Je suis tombé sur une lecture qui m'a bouleversé.
Parce que j'en connais sensiblement quelques sentiers.
Parce qu'il en éclaire des nouveaux.
Parce que je suis coupable du jugement souligné dans le texte.
Parce que le texte m'a tout simplement chaviré.
Je pense que ça sert à ça aussi des fois d'écrire.
Chavirer. Pour apprendre à mieux nager.
Je vous ai adapté en français le texte du coloré animateur de TSN Michael Landsberg sur sa dépression et sur son ami Wade Belak. Un dur à cuire de la Ligue Nationale de Hockey, ancien Maple Leaf de Toronto, qui a choisit de se pendre à l'aube de sa nouvelle retraite il y a un mois.
Envoyer un courriel, un texto, un message instantané occupe une grande partie de nos vies. Mais je crois que je leur fais trop confiance. Les contacts humains sont souvent remplacés par des lettres sur écran cathodique, des symboles, des émoticones, qui sont comme des gardes de Buckingham Palace, sans émotions, sans subitilité. Des zombies incapables de traduire l'évidence. Du rien.
Combien de fois vous êtes vous demandé en lisant un texte si quelqu'un blaguait ou non? si il était sarcastique ou direct? Cynique ou réel? Vous êtes vous déjà demandé quand quelqu'un vous répond "bien" si il le pensait vraiment?
"Bien" s'écrit de la même façon que ce soit sur papier, sur tablette ou sur écran cathodique. Mais dit à haute voix en personne, le même mot peut vouloir dire bien des choses. J'ai énormémement de difficulté à me pardonner d'avoir accepter le "bien" de Wade Belak envoyé par texto 7 jours avant qu'il ne se pende.
Wade était mon ami, ça ne me rendait pas unique. Wade était l'ami de tout le monde. Tous les gars contre lesquels il s'était battu dans la ligue étaient ses amis. Même les gardiens contre lesquels il avait marqué des buts, même si ils étaient rares, étaient son ami. Il était la définition du "Big Buddy". Honnêtement je ne connais pas une âme qui ne l'aimait pas instantanément. Il se faisait des amis de la même manière que certains attrapent des microbes, se faisant plus d'amis chaque fois qu'il touchait quelqu'un.
Mais je savais que Wade avait un handicap. Je le savais car il m'en avait parlé. J'ai le même handicap. C'est drôle je parle de la dépression comme d'une incapacité bien que ceci nous accompagne toute notre vie.
Toutefois le handicap de Wade était plus lourd que je le croyais. Sept jours avant qu'il ne meurt on s'est texté. Il avait entendu une vieille entrevue à la radio que j'avais donnée et où j'y parlais de ma dépression et il m'a texté que c'était bon. Pour rire je lui ai texté en retour, "Trouvais tu que je faisais pitié? au fond c'est ça que je voulais faire passer: que les gens me prennent en pitié". Il m'a répondu "Je trouvais que tu étais un "big pussy". Ha ha. Mais qui suis-je pour parler? je suis moi-même sur les pilules depuis 4-5 ans maintenant". Je lui ai écris plus sérieusement "Et maintenant comment te sens tu?". Et c'est à ce moment qu'il m'a donné le mot de quatre lettres "Bien".
Bien, argh.
4 lettres, un mot. Un mot tout simple. Non veut dire non, nous dis-t-on mais bien ne veut pas toujours dire bien. Il n'était pas bien. Sept jours plus tard il était mort.
Je regarde mes mains et n'y trouve pas de sang mais il est bien là. Le Luminol ne le montrerait pas mais ma conscience sait que j'ai les mains pleines de sang.
Ce n'est pas facile. Pas facile du tout.
Wade est entré dans ma vie il y a 8 ans quand j'ai commencé mon émission Off The Record à TSN. Lui et moi ressemblions à une vieille photo de la seconde guerre mondiale. Lui le géant aux traits porcins, au visage pâle et aux cheveux blond/roux, moi, 8 pouces plus bas, un million de fois plus foncé avec mon gros nez, enfin...vous imaginez.
Malgré nos différences physiques, nous sommes devenus amis rapidement. Notre amitié fortifiée par une capacité et une envie de faire rire l'autre avec succès. Les hommes expriment le mépris avec des insultes et leur affection à l'égard d'un autre homme par de plus graves insultes. Wade et moi n'avions aucune limite, aucune zone de sécurité, aucune frontière et jamais ne nous sommes bléssés. Je l'aimais pour ça et je sais qu'il appréciait ma présence pour les même raisons.
