mardi 2 août 2022

Cinema Paradiso******************Five Easy Pieces de Bob Rafelson

 

Chaque mois, dans ses 10 premiers jours, tout comme je le fais pour la littérature (dans ses 10 derniers) et tout comme je le fais pour musique (vers le milieu) je vous parles de l'une de mes trois immenses passions: Le Cinéma. 

Je l'ai consommé, surconsommé, l'ai étudié, en fût diplômé, y ai travaillé, en fût récompensé, m'en suis retiré pour vivre dans une différente famille. La mienne, que je créais, alors. Mais je le surconsomme encore. On ne sort pas le cinéma de ma personne. 

Je vous parle d'un film que j'ai souvent dans ma propre collection de films à la maison. Oui, je revisite plusieurs films. Le voir une première fois, c'est faire une rencontre, le revoir, c'est fréquenter un(e) ami(e). Je vous parle d'un film qui m'a rejoint par sa justesse, par son traitement, par son sujet, par son audace, par sa trame sonore, par sa réalisation, par son histoire, par ses interprètes, souvent, par tout ça. Bref, je vous parle d'un film dont j'ai aimé pas mal tous les choix.

Je vous parle cinéma.

FIVE EASY PIECES de BOB RAFELSON.

Bob Rafelson avait comme oncle, un scénariste d'Hollywood. Très tôt, ça lui a donné envie d'être un enfant de la balle. Après avoir étudié la philosophie, au New Hampshire, avec le futur acteur/scénariste Buck Henry, il a fait son service militaire, positionné, au Japon, où il était DJ et traduisait les films japonais, tombant inévitablement en amour avec le cinéma de Kurosawa et surtout, celui de Ozu. Il consomme aussi Bergman et John Ford. Il est à l'école du cinéma. 

Il se marie au milieu des années 50 et avec sa femme, ils auront deux enfants, dont le fils* sera producteur de quelques uns de ses films, pour Scorsese et Demme, aussi. 

Bob travaille un temps pour la télé, et voulant faire un show axé sur la musique, incapable de retenir les services du Dave Clark Five ou des Lovin' Spoonful, sa compagnie de production choisit de construire The Monkees. Qui deviendra un gros show télé. Il tournera son premier film, co-scénarisé avec son ami, Jack Nicholson et les Monkees, avant de produire Easy Rider, The Last Picture Show et plus tard réaliser et produire The King of Marven Gardens, produire La Maman et la Putain de Jean Eustache, tourner et produire Stay Hungry , avec de jeunes Sally Field, Jeff Bridges et Arnold Schwarzenegger et tourner/adapter/produire The Postman Always Rigns Twice.

Mais comme second film, en 1970, Bob et l'actrice Carole Eastman, joignent leurs talents d'écriture afin de scénariser l'histoire d'un col bleu de l'industrie du pétrole, dont le talent de pianiste prodige est étouffé par son métier. Qu'il choisit de quitter quand il apprend que son père est sur le point de mourir. 

Écrit en 1969, presque hier, le concept d'une femme scénariste, une actrice de surcroit, ne passait pas bien aux yeux de tous les producteurs. Eastman se cachera sous le nom de plume Adrien Joyce. Leur nomination pour l'Oscar du meilleur scénario comprend les noms de Rafelson et de Joyce. 

Jack Nicholson venait d'être présenté à un large public par Easy Rider. Cet autre film en ferait une star. On le découvrait gars de tous les jours, marginal, capable de colère, sarcasme, pitié sur lui-même, aussi capable de tendresse et de deuil, prêt à la violence sans y être tellement bon. 

Robert Eroica Dupea, dont le nom du milieu lui était donné en référence à la 3ème symphonie de Beethoven, était tout ça.

Il n'est pas facile de comprendre tout de suite, la direction que suggérait le film, qui était nouvelle. Et qui ouvrait la porte au nouveau cinéma des Spielberg, Copolla, DePalma, Bogdanovich, Scorsese et autres qui naissait. On présentait des personnages idiosyncratiques. Des dialogues à la fois pour les scolarisés et vulgaire comme les gens de la rue. Les gens de tous les jours. On semblait y raconter tout simplement la vie. Comme John Cassavettes a tenté de le faire dans toute ses oeuvres. Nicholson et Rafelson n'étaient pas les uniques découvertes du film. Karen Black, Lois Smith, Ralph Waite étaient tous nouveaux, et parfaits. On y croit davantage quand les visages ne sont pas si connus. 

Le scénario offrait de détours et des disgressions qui favorisaient la psychologie des personnages bien avant le concept d'histoire continue. Le ton du film ne pouvait être deviné dès le début. Plusieurs scènes sont restées dans les mémoires collectives des jeunes années 70. Des lignes comme "I faked a little Chopin and you faked a big response" ont un réaction directe sur celui ou celle qui regarde. Le personnage de Nicholson, Bobby Dupea, ne peut pas revenir à son ancienne vie, toutefois il n'a pas non plus de futur plausible. Le film est à propos d'un personnage qui ne cadre pas dans le propre film de sa vie. Il n'y a pas une seule scène où il semble confortable. 

C'est un film où Bobby déçoit, sur lequel on ne peut pas compter, se comporte mal, accomplit peu. C'est un film qui rend le personnage tellement humain. Et la seule personne qui le critique ouvertement est celle qui le connait le moins. Sa copine et sa propre famille ne semble pas voir ce qu'il se reproche à lui-même. Ou le pardonne.

Dans l'intéressant rythme du film, la première moitié ne donne aucun indice sur la deuxième. L'ouverture de la seconde partie est très intéressante. Comme le début d'une nouvelle symphonie. Quand Bobby doit expliquer sa vie à son père, la scène est tout simplement bouleversante. 

La fin est une fin qui serait jugée inacceptable de nos jours dans les films, mais la seule bonne possible.

Bobby sent le besoin de fuir toutes ses vies. 

Complexe, drôle, pathétique autant que nuancé, profond, ce type de scénario se trouve beaucoup plus rarement de nos jours. 

Nommé aux Oscars de l'époque pour le meilleur acteur, le meilleur film, meilleure actrice de soutien (Karen Black) et meilleur scénario.

Bob Rafelson s'est éteint à l'âge de 89 ans, samedi le 23 juillet dernier.

 *Il écrit aussi la chanson Open Your Heart pour Madonna, celui-là

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