mardi 15 novembre 2016

Le Dernier Orgasme Politique Québécois

"...un changement de gouvernement serait le point de départ d'un intense mouvement de renouveau au plan politique et social..."

Ce passage à lui seul m'aurait fait voter PQ il y a 40 ans, et me ferait encore voter PQ demain.
C'est aussi ce qui a fait voter les Étatsunien, quand ils ont choisit Trump.
Ils ont moins choisi Trump, à mon avis, que rejeté Hillary.
(je vous en reparle autrement samedi).

Le passage cité plus haut est tiré d'un fort éloquent éditorial, écrit de la main du fort brillant Claude Ryan il y a 40 ans. Ce sont ses frissons, quelques jours avant que le Parti Québécois ne prennent le pouvoir pour une première fois, frissons qui sont sensiblement restés les mêmes pour le parti Libéral depuis.

Une peur, toujours présente.

Ryan, 4 ans avant de retourner 100% sa veste, se rangera du côté de René Lévesque en 1976.

En 1976, les Libéraux de Robert Bourassa sont au pouvoir depuis 6 ans. Ils ont même été dévastateurs aux élections de 1973, récoltant 102 sièges sur 110 à l'Assemblée Nationale, score alors sans précédent. Lors de cette élection, même René Lévesque ne gagne pas sa circonscription, pour la seconde fois de suite. Il ne peut donc pas siéger. Bourassa a déclenché les élections rapidement, avant terme, sachant le PQ non prêt, et les as mis K-O par déséquilibre imprévu. Le PQ n'a jamais rien vu venir.

Malgré leur confortable majorité parlementaire, les choses ne vont pas bien pour les Libéraux. Les débats sur la langue sont un problème de plus en plus criant au Québec, à Montréal surtout où la langue de travail est principalement l'anglais. La loi 22 ne plaît à personne. Le chantier de la Baie James est saccagé lors d'un conflit inter-syndical, trois chefs syndicaux séjourneront en prison. Le coût des jeux olympiques devient astronomique et sa gestion catastrophique. Les jeux font honte car les grues sont partout. Le Stade (dont le mât n'est pas prêt à temps) sera un robinet ouvert pendant des décennies à venir, mais le Québec ne le sait pas encore.

Quand en 1974 René Lévesque annonce que la Souveraineté se ferait par consultation de la population, par référendum, et non dès lors une accession votée par le peuple. Cette précision est accueillie comme un immense soulagement national. L'impact en sera très important.

Les Libéraux, comme maintenant, sont frappé par des scandales et des preuves d'incompétence.
Le PQ n'a que 6 députés élus, mais ceux-ci couvrent large au Québec.

Les gens sont prêts pour autre chose. Ils ont toujours aimé Lévesque.
Mais ils ont peur de son projet national.

Comme en 1973, Bourassa déclenche des élections hâtives avant la fin de son mandat de 4 ans, souhaitant surprendre à nouveau le PQ. Le 18 octobre 1976, il émet le bref d'élection pour une courte campagne de moins d'un mois.

13 jours avant la conclusion de la campagne, les États-Unis surprennent en élisant le démocrate Jimmy Carter et non le républicain Gerald Ford.

Le 15 novembre, la France pleure la mort de Jean Gabin, monstre sacré du cinéma, foudroyé par une crise cardiaque à l'âge de 72 ans. Le même jour dans la francophonie d'Amérique, on vote son gouvernement. Il neigeait un peu en matinée, faisant craindre que les gens ne sortent pas voter, puis, ça s'est estompé.

Ce sera l'un des plus grand moment de fierté nationale au Québec. Le Québec n'a jamais paru plus aux Québécois qu'à ce moment-là. La surprise reste totale.

À 20h40, Bernard Derome annonce sur les ondes de Radio-Canada, que si la tendance se maintient, le prochain gouvernement sera celui du Parti Québécois et qu'il sera majoritaire.

Lévesque est enfin élu dans son comté. 71 députés Péquistes seront élus. 26 libéraux et 11 Unionistes.

"J'ai jamais pensé que je pourrais être si fier d'être Québécois" clame un ému Lévesque au micro.
Tout le monde s'en est rappelé.

"On est pas un petit peuple, on est peut-être quelque chose comme un grand peuple" continue-t-il
Ça, tout le monde l'a un peu oublié.

Après le Maîtres Chez Nous de Lesage, c'était le dernier orgasme politique québécois. Jamais égalé depuis.
 Le Québec ose. Ce qu'il ne fait plus.

Inimaginable pour le Canada anglais, still is, un gouvernement cessationiste accède au pouvoir.

Dans les années qui suivront se crééront, la charte de la langue française, des lois sur la protection des lois agricoles, la nationalisation de l'amiante, la santé et la sécurité au travail, la régie de l'assurance automobile, l'aide juridique, une réforme du code du travail. une loi sur le financement des partis et la loi 101.

Le premier mandat du PQ est avant-gardiste et si fécond que l'idée de la Souveraineté n'est pas du tout urgente. Il faut d'abord être bon et les gens du Parti Québécois, entre 1976 et 1980, le seront.

Le même soir, avec une télé en sourdine pour suivre les élection, un des meilleurs bands qui n'aura jamais existé chez nous, lance aussi son dernier album.

Le Québec s'habillait d'une nouvelle fierté, ce soir, il y a 40 ans.


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