familiale, ou celle de ses parents ou de proches. Les acteurs seront des amis, des membres de la famille ou des amateurs. Après quelques engagements comme comédien, John Cassavetes réunit assez d’argent pour réaliser Faces.

Le film est d'abord une pièce de théâtre de Cassavetes écrite en 1964 qu'il retouche pour en faire un film de 250 pages de textes. Tout est écrit mais les comédiens peuvent jouer autour du texte.  Le film suit la dérive d'un couple d'âge mûr en panne dans leur aventure extraconjugale. Superbe direction d'acteurs. La durée des prises de vues elle-même se met au diapason des interprètes. C'est un très bon film. Le montage durera 3 ans et sera fait à même la maison de Cassavetes/Rowlands. Tout est à ses frais. Il prend tout ce qu'on lui offre à la télé afin de payer les coûts de production de Faces.
Il joue dans Rosemary's Baby mais Polanski le détestera car Cassavetes n'en fait qu'à sa tête et méprise le film. Un an plus tôt il a beaucoup de succès comme comédien dans The Dirty Dozen de Robert Aldrich qui lui vaudra une nomination aux Golden Globes et une autre aux Oscars.
Faces est lancé en 1968 et est aussitôt selectionné à la Mostra de Venise dans les catégories meilleur film et meilleure inteprétation masculine (pour John Marley, récompense qu'il gagnera). Le film est aussi en nomination trois fois aux Oscars ce qui soulève l'ire de la Guilde des Acteurs d'Hollywood, avec à sa tête le déjà ridicule Charlton Heston, puisque le film n'est jamais passé par leur aval, autofinancé, produit et distribué indépendamment. Heston réclamera une cotisation de la part des acteurs du film, cotisation qu'il n'aura bien entendu, jamais.

Le film suivant sera financé par un mécène italien, Bino Cirogna, qui admire le travail de Cassavetes. Ce dernier en fait la connaissance sur le tournage des Untouchables de Giuliano Montaldo à Rome. Le tournage aura lieu à Londres et mettera en vedette trois amis qui le deviendront pour vrai dans la vie. Peter Falk, Ben Gazzara et Cassavetes lui-même. Husbands raconte l'histoire de trois pères de famille partant faire une escapade dans la capitale britannique à la mort de l'un de leurs proches. Un autre merveilleux film à mon humble avis.
Le succès de Cassavetes en reste un succès d'estime et le milieu le craint autant qu'il le respecte. Cassavetes est têtu, frondeur et accepte peu les compromis. Il refait entièrement le montage de Husbands quand Columbia décide de le distribuer. Le film devient un succès de cinémathèque au grand dam de Columbia Pictures.
Le film suivant sera une comédie sur les raisons qui conduisent un homme et une femme au mariage dans l'Amérique contemporaine. Minnie & Moskowitz met en vedette l'ami Seymour Cassel et la femme de Cassavetes, Gena Rowlands. Cette histoire d'amour entre deux individus qui envisagent de se marier sur le tard  met aussi en vedette la mère de Gena Rowlands et la mère de John Cassavetes, dans les rôles respectifs de... la mère de Gena Rowlands et celle de Seymour Cassel (à 1:40 dans le lien). Universal accepte de distribuer et laisse carte blanche à Cassavetes. Le film est un petit succès et fait tout juste ses frais.

Cassavetes et Rowlands hypothèquent leur maison pour le tournage de leur prochain film. A Woman Under The Influence est exigeant pour Gena Rowlands et pour le couple. Cette histoire de femme névrosée en chute libre mentalement est ardue. Peter Falk y est brillant mais Rowlands y est encore plus lumineuse. Le film est tourné en 1971, se termine en 1972 et ne sera distribué qu'en 1974, Cassavetes se transformant en control freak par rapport à sa distribution. Il est convaincu d'avoir entre les mains quelque chose de sacré et il a raison.
Le film est un succès commercial, il remporte plusieurs prix, la performance de Gene Rowlands tout particulièrement qui se mérite un Golden Globe et une nomination aux Oscars.

Cassavetes tourne en 1976 avec Gazzara The Killing Of A Chinese Bookie. Une allégorie sur sa haine de Hollywood et sur son éternel combat afin d'avoir le champs libre quand à sa création. Hollywood lui rend bien cette haine, le film, quioque très bon, est un four commercial. Grace à l'Europe qui le reçoit très bien, le film fera ses frais.

L'année suivante Cassavetes tourne Opening Night avec Gazzara et Rowlands. Bien que la performance de Rowlands soit saluée par un Ours d'argent à Berlin, le film, auto-produit, est un échec financier.

Ayant maintenant besoin d'argent, Cassavetes accepte d'écrire sur commande pour la MGM et de tourner (avec Rowlands) le film (atypique pour Cassavetes) Gloria. Le film est un "accident" aux dires de Cassavetes voilà pourquoi il est un énorme succès. Il remporte le Lion d'Or à La Mostra de Venise.

Cassavetes fait ensuite un retour au théâtre. Il dirige son fils sur scène en 1981 dans East/West Games puis écrit un segment de trilogie qu'il dirige aussi, Knives avec Peter Falk. Il dirige The Third Day Comes de Ted Allan mettant à nouveau son fils en vedette et sa femme Gena Rowlands puis Love Streams toujours de Ted Allan avec Rownlands et John Voight.

Il reprendra cette dernière pièce pour en faire son dernier (vrai) film se plaçant lui-même dans le rôle que tenait John Voight et toujours avec Rowlands, fidèle au poste.

Le film réunit pratiquement tous ses thèmes favoris et fait la somme de l'oeuvre Cassavetes. Il parle d'isolement affectif, d'éxutoire dans la fête, de faillite conjugale. Cassavetes boit beaucoup et la cirrhose le gagne. Il est à cette époque très malade.
C'est malade qu'il prend le relais d'Andrew Bergman (à la demande de Peter Falk) pour compléter le tournage du très moyen Big Trouble en 1985.

Deux ans plus tard il dirige sur scène une pièce qu'il avait écrite et voulait tourner en film mais que son entourage lui a forcé à faire au théâtre afin de moins se fatiguer. Il écrit She's So Lovely en 1987 pour Sean Penn mais le film ne sera finalement tourné par son fils Nick (toujours avec Sean Penn)qu'en 1997.

La veille de mon 17ème anniversaire en 1989, sa cirrhose a raison de lui. Il avait 59 ans.

J'ai tenté d'acheter un coffret contenant Shadows, Faces, Minnie & Moskowitz, The Killing of a Chinese Bookie, Opening Night et Love Streams sur Ebay. Le prix était trop beau pour être vrai. Il y avait erreur sur le site et pour me dédommager de ma déception, on m'a envoyé une bête pièce de monnaie d'Asie supposément rare qui a aussitôt pris le chemin de l'égoût.

Me suis quand même acheté Husbands.
Et cet homme, qui me ressemble en bien des points, m'a laissé de trop sérieuses images dans la tête pour que je ne mette pas la main dessus un jour.
Faces, The Killing... et Shadows au minimum.
Parole de tête de mûle.

Merci la vie pour Cassavetes.

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