Elles étaient à peu près une douzaine.
Elles avaient tous en commun d'être d'origine japonaise et d'être excellentes en langue anglaise (du moins compréhensibles) dans les années 40. Elles faisaient toutes de la radio. Elles étaient toutes femmes.
Radio Tokyo était une station radio sous la supervision des prisonniers de guerre Charles Cousens, un commandant australien, Wallace Ince, un capitaine de l'armée des États-Unis et Normando Ildefenso Reyes, un lieutenant de l'armée des Phillipines.
La canadienne June Suyama (surnommée en ondes "the Nightingale of Nanking"), Myrtle Lipton (surnommée en ondes "Little Maggie") qui animait à partir de Radio Manille et l'Étatsunienne Ruth Hayakawa qui faisait les week-ends pour Radio Tokyo étaient celles que l'on pouvait rassembler sous le vocable "Tokyo Roses". Toutefois celle qui allait payer pour toutes les autres et qui sera identifié par tous les G.I. comme LA vedette incontestée et la voix officielle des ondes était l'Étatsunienne Iva Toguri D'Aquino dites "Orphan Ann".
D'Aquino, née et logeant à Los Angeles, était de passage au Japon pour y visiter de la famille quand l'attaque de Pearl Harbor fût perpétrée. Jamais n'a-t-elle pu reçevoir de visa de retour au pays. Quand le Japon lui demande de renoncer à sa citoyenneté Étatsunienne, la jeune femme refuse disant qu'un tigre ne change jamais ses rayures. Elle est donc envoyée avec les prisonniers de guerre à Radio Tokyo où la jeune femme de 25 ans se décroche un poste de dactylographe. Toutefois, comme sa connaissance de la langue anglaise est presqu'impeccable, Cousens, Ince & Reyes choisissent d'en faire une annonceuse radio (Naît alors le surnom "Ann" pour "annonceuse"). Comme les expatriés en temps de guerre sont codés sous le nom "d'orphelins" on lui colle le surnom de "Orphan Ann" en ondes. D'autant plus qu'il y a une référence bédéèsque des États-Unis avec la BD Little Orphan Annie.
Orphan Ann animait pendant 15 à 20 minutes lors de l'émission Zero Hour sur les ondes de Radio Tokyo, une émission qui durait autour de 75 minutes. Elle y faisait des petits sketchs tout en présentant les chansons principalement Étatsuniennes (de là son succès radio) en y allant de petits clin d'oeils narquois. En effet elle se présentait comme "your favorite (ou your #1) ennemy", parlant des alliés comme des "Boneheads", jouant des morceaux aux titres qui étaient des voeux pieux envoyés aux alliés ("My Resistance is Low") et annonçant "here's the first blow to your morale with "Hey Pop I Don't Want To Go To Work". C'était sur un ton badin et outre ses quelques écarts, jamais n'a t-elle voulu aller plus loins dans la propagande anti-alliés sur les ondes.
Il y avait toutefois bel et bien de la propagande haineuse sur les ondes de Radio Tokyo. Ce n'était toutefois pas la voix d'Orphan Ann.
Ne touchant que 7$ par mois et n'ayant pas droit à une carte de ration alimentaire, puisque considérée comme une traître au Japon, elle se fend tout de même d'efforts pour trouver des denrées et et les refiler aux prisonniers de guerre, gagnant à la fois leur confiance et leur respect.
Quand le Japon capitule en 1945, des journalistes du magazines Cosmopolitan veulent interviewer "Tokyo Rose" et promette 2000$ à l'interviewée. Comme elle a besoin des sous, et souhaitant revenir chez elle sur la Côte Ouest des États-Unis, elle se propose.
Naivement.
Des gens du département de la justice sont inflitrés parmi les journalistes et l'envoient en prison au Japon. Toutefois après moins d'un an, on ne réussit pas à lui faire signer de "confession" et on ne trouve nulle part sur les bandes de Radio Tokyo des propos suffisamment offensifs pour la condamner.
Maintenant mariée et enceinte, elle souhaite que son bébé voit le jour chez elle à Los Angeles. Toutefois son enfant meurt à la naissance, au Japon. Pendant ce temps aux États-Unis, l'animateur radio et columniste Walter Winchell mène une campagne de salissage de la réputation d'Iva Toguri D'Aquino. Sa campagne remporte tant de succès que lorsqu'elle retourne aux États-Unis en 1948, on l'arrête à nouveau et on la trouve coupable de "trahison nationale". Les États-Unis sont particulièrement imbéciles quelques fois dans leur répartition de la justice, c'est connu. Elle écope de dix ans de prison et d'une amende de 10 000$.
Prisonnière modèle, elle sera libérée après 6 ans et 2 mois mais ne reverrait plus jamais son mari, extradé et interdit de séjour aux États-Unis dès 1948.
En 1976, l'émission de télévision 60 Minutes raconte son histoire de son point de vue à elle et dès l'année suivante le président Gerald Ford lui accorde un pardon national. Pardon accordé le dernier jour de son mandat présidentiel et voté unanimement en faveur de D'Aquino.
Elle ira travailler dans les magasins de son père à Chicago jusqu'à sa mort en 2006. À l'âge de 90 ans.
Le FBI dira d'elle que jamais la diffusion de ses émissions radios n'a atteint le moral des soldats des États-Unis. Que bien au contraire, si le moral fût touché, c'était pour l'amuser et le relever un brin.
1 commentaire:
Je ne connaissais pas cette chère madame Aquino. Quelle belle et triste histoire que vous venez de nous raconter m'Jones.
Cruel et injuste pareil que celle qui a été si fidèle à son pays en ne renoncent pas à sa citoyenneté et en combattent à la mesure des libertés qu'on lui donnait être condamné si sévèrement. Ils ont bouleversé sa vie, détruit son amour, pourtant, elle a quand même continué à y vivre jusqu'à sa mort.
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