vendredi 28 mars 2025

L'Heure Magique

Je lisais sur les réseaux sociaux quelqu'un qui jasait des meilleurs albums doubles de tous les temps selon nous. Quel est le vôtre ? demandait VinylFondu. Je n'ai pas hésité et ai tout de suite répondu mon Dylan préféré. Une album double que j'ai surécouté. Impossible pour moi de sauter une seule chanson. C'est un tout. Mais j'aurais pu dire la même chose du White Album des Beatles, d'Exil on Main Street des Stones, de Physical Graffiti de Led Zep, d'Outside de Bowie, Reflektor d'Aracade Fire ou de Tommy de The Who. 

J'ai répondu par l'image de la pochette. Où rien n'y est identifié sinon la tête frisée de Dylan. À 25 ans. Ça s'adressait aux connaisseurs/connaisseuses. Ceux et celles qui ne savaient pas c'est quoi, cherchez un peu, vous trouverez facilement. En lisant les commentaires plus bas, je lisais un autre internaute qui avait aussi placé une photo de la pochette de son album double préféré. Daydream Nation de Sonic Youth. Je suis resté étonné. Voilà un autre album que j'aime comme un tout. Une atmosphère, un ton. Un climat mental. Une tapisserie sonore qui coule harmonieusement comme une rivière intérieure. Spirit desire.  

Je tombais des nues. Daydream Nation était un album double ?  J'ai dû aller vérifier. Deux "cotés" de 3 morceaux, un de 4, et le dernier de 2, dont le dernier morceau d'une durée de 14:07 divisé en trois élans rythmiques. L'album est sorti en 1988, alors oui, il existait encore des 33 tours. Des cassettes surtout, qui devaient être doubles, je ne sais pas. Je me le suis procuré dans les années 90, en CD, 12 morceaux, 1h10, donc oui, ça correspond à un double en durée. Je n'ai jamais songé que ce serait deux disques. Peu importe. Sonic Youth, que je découvrais vers 1992, 1993, offrait cette tapisserie sonore entre le shoegaze et le grunge, ce moment d'heure magique, cette zone formidable de réconfort mental. Cette Kim Gordon féérique. 

En 1992, 1993, j'avais 20,21 ans. La femme de ma vie s'y trouvait déjà captive de mon coeur et vice-versa. Je ne serai jamais, mais jamais fan de grunge, mais Sonic Youth est dans ce qu'il y avait de plus proche pour m'y acoquiner. J'ai téléchargé l'album de SY, qui a fait naitre le grunge en partie, sur ce magasin de jouets qu'est pour moi, Spotify, et quand la fin d'une semaine particulièrement lourde s'est posée sur moi, l'album en a été la trame sonore. 

L'heure magique, ce moment d'apaisement mental particulier juste avant le coucher du soleil qui en a assez de voir ce qu'il voit des Hommes, et qui fait changer la lumière posée sur les villes, plaçant l'ombre à des moments stratégiques, en négociation avec la nuit, s'est imposée vendredi 15h18. Les gens semblaient se calmer, la poussière du chaos journalier semblait retomber. C'est toujours comme si le temps ralentissait les rythmes imposés. Une pause bienveillante offerte au petit hamster dans les roues de nos têtes. Une douceur lénifiante baignant l'atmosphère, l'air devenant plus léger. La lourdeur fondante. Une sensation de sérénité qui nous habite. Naturellement. Quand tous les éléments s'y chorégraphient. On lâche prise, on contemple, on zone. 

Yogi ou non , on est dans une zone de relaxation baignée d'une lumière douce et dorée enveloppant l'âme dans une chaleur pas si silencieuse si les guitares de Thurston, Lee et Kim croisent leurs cordes dans cette rivière électrique. L'espace intérieur créé est alors d'une paix nostalgique si saine.20, 21 ans, again. La même rage de vivre.

Ce type de refuge est une parenthèse vivement agréable dans les paragraphes chargés de nos vies. Ma passion du orange s'y cache peut-être. Inconsciemment.       

L'heure magique s'est invitée quelques fois pour moi cette semaine aussi. J'ai voyagé pour pas cher. Pornographiquement avec les champion(ne)s du vin rouge. Avec des narcissistes. Avec des alouettes. Par masse qui se détachait de la rigueur journalière. Parfois je l'ai provoquée en allant marcher là où je me terminais et y naissait quelqu'un d'autre

Quand je marche, je ne suis jamais seul. Quand je regarde un film non plus. Ni quand je lis un livre

Ce qui disparaissait, c'était l'angoisse. L'angoisse d'être pays menacé par ce qu'il pensait être son meilleur ami. Qui ment sur lui, jour après jour, pour justifier ses envies abjectes. Égoïstes. Immatures. Ignares. Caricaturales. Inimaginable de notre vivant. 

Il est temps de courir la magie. Parce que la réalité donne des envies de soldats. Et un soldat est un esclave en uniforme.  

Ce tic tac intérieur ne devrait pas être celui d'une bombe

Mais l'horloge interne de celui ou celle atteint(e) d'une grâce vagabonde

Quand cesse le bruit du jour qui gronde.

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