mercredi 23 mars 2022

Loup Dans La Peau d'un Loup


HBO rend disponible Phoenix Rising, un documentaire en deux parties de Amy J.Berg tournant autour de l'actrice Evan Rachel Wood et des ses allégations d'abus, alors qu'elle fréquentait le musicien Marilyn Manson, entre 2006 et 2011. 

La série fait le drôle de choix d'utiliser par moments de l'animation montrant Wood incarnant une sorte de poupée chérubine et Manson en macabre monstre, ce qui me semble légèrement appuyé puisque ce qui traine comme histoire autour d'eux est déjà passablement horrifiant. 


Lors de leur relation instable de presque 5 ans, Wood prétend que Manson l'a fouetté d'un fouet aux couleurs nazies, a gardé ses plaies bien vivantes en les ranimant avec un jouet sexuel électrique, a eu des relations sexuelles avec elle alors qu'elle était sans connaissance, l'a forcée à boire son sang, pendant qu'il buvait le sien. Elle le soupçonne aussi de l'avoir maintes fois droguée, s'étant réveillée souvent sans avoir pensé vouloir se coucher. Elle dit avoir été si traumatisée qu'elle a pensé que son cerveau aurait peut-être, en partie, été calcifié et que la vie n'a plus jamais goûté la même chose par la suite. 

Manson nie tout. Et répond comme il le fait toujours, par une contre-poursuite. Depuis la fin des années 90, c'est un réflexe naturel de sa part. Il avait fait cela quand on l'avait associé à tort à la tuerie de Columbine, au Colorado. Manson et ses avocats prétendent à leur tour que tout est faux et que Wood tente de trouver des acolytes pour coordonner leurs mensonges. Mais plus d'une douzaine, dont plusieurs n'ont jamais rencontré Evan Rachel Wood, ont confirmé à peu près les mêmes choses. Ce serait un vrai monstre. Un loup dans la peau d'un loup.


Les hystériques, aux États-Unis, les religieux surtout, ont inventé toutes sortes de choses autour de Manson. Qu'il agressait des enfants sur scène, qu'il tuait d'innocents animaux, que ses gardes de sécurité droguaient, avec de l'extasy liquide, certains fans pour lui. Mais ça, c'était faux. Ça lui donnait aussi de la marge pour faire du vrai. Comme peut-être ce dont il est accusé. Ça lui permettait aussi de dire à tous que son personnage n'était qu'un personnage offensant qui forçait les gens au débat et à la réflexion. Que peu importe ce qu'il faisait, c'était de l'art de performance. Un clin d'oeil/commentaire éditorial sur l'hypocrisie aux États-Unis et en Amérique du Nord, baignant comme un poisson agile dans les eaux de l'immoralité. 


Je n'ai jamais mordu à ses hameçons. Ça avait trop peu à voir avec la musique. Je n'y voyais que du marketing. Une manière de vendre sa personne. Je ne connais aucun de ses morceaux musicaux et m'intéressait peu à lui. Mais son sort est digne d'intérêt si il a fait ce qui lui est reproché. Quand il a dit qu'il s'était tranché le corps 158 fois, on ne pouvait qu'y voir du théâtre. Même chose quand il utilisait de l'imagerie nazie. De la provocation. Wood dit que Manson avait parlé d'Hitler comme de la première star rock. Elle trouvait ironique qu'il prétende se faire mal physiquement alors qu'en privé, c'était elle qui encaissait les coups. Les actes de viol et d'agressions physiques non consensuelles ne peuvent pas être qualifiés de performance artistique quand il n'y a pas de public pour le savourer. Il filmait apparemment ses victimes, les forçant à dire des choses racistes et immondes, afin d'ensuite, faire du chantage si ces gens voulaient révéler des choses. Manson lui-même a déjà dit que la ligne entre la réalité et la performance artistique est souvent brouillonne. Dans son autobiographie de 1998, il disait que si "il s'en sort", c'est parce qu'il se cache derrière un "personnage". Mais que pour lui, tout ça est beaucoup plus. Que toute sa vie est du théâtre. Qu'il s'agit de son art à lui. 


