dimanche 25 juillet 2010
L'Indignation de Philip Roth
L'indignation a toujours été au coeur de l'oeuvre de l'écrivain Philip Roth.
Goodbye, Columbus, sa toute première nouvelle qui a raflé le National Book Award en 1960 et l'a établi comme un talent majeur alors qu'il était toujours dans la vingtaine, était une étude du ressentiment entre classes sociales et un plaidoyer de trahison sexuelle.
Dix ans plus tard, Roth était catapulté dans la gloire internationale (et par la controverse) en nous invitant sur le divan du psychiatre, pour les plaintes masturbatoires d'Alexander Portnoy dans Portnoy’s Complaint.
Au travers d'un demi-siècle d'écriture, il a produit 29 livres, satires, récits, fantaisies, mémoires, oeuvres maitresses de réalisme Etatsuniens.
La rage étant toujours un sujet, un theme, un ton, une position et un outil de rhétorique pour Roth et ses personnages pas toujours fiables.
Même The Facts, un équilibré récit autobiographique racontant son enfance et sa jeunesse, publié quand Roth avait dans la mi-cinquantaine fait narrer les 8000 derniers mots à son alter ego, l'abrasif Nathan Zuckerman. Le livre débute avec Zuckerman qui demande à Roth de lire le manuscrit de la vie de l'auteur tout en lui ordonnant de ne pas le publier.
De manière absurde, Zuckerman accuse Roth de ne pas assumer son personnage.
“Tu ne sais même plus qui tu es ou qui tu a été, tu es perdu ”. Zuckerman fustige son créateur et l'écorche en trouvant qu'il a été sacrifié pour "des raisons artistiques".
Indignation, un roman de Roth de 2008 prend son titre plus spécifiquement dans le souvenir d'enfance d'un chant nationaliste Chinois qui allait être réécrit et devenir leur hymne national. Ce chant était chanté dans certaines classes des États-Unis en support aux chinois oppréssés par le Japon durant la seconde guerre mondiale et commençait alors par “Indignation fills the hearts of all our countrymen, / Arise! Arise! Arise!”
Pour Roth, cet écho du passé l'a hanté durant toute sa carrière d'écrivain. Cette indignation nationale s'est appliquée à sa colère (et à celle de ses personnages) avec entre autres choses, l'orthodoxie nationale, le puritanisme des codes sociaux, la contre culture anarchique, le politically correct, l'inévitable faillite du corps humain avec le temps, la timidité de la classe moyenne, le declin du pouvoir sexuel et la nature arbitraire de l'Histoire. En 1969, Roth faisant dire à Alexander Portnoy que cet hymne commençait par son mot favori de la langue anglaise. Quatre décénnies plus tard, son protagniste de 19 ans, Marcus Messner, lorsque forcé de participer à un service religieux chrétien dans son collège rural de l'Ohio entend le chant en lui “du plus beau mot de la langue anglaise: ‘In-dig-na-tion!’"
Pourquoi la repetition? Pourquoi la rancoeur? Et bien Roth carbure esthétiquement à la colère; qui fournit l'énergie nécessaire afin de disséquer, (un devoir que s'est imposé l'auteur) les étouffants paradoxes de l'Amérique du vingtième siècle.
Et comme Lenny Bruce, Roth s'emportait dans ses premières oeuvres ne serais-ce que pour exhiber sa fougue et sa vitalité en utlisant volontairement des termes (et des thèmes) jugés obscènes en réponse à un entourage qu'il trouvait hypocrite. En vieillissant sa rage est devenue plus complexe, plus raffinée aussi, alors qu'il a appris à multiplier les points de vue qui font de certaines de ses oeuvres des chefs-d'oeuvres de fiction à la fois tragiques et immensément comiques.
Le sexe, la mort et l'histoire des États-Unis sont les sujets du dernier droit de sa vie.
Toujours présenté dans une volontaire ambiguité où les points de vue se multiplient dans des passages de rage fort articulés et écrit avec une puissante habileté.
Merci la vie pour Philip Roth.
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