Depuis Noël, j'ai un inséparable à mes côtés. Dans mes oreilles. Maintenant partout dans mon épiderme.
L'album The Suburbs de la formation Arcade Fire est indécrottablement pris dans le lecteur de cd de ma voiture.
Pas que mécaniquement il soit indélogeable, il est juste reçu par ma personne de manière si agréable qu'il m'est impossible de le sortir de ma voiture, j'ai besoin des sons de The Suburbs(la banlieue).
J'avais beaucoup aimé le premier album d'Arcade Fire. L'effet de nouveauté, les crecendos, un album riche en nouvelles tapisseries sonores.
Le second album n'était pas mal non plus. Mon maitre Bowie avait sacré le septuor montréalais comme son groupe préféré, l'album avait été enregistré dans une église, on sentait la forte influence de l'americana, de la spiritualité à la dérive (quelqu'uns des membres sont des anciens étudiants en théologie), il y avait traces de John Kennedy Toole dans le titre de l'album, le groupe atteignait une certaine unanimité chez les critiques. Un spectacle mémorable commencé dans un petit endroit (en Europe?) et qui se terminait dans la rue parmi la foule ainsi qu'une série de vidéos expérimentaux formait le culte autour du band.
Un culte hâtif à mon avis. Ça m'avait agacé. Il devenait de bon ton d'aimer Arcade Fire. Tendance. En les voyant en spectacle, un soir de fête des mères où Win Butler s'en était pris à un spectateur qui insistait pour avoir une baguette du joueur de batterie ("pour la vendre sur Ebay?"), en voyant Régine Chassagne faire des entrevues largement autosuffisante, en apprenant que le band avait refusé de faire la première partie de U2 jugeant qu'ils avaient mieux à faire, je les avais légèrement laissé tomber.
Je les trouvaient un peu "affectés". L'image publique venait ternir l'intimité de mon oreille (C'est con, je sais).
Leur album n'était pas mal mais musicalement dans trop de directions différentes. Comme les deux derniers albums de Bowie justement. Pas mauvais, pas mauvais du tout même mais comme si chaque chanson avait été composée par quelqu'un de différent.
TOUTEFOIS
Le manque d'homogéneité (à mes oreilles) de cet album allait être largement compensé par la suite sur The Suburbs.
Généralement je sépare les chansons et je mélange tout ça sur mon ipod avec les chansons plus anciennes d'un même band/artiste mais voilà un album qu'il vaille plutôt la peine de savourer dans sa totale intégralité. Un album auquel on ne rendrait pas justice en ne l'écoutant pas au complet, et pas dans l'ordre.
Inspiré par une photo de 2008 d'un ami d'enfance qu'il avait reçu, Butler, accompagné de sa moitié Chassagne, a revisité la banlieue de sa jeunesse au Texas, dans les Woodlands, pour tricoter la matière qui allait devenir le somptueux album The Suburbs.
Le premier extrait est la pièce-titre qui nous invite à la banlieue. Une banlieue qui sera présente tout au long de cet album dont les chansons n'offrent pratiquement aucune coupure d'une piece à l'autre, laissant trainer une note qui glissera dans le morceau suivant. Accompagné d'un clip de Spike Jonze(scénarisé par les enfants eux-mêmes) l'album commence ce qui pourrait être un long week-end de banlieue.
Dès la chanson suivante, on sent le déchirement adolescent, l'énergie grouillante de la jeunesse, prête à quelque chose. "I would rather be wrong than living in the shadows of your songs"" .
Le troisième morceau, comme la plupart des morceaux d'ailleurs, impose un effet de magic hour. Vous savez quand le soleil est à mi-chemin entre le ciel et le derrière d'une montagne, quand il laisse planer des ombres sur la ville. L'ombre ici d'un homme moderne dans une banlieue et qui aspire à plus grand.
Le style rococo est un style qui inspire les teintes de bourgogne, de brun, de beige, comme le tapis qui couvrait le sol (et les murs!) de notre sous-sol de banlieue en 1982. Rococo est aussi le titre du 4ème morceau. Un morceau dont les arrangements sont plus intéressants que le refrain. Enchaine tout de suite après avec frénésie, Empty Room, où Régine nous offre un peu de son talent vocal. L'amour un samedi soir. Les quatres dernières lignes "Toute ma vie est avec toi" sont comme l'écho du désir de rencontres entre deux êtres séparés par l'espace temps. (Chassagne et Butler, adolescents dans leurs banlieues respectives dans les années 80-90). City With No Children, chantée par Butler sur in riff Keith Richardesque, répond à ce morceau comme un constat d'abandon de la banlieue de la part de la jeunesse. (Où serais-ce l'inverse?...)
La chanson suivante est somptueuse. Elle met en vedette principalement la voix de Chassagne. Cette demie-lumière confirme le côté "magic hour" de l'album. Échos d'océan dans un coquillage sur fond de claviers rappelant The Clash. L'apport des voix masculines de la fin provoque un très bel effet. La seconde partie de cette chanson est principalement appuyée par la voix de Win Butler qui nous chante la mort du village de son enfance. La mort d'une partie de lui-même.
Les premiers accords de la chanson suivante rappellent vaguement Scorpions. 1984. Still Loving You. Mais outre deux-trois notes, la comparaison s'arrête là. Butler nous chante la distance entre l'enfant qu'il fût à l'époque dans cette banlieue et l'adulte qu'il est devenu ailleurs. "All my old friends, they don't know me now".
Month of May est un vrai tonique, une ouverture sur demain tout en restant un regard sur hier. Avec un parfum de musique des années 80.
Les deux chansons suivantes sont de loin mes préférées. Une délicieuse harmonie, presque country, avec un léger support de voix féminines qui vient épauler les heures perdues de Butler et compagnie dans leur banlieue d'antan. Tout de suite après, évocation du superordinateur Deep Blue qui a battu Garry Kasparov aux échecs en 1997. Encore une fois des arrangements fort appréciables, de piano cette fois, qui donnent une texture d'une belle richesse, un magic hour de fin de dimanche après-midi.
We Used to Wait tente aussi de rattraper quelque chose du passé. "I'm gonna write a letter to my true love and sign my name".
On tombe ensuite dans deux chansons chantées avec beaucoup d'émotions narrant les impressions senties, lorsque revenu sur les lieux de sa jeunesse. La première chantée par Butler presque douloureusement, la seconde chantée de mainière plus lumineuse* par Chassagne. On semble assister en sons aux moments où Butler et Chassagne, un couple à la ville, se sont unis.
On ferme l'album sur les reminescences de la chanson d'ouverture pendant 1 minute 27 secondes.
"If I could have it back, all the time that we wasted, I'd wasted it again"
La plus belle ligne d'un album qui trouve beaucoup d'écho chez un enfant de la banlieue, noyé dans le 450.
*:Même si elle y chante "I need the darkness, someone please cut the lights!" (elle doit parler de Butler, beaucoup plus sombre)
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