samedi 2 juillet 2022

Cinema Paradiso***********************4 Mois, 3 Semaines & 2 Jours de Cristian Mungiu

 Chaque mois, dans ses 10 premiers jours, tout comme je le fais pour la littérature (dans ses 10 derniers) et tout comme je le fais pour la musique (vers le milieu) je vous parles de l'une de mes 3 immenses passions: le cinéma!

Je l'ai découvert, consommé, étudié, en fût diplômé, y ai travaillé, en fût récompensé, me suis choisi une autre famille, en suis sorti, mais le cinéma ne sortira jamais de moi.

Je vous parles d'un film qui m'a séduit par son sujet, sa réalisation, son audace, ses interprètes, son histoire, ses dialogues, son humour, son impact, sa direction photo, souvent tout ça, bref, je vous parles d'un film dont j'ai souvent aimé presque tous les choix.

Je vous parles cette fois, d'un film de 2007, Roumain, qui nous parles aussi de 2022, États-Désunis de l'Armérique.

4 MOIS, 3 SEMAINES, 2 JOURS de CRISTIAN MUNGIU

Le personnage de Gabita est probablement la plus innocente et naïve jeune femme à être celle que l'on suit dans un film, lorsque trop soudainement tombée enceinte. Même si vous pensiez que Juno était beaucoup trop léger pour traiter d'un tel sujet, en voyant ce film, vous resterez surpris(e) de la légèreté (parfois) du ton pour un sujet à potentiel très lourd. Le film est tout simplement puissant et un splendide effort visuel et narratif. On suit l'histoire de Gabita, mais aussi d'Otilia, et c'est elle qui fait tout le brave travail.

L'époque est la fin des années 80, sous le très triste règne de Ceaucescu et ses lois dictatoriales et Cristian Mungiu signe l'histoire de Gabita qui souhaite avorter., ce qui était alors illégal. Non pas pour des raisons morales, quoique qu'accessoirement oui, mais surtout afin de garder le plus de citoyens sous l'horrible joug Ceaucescu. Par désespoir, Gabita se tourne vers sa col-locataire Otilia qui accepte de l'aider et qui le fera sans cesse jusqu'à la fin. C'est tout juste si elle ne se fait pas avorter elle-même, tellement elle prends tout sur ses épaules. Sur une période de 24 heures seulement, on suit les deux filles, dans les moments les plus intenses de leurs vies. Une journée de frustrations multiples, de stupidités assez inouïes, de duplicité, de cruauté et de désespoir, dans le contexte sociétaire d'une nation où si il n'y avait pas de marché noir pour se faire avorter, il n'y aurait tout simplement pas de chances du tout de faire quoi que ce soit. Comme aujourd'hui dans certains États des États-Unis. 

Pour Gabita, la notion de prendre ses responsabilités reste peu familière. C'est à la fois amusant, pénible et pathétique. On en arrive à se demander comment a-t-elle survécu jusqu'à ses 20 ans dans une société qui exige davantage d'intrépidité. Elle réussit à persuader sa co-loc de trouver l'argent pour l'opération. Elle lui demande ensuite de se rendre rencontrer l'avorteur à sa place, en premier. Elle néglige ensuite de faire la réservation adéquate que l'avorteur secret lui précise. Ça fait presque tout basculer. L'avorteur prend peur et pense qu'on tente de le dénoncer à la police. Son nom est d'ailleurs M. Bébé, qui n'est pas "bébé" en roumain, mais qui n'est très certainement pas innocent non plus. 

Le film pose un regard très intéressant sur ses sujets. Sans jamais fermer les yeux. Il n'y a pas de plans "de réalisateurs". Pas d'effets spéciaux. Pas même de musique. Pas de montage serré. Mungiu et son directeur photo Oleg Mutu adoptent la règle d'un seul plan par scène. Ce qui rend chaque scène, inconsciemment importante et ce choix crucial de (non) mouvement de caméra a obligé chaque scène à êtres longuement répétées. Le jeu des formidables Laura Vasiliu (Gabita) et Annamaria Marinca (Otilia) s'en trouve légitimement amélioré de scène en scène. Ce choix nous donne aussi des scènes magiques pour nos imaginations où l'action se passe hors-champs. Mots et silences sont habilement inscris dans le brillant film. Palme d'Or, à Cannes.

Le personnage d'Otilia, les deux, mais elle en particulier, est tout simplement héroïque dans un tel contexte chaotique. Elle pourrait abandonner son ami qui prends souvent les mauvaises décisions. Et continue de le faire. Otilia a pourtant sa part de problèmes, elle-même. Son amoureux, entre autre, égoïste, possessif et intransigeant. Qui la force à détourner ses envies et l'impose dans des soirées où Otilia n'a pas envie d'y être. Il lui impose même un ultimatum amoureux. Ne pensant qu'à lui. Dans une film de Mike Leigh, de Thomas Vinterberg ou de Lars Von Trier, cette seule trame narrative devient tragédie tantôt burlesque, tantôt dégénérative.

Lorsque le rendez-vous survient enfin, on a pas du tout ce qu'on pensait avoir. C'est à vous de le découvrir. Otilia et Gabita s'entendent pour ne plus jamais faire référence à cette nuit, ensemble.

Ce qu'on souhaite aussi faire du jugement du 24 juin dernier de la Cour Suprême des États-Unis. Un souvenir malheureux à ne plus jamais revisiter de cette manière.

L'histoire, avec ses personnages si vrais, a des échos directs avec ce qui se passe en ce moment, avec les Femmes des États-Unis.    

 L'expérience que vivent les deux Femmes à l'écran est extraordinaire et les conditions, atroces. Les deux actrices sont tout simplement exceptionnelles.

Certaines Femmes des États-Unis vivront pour vrai tout ça. 

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