lundi 24 février 2020

À La Recherche Du Temps Perdu*****************La Succession de Jean-Paul Dubois

Chaque mois, comme je le fais pour la musique (vers le milieu) et tout comme je le fais pour le cinéma (dans les dix premiers jours), dans les dix derniers jours, je vous parle de l'une de mes trois grandes passions: la littérature.

Lire, c'est un peu beaucoup mon travail de traducteur. Je le fais tout le temps sans toujours m'en rendre compte. Ce n'est, pour moi, pas 100% travailler. C'est un troisième poumon.

Lire c'est s'ouvrir de nouveaux horizons, explorer de nouveaux mondes, de nouveaux univers, voyager. C'est apprendre, se confronter à de nouvelles visions. Comprendre. Son contraire. Mettre acquis en danger.

Lire c'est réapprendre à respirer. Et respirer, c'est vivre,

LA SUCCESSION de JEAN-PAUL DUBOIS

JPD a écrit pour Le Nouvel Observateur une série d'article sur l'Amérique qu'il a réunit au final dans un recueil appelé "L'Amérique M'inquiète". Ça en fait aussi l'un des auteurs Français (il est de Toulouse) au style des plus américains qui soit. Sa conjointe étant Montréalaise, quelques unes des intrigues de ses livres placent l'action chez nous.

C'est Kennedy & Moi, ensuite adapté en film, qui me l'avait fait découvrir avec bonheur. Deux autres des ses livres ont aussi été adaptés au cinéma tellement ses narrations s'y prêtent. Le Cas Sneijder (qui a un lien Québécois) est devenu La Nouvelle Vie de Paul Snejder et Si Ce Livre Pouvait Me Rapprocher de Toi est devenu Le Fils de Jean sur grand écran.

Certaines thèmes reviennent perpétuellement dans ses livres.

-Les prénoms de Paul ou Anna.
-La tondeuse à gazon qui serait une de ses douces perversions.
-Le rugby, le sport étant un sujet sur lequel il a longtemps écrit.
-Les accidents maritimes ou d'avion. Les accidents en général.
-Les voitures
-Le dentiste, toujours méprisé, méprisant.
-L'amour et le sexe, mais ça, n'est-ce pas tout simplement la vie?

Il est à la fois drôle, précis, rendant des scènes ou des situations drôle dans la tragédie, rendant le triste cocasse. Il est un croisement entre John Updike, John Fante, Emmanuel Bove, Cormac McCarthy, Charles Bukowski et Jim Harrisson. Tous des auteurs qui me plaisent beaucoup. Très difficile alors de ne pas y trouver mon compte dans son oeuvre.

Ses deux citations préférées, et parfois répétées telles quelles dans ses livres sont de Sartre et Günther Anders.

"Tout homme, fait de tous les hommes et qui les vaut tous et que vaut n'importe qui" qui sont les derniers mots du livre Les Mots de Jean-Paul Sartre.
et
"L'Homme est plus petit que lui-même" d'Anders,

Le parfois très poétique et élégant Dubois s'accorde le droit à la paresse, au bonheur et à la dépression.

Ça tombe bien, moi aussi.

Dans son 21ème roman, son 22ème lui valant le précieux Goncourt, Dubois nous livre une histoire bouleversante où l'évocation nostalgique du bonheur se fond à la tristesse de la perte. On y retrouve toute son élégance, son goût pour les situations absurdes et la liste presqu'entière de ses obssessions.

Paul (encore) vit à Miami et est inadapté au monde qui l'entoure. Athlète de Jaï-alaï, variante de la pelote Basque, il apprend la mort de son père. Il est alors forcé de revisiter le passé familial. Il y découvre de nouvelles choses. Un grand-père proche de Staline traînant une lamelle de son cerveau quand il fuit l'URSS, son propre père, médecin aussi et insensible, un oncle cocufiant son père avec maman Anna (encore).

Une famille vouée passionnément à sa propre extinction.

Paul doit se confronter à l'histoire tragique de son ascendance et se résoudre à vider la demeure pleine de secrets. Deux carnets signés de la main de son père l'aideront à donner un sens à tout ça.

Dubois a une sensibilité à part, un univers à lui seul, et quel que soit le drame qu'il nous conte c'est avant tout la grâce de son imagination décalée qu'il s'agit d'apprécier. Absurdité de situations, intime alchimie entre tragique et comique, émotion, ironie, dérision, poignantes introspections, le livre est tout ce qu'il y a de plus solides.

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