Le défi de tourner sur la croisade de reconstruction d'Evan Rachel Wood est de filmer Manson comme personnage secondaire sans que l'extraterrestre géant, manipulateur de couteaux, éléphant dans la pièce, ne prenne toute la place et ne minimise tout ce qu'il y a autour. Son art aussi, semble-t-il. Wood a parlé d'abus de la part d'un ex en 2016, sans le nommer. Quand elle a nommé Manson, c'était à l'intérieur du délai de 3 ans, délai qu'elle, et d'autres victimes d'abus, veulent prolonger à 5 ans. Avoir une limite de temps pour dénoncer est d'un ridicule immense. Wood avait 18 ans quand elle a commencé à fréquenter Manson qui en avait 37. Née dans une famille d'acteur, elle a fait de la télévision presque tout de suite avant d'être révélée, à 18 ans, dans l'excellent Thirtheen. Mais le personnage de ce film a donné un peu le ton à sa personne, prétend-elle. Et quand elle le rencontre pour la première fois, dans un party au Château Marmont, Manson est un artiste établi. Et elle, elle mord à l'hameçon. Il se présentait intellectuel, réfléchi, porte-parole des gens non traditionnels. Ils ont principalement parlé art et projets artistiques pendant plusieurs semaines avant que cela ne devienne autre chose. Petit à petit, l'araignée a tissé sa toile. Il l'a isolé de sa famille et de ses ami(e)s. Et ce qui était du sexe est devenu plus agressif. 

Manson aurait étudié la philosophie, l'hypnose, la psychologie criminelle et le psychologie de masse "pour son personnage": un homme qui prend tous les moyens pour qu'on l'aime. Une fois la confiance gagnée, le loup vous mange. Après son autobiographie de 1998, co-écrite avec un ancien auteur du New York Times, sentant peut-être qu'il avait trop révélé, il calculait déjà comment s'en sortir en disant qu'il était certain qu'il nierai bientôt ce qu'il disait dans le livre, blâmant la drogue, le co-auteur ou tout simplement les deux. 


Wood a eu une révélation et un profond soulagement quand un ancien proche collaborateur de Manson, Dan Cleary, a confirmé que tout ça était très vrai. Et que Manson, il l'avait vu, avait "brisé" volontairement Wood. Que c'était son but. D'autres femmes se sont aussi manifestées. L'une d'elle a révélé qu'il l'a forcée à se faire tatouer le mot "fat" sur la cuisse. Une autre a dit avoir eu de force, tatoué dans l'intérieur de la cuisse, les initiales M.M. Wood, et ses victimes disent d'une seule voix que l'art de Manson, c'est l'abus. 


La chanteuse/actrice Taylor Momsen, à 18 ans, elle aussi, était sur scène avec lui, en tournée et se faisait agripper les seins devant tout le monde, se faisait tenir la gorge par le géant qui lui plaçait la tête au niveau du sexe. Les transgressions de Manson étaient très publiques. Momsen ne s'en est jamais plainte. Elle prétend même s'être amusée. Manson a dit, devant témoin, qu'il avait besoin de glace pour le vagin de sa copine d'alors, Lindsay Usich, avec laquelle il avait "5 congrès sexuels" par jour. Un journaliste a aussi dit s'est fait pichenotter les testicules après lui avoir demandé si Manson était bien différent de son personnage. 


Esme Bianco, elle, ne s'est pas amusée non plus avec MM. Elle l'a poursuivie l'an dernier, une cause toujours pendante (jeux de mots cruel involontaire), pour l'avoir fouettée sans son consentement et ensuite avoir gardé active ses plaies, à l'aide d'un jouet sexuel électrique...Vous voyez l'écho ? Histoire pratiquée ou choc réel ?  Ce sera aux autorités d'en juger. La défense habituelle de Manson, qu'il fait de l'art de la sorte, est si comprise par certains de ses fans que certains allèguent qu'il font de même avec leurs amies. 


Manson les poursuit pour diffamation. Wood et l'activiste Illma Gore qui apparait aussi dans la série. Il a gagné sa cause contre les journalistes qui l'associaient à la tuerie de Columbine. Il a contre-poursuivi les maisons de disques qui l'ont enregistré et les musiciens qui l'ont accompagné. 

Ce qu'il prétend dans ses écrits et sur scène, vrai ou inventé, est souvent plus graves encore que ce qui est présenté comme horreur. 

Dans son livre, il parle de cette Femme qu'il avait violemment blessé, qu'il continuait à frapper, sur laquelle il crachait tout en essayant de l'égorger. Elle ne s'était jamais défendue. Elle ne faisait que pleurer et Manson n'en avait jamais eu pitié.


Cette Femme n'était pas une copine de 18 ans. C'était sa mère.    

Que ce soit vrai ou pas, il a sciemment choisi de raconter ça. Marilyn Manson sera ce que vous voudrez qu'il soit. Tant que c'est lui qui raconte. Mais ne veut pas être ce qu'Evan Rachel Wood veut nous faire comprendre.


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