Je ne sais pas trop pourquoi Wade s'est confié à moi à propos de sa dépression. Je devine que c'est parce que j'avais parlé publiquement de la mienne. Ou peut-être que dans ma carrière de dépressif j'étais le vétéran et lui la recrue.
Peu importe la ou les raisons, je me suis senti choyé d'avoir partagé sur le sujet avec lui. Partager quelque chose d'aussi intime avec quelqu'un est le plus beau compliment qu'on peut faire à l'autre. C'est lui dire "je te fais confiance et je me sens en sécurité avec toi". Ç'est dire aussi "Je sais que tu ne me jugera pas". Peut-on vraiment appeller quelqu'un un ami si on a peur que celui-ci te vois comme quelqu'un de faible?
Ceci m'a fait apprécier Wade davantage. Je crois que l'on finit par aimer les gens pour leur bons côtés. Quelques fois on les aime aussi pour leur imperfections. Je sentais que j'avais un line privilégie avec Wade. Je savais que son demi-sourire cachait une autre moitié plus sombre et qu'il était pré-fabriqué. Je savais que sa constante bonne humeur était un rôle. Je me sentais bien car je reconnaissais tout ce que j'avais fait moi aussi. De cette manière je pouvais comprendre davantage Wade car nous avions circulé sur les mêmes rails. Nous étions tous les deux excellents à leurrer les gens. Comme la plupart des dépressifs, nos émotions sont de la contrefaçon. Nous produisons du faux bonheur et à cause de cela il devient parfois difficile pour les autres de remarquer ce qui se passe réèllement par en dedans.
Quand Wade et moi nous nous sommes texté le 24 août dernier, il me demandait comment avançait mon documentaire sur la dépression chez les personalité connues. Il me demandait "M'interviewera tu?". Je lui ai demandé "Est tu à l'aise avec l'idée de rendre ton mal public?" Ses mots exacts ont été "Je ne crois pas avoir un problème avec ça" Il a ensuite rajouté "Je crois que mes parents ne savent même pas vraiment". Wade ne se doutait alors pas à quel point sa dépression deviendrait publique.
On ne sait pas ce qui est s'est passé dans la tête et dans le coeur de Wade une semaine plus tard. Sa flamme est passée de brillante à éteinte en l'espace de quelques heures. Mais on sait pourquoi les gens s'enlèvent habituellement la vie. Les gens se tuent parce que la peur de vivre un autre moment est plus lourde que la peur de mourir en ce moment même. Dans le cas de Wade, je crois qu'il a été envahi par une tsunami dépressif qui l'a fait passer de calme à calamiteux. L'amour envers la famille et la vie ne faisait soudainement plus de sens. Instantanément un et un ne faisaient plus deux.
Je sais que vous vous demandez, et ne vous sentez pas mal de le faire, on se pose tous la question, comment un parent peut quitter ses enfants ainsi? Comment un adulte peut vous parler de sa joie à voir son enfant de 5 ans jouer du violon et 8 jours plus tard choisir de se boucher les oreilles à jamais?
Je ne sais pas. Mais je sais une chose. Je prie très fort pour que nous n'en connaissions jamais la réponse. Il y a de ces choses que l'on ne veut pas savoir. Et des choses que l'on ne devrait jamais juger. Personne ne sait ce qu'ont vécu les passagers du vol 175 qui a frappé l'une des tours du World Trace Center le 11 septembre 2001. Pouvez vous vraiment dire ce que vous auriez fait à leur place dans l'avion? Personne ne peut dire ce qu'il aurait fait si il avait marché jusqu'à la chambre à gaz à Auschwitz non plus. Et personne ne sait ce qui est passé par la tête de mon ami Wade Belak quand il a choisit de quitter tout ceux qu'il aimait. Si vous aviez eu la même chose que lui dans la tête, peut-être n'auriez vous jamais su quoi faire non plus.
Je ne le sais très certainement pas. Mais je sais une chose toutefois. Quand on est en dépression, la logique devient une erreur et l'erreur la réalité.
