Tous les dimanches de 10h à midi depuis peu, notre club Pee-Wee a accès à un gymnase gratuitement dans une école secondaire afin qu'on y joue au hockey cosom.
Ce dimanche matin-là, j'avais honoré la veille au soir le sixième blanchissage de la saison de Carey Price en enchaînant, Pepskhy, gin tonics et bonnes bières fraîches. Le cheveu fou, la barbe longue, l'oeil vitreux du crapaud, j'ai laissé les jeunes jouer un peu dans le gymnase avec les deux autres entraineurs et je me suis éclipsé un instant.
C'est qu'avec le cocktail de la veille, l'heure matinale, la relative urgence avec laquelle Monkee et moi avions quitté la maison, je n'avais pas fais tous les entretiens nécéssaires sur mon corps et mes intestins m'ordonnaient une vidange.
Le gymnase se trouvait plutôt loin des toilettes. Il fallait descendre des escaliers, marcher un long corridor, prendre un racoin où un comique avait écrit "pot area" sur le mur, passer un gardien de sécurité qui regardait de la porn sur le net et tourner vers la gauche où oui, deux toilettes, une pour chaque sexe, s'y trouvaient.
Au trône, je réfléchissais. Il est toujours intéressant de marcher dans le silence, là où il y a tant de bruits habituellement. C'est comme marcher le champs de bataille avant la guerre. En marchant les corridors de cette école secondaire désertée, j'avais imaginé toute l'agitation qui y grouille assurément en semaine, toutes les jongleries sociales afin de faire sa place parmi les autres. J'ai toujours vu la chose de cette manière et j'ai encore beaucoup de difficulté à me débarrasser de cette vision mais selon moi la vie se dessine au secondaire.
C'est, encore plus vrai aujourd'hui que quand j'avais cet âge, probablement la période charnière la plus déterminante d'une vie. Les relations, les impacts sur les autres, l'impact des autres sur nous, les outils de liberté, ses contraires, les échecs, les succès, les découvertes, les amours, les rôles sociaux que l'on a au secondaire reflètent souvent beaucoup l'adulte que nous serons plus tard.
Pas toujours bien sûr. Mais souvent.
Je pensais à Monkee qui se donnait au hockey un étage plus haut et qui allait affronter ce nouveau monde qui s'ouvrira à lui l'an prochain. Je m'inquiète un peu de son intensité quand il ne reçoit pas la passe qu'il espère reçevoir devant le but. Qu'est-ce que ce sera quand ce sera une blessure réèlle du secondaire?
Je n'avais pas terminé mon nettoyage cérébral (et interne) que le silence de l'école devenait vacarme. Une porte du corridor faisait un bruit d'enfer et une bonne douzaines de voix féminines jacassaient.
"Heille! pourquoi tu me fais ça?"
"Pfff! Tu t'es pas vue!"
"Oh c'tu toi qui a fait ça?"
"Non c'est Cindy tantôt qui a tiré dessus"
"Quand t'étais dans les buts?"
"Non dans l'exercice de Michel"
"Ah lui! c't'ais quoi son rapport du..."
Une équipe sportive de filles qui terminait une pratique. L'équipe de handball de l'école secondaire selon ce que je comprenais de leurs conversations. Si la moitié du groupe est allé à la toilette des filles, l'autre moitié, probablement habituée d'avoir le lieu à elle toute seule est entrée très librement dans la toilette des garçons. Au moins 6 à 7 filles (D'après les voix) sont entrées dans la toilette des garçons où je me cachais pour faire mon travail dans une cabine du milieu. Quelques-unes ont fait couler l'eau pour se laver les mains, d'autres sont entrées dans les cabines voisines à la mienne. Deux-trois filles se sont livrées à un sport que seules les filles sont capables de faire, soit se jaser d'une toilette à l'autre...
...avec moi au milieu...
"Amélie c'est quoi donc le nom de la blonde du prince William?"
"Sa femme?"
"Non sont pas mariés encore!"
"ben oui"
"ben non"
"Non!"
"Anyway la fille là, c'est quoi donc son nom?"
"Je me souviens pas...Camille?..."
"Non..."
"Eille Marie-So c'est toi qui pues de même?"
"Non je fais pipi! c'est Amélie!"
"Laisse-faire j't'en train de mourir c'est toi Catou!"
J'ai choisi ce moment pour tirer la chasse et quitter ma cabine.
Quatre filles se jouaient sur la tête devant le miroir. L'une d'elles se faisait une tresse tandis que les autres se jouaient dans la face ou les cheveux. Elles m'ont toutes deux regardés sans se retourner, par le miroir. Si j'avais été flambant nu j'aurais eu droit au même type de regard de leur part.
"Kate Middleton" ai-je dis en me lavant les mains.
"Quoi?" a répondu celle qui se faisait une tresse et sur laquelle j'avais posé les yeux. Les autres ont cessé leurs mouvements et se sont imobilisées comme si je pointais un fusil. (J'avais quand même remonté mon pantalon)
"C'est Kate Middleton la blonde de William" ai-je précisé. Elle ne semblait pas comprendre mais il est vrai aussi que ce n'était ni elle, ni celles à ses côtés qui en parlait mais les trois pisseuses qui étaient dans les cabines. Comme si ma voix avait eu l'impact d'un surveillant surprenant un dortoir agité les trois pisseuses étaient, elles aussi, dans un silence de moine.
Comme le silence était lourd je me suis senti obligé de le couper avec quelque chose de pertinent.
"C'est moi qui pue"
(...)
C'est tout ce que j'ai trouvé à dire.
Si il faut avoir honte d'être en santé.
Je n'allais quand même pas m'excuser pour mon parfum supposé intime et secret.
(maintenant public grâce à vos yeux indiscrets)
Pfff!
C'est un coup de tonnerre de rire que j'ai entendu derrière moi quand je marchais au loin de retour vers le gymnase.
Jamais pensé qu'un ancien joueur des Bruins de Boston m'aiderait à trouver le nom d'une princesse un jour.
Pour douze jeunes filles je suis "le gars qui pue".
Note: Ne plus allez à la toilette vers 10h30 un dimanche à l'École Leblanc.
J'ai fini de dégriser en regardant de la porn sur le net avec le gardien de sécurité.
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