Et au printemps, comme la pluie, arriva la guerre...
Dans les années 20, l'Europe était un beau havre pour les noirs qui espéraient vivre avec décence.
En Allemagne qui allait devenir Nazie, le traitement des noirs dépendait de la caste duquel ses noirs étaient issus. Il y avait les enfants des diplomates africains qui étaient arrivés durant la période coloniale. Il y avait aussi les artistes afro-américains, la chanteuse d'opéra Marian Anderson, Josephine Baker, Arthur Briggs, Bill Coleman et quelques autres qui fuyaient du même coup le racisme du Sud des États-Unis. Les lois Jim Crow y faisaient rage en interdisant aux gens de couleur d'avoir une participation active dans la société. Ces lois instaurées dans les années 1800 dureront jusque dans les années 50 aux États-Unis.
Dans les années 20, l'Europe était encore un endroit où les artistes noirs pouvaient s'y produire et y gagner dignemnent leur vie. Particulièrement en Allemagne où les frontières étaient ouvertes aux étrangers depuis le traité de Versailles. De plus, depuis la défaite allemande de la Première Grande Guerre, toute une panoplie de nouveaux artistes émergeait dans la culture allemande. Le monde du jazz a, entre autre chose, pris beaucoup d'ampleur à cette époque.
Les enfants de femmes allemandes et d'hommes noirs étaient toutefois considérés commes des insultes à l'Allemagne d'Adolf et ses amis. Des croisements impurs. Des taches culturelles. Des indésirables.
Half Blood-Blues c'est l'histoire d'un sextet de jazz et d'une gérante/admiratrice en 1939, entre Berlin et Paris, au coeur même de ce qui allait devenir la deuxième Grande Guerre. Une histoire de musique et d'envie. Une histoire de jalousie telle que narrée au travers de la voix du bassiste à qui les honneurs de la vie n'ont pas toujour souri. C'est l'histoire de musiciens très différents les uns des autres, des noirs, des blancs, des juifs, des allemands, 6 hommes, 1 femme. Un band qui jouera avec Louis Armstrong. Puis avec Bill Coleman. Chaque fois émerveillé. Notre narrateur, humilié par Satchmo. Une histoire qui atteint le nirvana le 13 juin 1939 alors que le groupe joue en totale harmonie alors que les bombes menancent Paris. La musique comme refuge de guerre. C'est une histoire de guerres multiples.
Elle navigue entre 1992 à 1939. Baltimore et Berlin. La Pologne un peu aussi et Paris. Avec les survivants et les fantômes du passé. La culpabilité, dans une ville (Berlin) qui ne la connaîtra que trop bien, est un thème important de ce livre. Le deuxìème roman d'Esi Edugyan. Si joliment écrit que depuis sa sortie, récolte les mises en nominations pour toute sorte de prix.
Esi Edugyan, visiblement renseignée, nous écrit une histoire sur rythme musical. Ses dialogues sont tout à fait propre à la langue parlée des noirs. Je ne suis pas noir mais je les entends. Les dialogues entre le bassiste, son batteur et le trompettiste à moitié allemand ne sonnent pas faux. Tout comme leur musique que l'on entend pratiquement aussi. Il s'agit d'un livre musical. Jazzé. L'auteure s'est documenté dans 4 livres d'une grande importance dans l'histoire des noirs et qui donnent une pertinence certaine à l'ensemble. Comme une ligne de base dans un groupe de jazz.
Ceci étant dit pas besoin d'être un fin connaisseur de jazz pour apprécier ce livre. Ces témoins d'un moment tragique de l'histoire de l'Homme nous offrent de grands moments de confrérie dans la misère. Et de trahison aussi.
Je vous suggère la lecture de ce livre en anglais pour la musicalité qui ne pourrait pas offrir le même effet en français.
En tant que traducteur je refuserais de traduire un livre comme celui-là.
La langue originale étant trop pure, j'aurais l'impression de faire une mauvaise publicité d'informercial avec la voix de Serge Bélair.
Half-Blood Blues, un original portait de gens apatrides, unis par le son, dans les coins noirs de l'histoire de l'Homme. La véritable beauté de ce livre se trouve dans le côté bâtard de ses héros atypiques, qui ont fait durer la musique d'une langue, encore aujourd'hui bien vivante.
Falk(le trompettiste) "There's all sorts of way to live, Chip. Some of them you give a lot. Some of them you take a lot. Art, jazz. it was kind of taking. You take from the audience, you take from yourself."
Chip (le batteur) "But what it gives, it gives in spades"
Sid (le bassiste) "What do it give, Chip? You a great artist, but you a miserable man"
once again, à lire idéalement en anglais.
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