vendredi 11 mars 2022

Colonisations


On m'a quelques fois reproché d'être un vendu à la langue anglaise. Qui s'est laissé conquérir par la langue anglaise. Ce qui est en partie vrai. Comme tout le monde francophone résiste à l'envahissement mondial. Mais en même temps j'ai toujours pris ce type de reproche à la légère. J'ai des racines irlandaises et Atikamekw et dans les deux cas, la langue anglaise a dominé (chez les mates) et a souvent pris le dessus (chez les Nictes). Et je ne vois pas mort de ma propre langue, mais métamorphose. 


J'ai été élevé toute ma vie en français et en anglais. Mes parents n'ont jamais été papa ou maman, encore de nos jours, il s'agit de mom & dad. Sue me. On m'a parfois traité de colonisé, ce que j'ai toujours pensé "bien entendu puisque j'ai du sang autochtone.". Je ne vois pas le français mourir comme certains, je le vois changer de forme. Mes luttes à ce niveau sont ailleurs. Je me bats plutôt avec la France pour ne jamais traduire espadrilles par baskets ou stationnement par parking


Et n'utiliserai jamais le mot autrice pour parler d'une auteure. Je me suis maintes fois prononcé là-dessus. Je n'en veux pas contre les Femmes qui veulent l'utiliser comme d'un point d'affranchissement dans sa stature personnelle et sociétaire, mais ce mot, changé par l'Académie Française en changeait un autre, existant depuis 1979, comme tous les corps de métier au Québec. Nous avions auteure. Je ne vois pas pourquoi la France, qui fait du rattrapage en terme d'égalité hommes-femmes, par rapport à nous, devrait soudainement nous dire comment nommer les écrivaines/scénaristes. On était presque 40 ans en avance sur eux là-dessus. De mon point de vue, autrice est donc plutôt rétrograde. Parce que la France nous l'impose? Fuck no

Je vais surement faire un peu exprès pour glisser du langage de Shakespeare dans cette chronique. 


Je ne me trouve pas colonisé. Pas mal moins que le Canada anglais peut l'être par l'influence des États-Unis. Culturellement, le Québec se suffit amplement. Ceux qui me connaissent savent aussi que je suis plutôt colonisateur de l'espace. Ce qui m'irrite est le bilinguisme parlé. Ce que je fais à outrance dans mes textos. Je suis donc le premier pêcheur. Une chanson entendue à la radio qui est à moitié française, à moitié anglaise est un irritant pour moi. Une chanson chantée en anglais et la même chantée ensuite en français est pire. C'est comme me dire "Vous étiez trop niais pour comprendre la première version, je vous offre l'autre". C'est aussi me dire "je veux être joué(e) sur les radios francos/anglos" c'est donc me communiquer une stratégie de ventes, on est loin de l'art musical. Une chanson, un propos, est toujours un message. 

(Message qui peut  toujours influencer, ce qui me rend aussi incapable de qualifier des youtubeurs, des influenceurs)   


Mais voilà que depuis une semaine je vois cette bande-annonce sur notre grande télé (plus, là-dessus, demain), qui propose la série Transplanté. Une série tournée ici, avec des artistes d'ici, mais en anglais pour la première saison, puisque qu'on la tournait pour ABC, aux États-Unis. Il s'agit d'une série qui met en vedette...des travailleurs dans les hôpitaux. Du jamais vu, quoi. Audace: 3/10. Timing 9/10. Je peux comprendre qu'en ces temps de Covid, les vrais héros soient les travailleurs du milieu de la santé, que les gens sains d'esprit aiment, avant même de savoir ce qu'ils feront. Ceci expliquant peut-être le succès, aux États-Unis. Et de voir des faces Québécoises qu'on a jamais vu, là-bas, ça aide toujours à y croire encore plus.

Dans toute forme de film, série télé, si on voit un personnage et non Tom Cruise, Jennifer Connelly ou Brad Pitt, on y croit inconsciemment déjà beaucoup plus. 


Cette première saison n'a été tournée qu'en anglais. Donc quand Noovo nous la propose, ce sont des voix doublées, sur des faces qu'on sait très bien qu'ils parlent un excellent français, leur langue d'origine, que nous entendons sonner faux. Ça sonne extraordinairement faux. Je suis déjà très anti doublage de voix, le moins possible en tout temps, je ne serais donc pas gagné à cette série. D'autant plus qu'une série appelée Transplanté, non seulement c'est une menace botanique, mais c'est plutôt laid. 


Vous écouteriez ma chanson si elle s'appelait "Riboflavine" ? 

Faut savoir choisir du beau des fois, pour penser toucher autrui.

Chaque fois que j'ai vu la bande annonce, et surtout entendu les sons qui en émanaient, j'ai eu cette sensation de parfait colonisé.

Laurence Leboeuf, Patrick Labbé ou Juliette Gosselin doublés, tourné chez moi et qu'on veut maintenant me présenter à moi, c'est aussi pire que le Plateau Mont-Royal à l'accent français de France. 

Colonisé au point d'en effacer l'autre. Mascaradé. Si bien enveloppé dans autre chose, que c'est devenu Frankensteinisé.

Je ne ferai pas de parallèle douteux davantage.  

Sue me.

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