jeudi 21 mars 2024

Déserts

"It takes a man to suffer ignorance and smile..."

Revenu de Vegas, je termine me première semaine de retour au travail.

Vegas a été...étrange. Troublant. Ça m'a rendu seul. Ensemble.

Je vous ai parlé de l'amoureux de l'amie de ma conjointe (PL). Il cochait toutes les cases de l'ignorance affirmée. S'abreuvant comme sources d'informations à Fox, la radio poubelle CHOI FM de la région de Québec et même Rebel News. Fucking Rebel News ! Je n'invente rien ! J'avais un spécimen de désinformations en chair et en os avec moi. J'en voyais tous les mécanismes mentaux. Un guide du Grand Canyon nous disait en route qu'il ne fallait absolument pas, nous touristes, se sentir obligés d'aller manger au In & Out Burger, chaine de restauration rapide à la qualité alimentaire lourde et à l'éthique douteuse, qui fait la honte des résidants de Vegas comme lui. 

Il a dit ça en anglais au micro. Notre partenaire de voyage, oubliant peut-être que je suis 200% bilingue, nous as traduit que le guide nous avait suggéré d'y aller. 

Notre partenaire de voyage, appelons-le Pahalléhalékol Longtan (PL) nous a traduit le contraire de ce que le guide nous avait dit parce qu'au tout premier jour ensemble, à Vegas, PL nous avait fièrement guidé lui-même à ce resto comme premier repas. Fier de nous montrer un resto qu'il aimait bien, lui. 

Les ignorants ajustent le narratif à leur lubies.

Ce que nous disait le guide du Grand Canyon remettait en doute la décision de PL au premier jour de notre séjour. PL a donc ajusté les infos à ce qu'il avait envie d'entendre. Il était si mentalement égaré et si perpétuellement à contredire qu'il devenait difficile, plus la semaine avançait, de trouver des sujets de conversations avec lui. Sa blonde et la mienne se connaissent depuis près de 40 ans, elles savaient se jaser. Je lui jasais aussi beaucoup à elle. Mais lui et moi, on se connaissait de manière assez sporadique sur plus de 30 ans. Et comme le couple est plutôt "genré", les conversations entre "mâles" étaient souhaitées de sa part. Je le voyais bien.  

Il a bien tenté d'attirer mon attention sur des voitures qui l'épataient mais je suis le pire public au monde pour ce type de choses. Je ne m'intéresse aucunement aux voitures. Ne sait jamais comment réagir face à quelqu'un qui est fasciné par une voiture et surtout incapable d'en parler. Même pas de ma propre voiture. Une Volks Jetta 2019, je ne sais pas quel modèle, mais noire. Mon amoureuse n'est pas plus intéressée par les bagnoles mais déjà meilleure, son frère travaille pour Airbus et est un carbuff. Ma fille encore plus, son chum bosse dans l'univers. Moi ? m'en christ ! Devant mon absence d'intérêt, PL pointait donc sa fascination vers sa blonde à lui chaque fois, blonde qui ne semblait pas s'y intéresser non plus. Cette fois c'était lui qui devait se sentir bien seul de prendre une photo de voiture stationnée dans la rue, sans un seul mot de ma part.

J'ai regretté de ne pas l'avoir confronté davantage, mais d'un autre côté, dans quel climat aurions nous passé la semaine si j'avais passé mon temps à lui remettre sur le nez ses idioties?  Des fois ça se faisait tout seul. Comme quand il a passé un commentaire désobligeant sur un homme habillé en femmes. "As tu peur d'eux, PL?" ai-je échappé. Ce à quoi il m'a répondu "non mais qu'ils n'approchent pas de mes enfants !" a-t-il tiré de son désert mental. "Ils ne sont pas intéressés par les enfants, PL, ce sont plutôt beaucoup de parents qu'il faudrait éduquer sur les trans et la communauté LGBTQ+" Il a alors fait froid dans le casino.

Quand j'ai beaucoup ri, en lisant quelque part sur les réseaux sociaux, que Stephan pas de "E" Bureau était le version "wish" de Tucker Carlson, j'ai vu PL rougir de frustration contenue. Il a tout de suite enchainé en me demandant si j'avais vu "l'entrevue" avec Putin. Je lui ai sagement expliqué que c'était pas une entrevue de Tucker Carlson, mais bien un monologue de Putin récitant une réécriture de l'histoire à une lune éteinte. Aux astres faibles.


PL doit être le seul au monde à croire au 88% de votes en faveur de Putin aux élections truquées de cette semaine, en Russie. 

Je gardais un peu trop tout ça dans ma tête comme souvenir de Vegas. Vegas c'était aussi bien d'autres choses. Des choses que je viderai peu à peu d'ici l'été, ici, surement. 

Une solitude, ça ne peut que finir par s'accompagner de quelqu'un ou de quelque chose à un certain moment.

J'ai marché jusqu'à l'épicerie afin d'à la fois brûler quelques calories, acheter un oignon blanc, devenu aussi rare que du jugement chez Guillaume Lemay-Thivierge, à la fois pour m'aérer les esprits. 

Écoutant une savoureuse liste de lecture de la musique de George Harrison, 

J'ai trouvé un oignon blanc, un seul. C'était jour de chance. Harrison me plongeait dans la beauté. Give Me Love (Give Me Peace On Earth) est un bijou pour mes oreilles. J'étais très investi dans ce qui jouait dans mes oreilles. Je suis passé à la caisse rapide où on y avait installée la plus jolie des caissières. Attendri des yeux, et mou du cerveau, j'ai, sans trop le réaliser tout de suite, chanté droit dans ses yeux,  ce qui jouait dans mes oreilles et sur le même ton. Imitant Roy Orbison à la triste perfection pour ma dignité.

"I am so tired of being lonely, I still have some love to give, won't you show me that you really care ?

Elle a naturellement paru surprise. J'étais ailleurs dans ma tête. Je dérivais. 

Derrière nous, trois jeunes emballeurs qui connaissaient la suite. En choeur, ils ont chanté se dandinant de gauche à droite:

"Everybody's got somebody, to leaaaaaaaaaaan on! Put your body next to mine, and dreeeeeeeam on!"

O.k. tout ça devenait aussi inconfortable qu'un déserté mental disant "De quel planète ça venait ça ?" en croisant un(e) non genré. 

Qu'est-ce que ça peut ben vous faire de les voir vivre autrement que vous ? J'ai couru vers la sortie comme on devrait tous le faire quand les mots Justin Trudeau sont dans la bouche de Pierre Poilièvre. Je pleurais parce que j'avais un oignon dans les mains, pas parce que je venais de chanter devant tout le monde. On m'avait même accompagné comme un Wilbury!   

PL, c'est la fière ignorance que je ne voudrai plus fréquenter que sous la contrainte. Mais qui sera d'ici quelques mois peut-être partout. Et que je fuirai de toutes jambes. 

Vegas nous as séparés, PL et moi. Je le laisse à Eric Duhaime. 

Je reviens de Vegas comme endeuillé. Mais les ampoules encore allumées quand même. 

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