Ceux qui me connaissent savent que j'ai extrémement confiance en moi. Je vous entends même dire, "il est plutôt arrogant". Correct. Pensez ce que vous voulez. Mais quand je suis en dépression cette confiance devient de l'insécurité. Le "Moi" n'existe plus et je deviens mon propre fantôme. Et ce gars-là je ne le connais pas trop et je ne l'aime pas particulièrement. Il a animé 60 shows en 2008. Il était moche.
Si vous lisez ceci et vous dites "je n'ai jamais connu ce qu'il raconte" tant mieux pour vous, vous êtes choyé. Vous êtes vous déjà féclicité de ne pas être mentalement malade? Non parce que bien entendu on ne célèbre pas sa normalité tellement souvent. Je suis pareil. Je ne célèbre pas mes deux bras et mes deux jambes mais un amputé pourrait me suggérer de le faire. Mais avec votre santé mentale arrogante ne pensez jamais un jour comprendre pourquoi Wade Belak a fait ce qu'il a fait. Je ne le comprend pas. Mais je sais une chose, Wade aimait la vie comme des millions de gens aiment la vie. Son amour pour sa femme Jen et pour ses filles Andie et Alex, était aussi fort que l'amour de quiconque envers ses proches. Si cet amour n'était pas suffisament fort pour l'empêcher d'abandonner tout ça...Comment souffrant est ce mal-être? Nous guette-t-il tous?
Vincent Van Gogh a dit avant de s'enlever la vie "la tristesse durera toujours". Belak ne croyait pas à cela mais l'espace d'un moment oui, il l'a cru. À cet horrible moment, Wade a eu un dilemne: un côté de lui était en instinct de survie tandis que l'autre voulait en finir de la souffrance. On a tous, ou presque, vécu le premier feeling. Peu ont connu l'autre. Dans le cas de Belak il est clair quel côté à gagné. C'est ce qui arrive quand l'ange de la mort et l'ange de la pitié travaillent ensemble.
Est-il dans un monde meilleur? On l'ignore. On peut croire à la vie après la mort mais une chose est certaine, Wade ne souhaitait pas visiter ce monde autant qu'il sentait, qu'au moment de commettre son geste, il n'y avait pas de pire endroit au monde pour lui qu'ici.
Je ne m'attends pas à ce que vous compreniez son geste. Je ne le comprend pas moi-même. Mais je m'attends à ce vous acceptiez le sérieux de sa maladie. Si vous avez été atristé par la mort de Wade Belak, voilà ce que vous lui devez: croire en son mal.
La dépression ne se voit pas. On ne la détecte pas sur une biopsy. Les test sanguins ne révelent rien. Les rayons-x non plus. Croire en la dépression d'un autre exige de la foi. Les sondages disent encore que la dépression n'est pas perçu comme une maladie autant qu'elle est perçue comme une faiblesse. Wade Belak n'était pas faible. Winston Churchill non plus. Abraham Lincoln non plus. Ernest Hemmingway non plus. Votre cousin, votre voisin, votre fils non plus.
La dépression est une maladie. Et si vous voulez rendre un hommage à la mémoire de Wade Belak, ne dites jamais "Reviens-en!" ne dites jamais "de quoi tu te plains?" à un dépressif au risque de servir de détonnateur. Et accepter de croire que la dépression est une sérieuse et quelques fois fatale maladie.
Mon dernier message est toujours sur son smart phone et sur le mien. Après avoir entendu la folle rumeur que mon ami Wade était mort, je l'ai aussitôt appellé afin d'en rire. Quand ce fût sa machine, mon coeur a fondu. Je n'ai pas laissé de message. Dire quoi? SVP ne sois pas mort?
Un dernier espoir, je lui ai envoyé un texto.
"Are You ok?"
Le D est tout de suite apparu. Mon coeur s'est accéléré afin de lire un R. Si vous ne parlez pas le langage des messageries, le D veut dire "delivered" et quand l'autre l'ouvre il se transforme en "R" pour "Received". Mais ce jour là je savais que D voulait dire "death" et "R" voualit dire "vivant".
Svp change, svp change, j'ai imploré. J'ai attendu. J'attends encore, incrédule. Il n'a jamais changé Ne changera jamais. Il y est pour l'éternité dans mon smart phone. Ironique n'est-ce pas alors que j'ai commencé en disant que les lettres sur écran cathodique ne disent rien et qu'en ce moment ce "D" fait tout le contraire?
D pour Dépression
D pour Dead
D pour Dear Wade, j'espère que maintenant tu es vraiment bien.
Aucun commentaire:
Publier un commentaire