dimanche 13 novembre 2016

Gerald Godin

Gerald est né à Trois-Rivières et y grandi y devenant journaliste au Nouvelliste de 20 à 25 ans.

C'est là-bas que le cinéaste Jacques Godbout tourne un film dans lequel se trouve Pauline Julien en spectacle au Fleur-de-Lys, qui a elle, 35 ans. Godin est absolument charmé. Et vice versa. Ensemble des voiliers de rires passent comme des outardes dans la chambre. Une longue histoire d'amour s'écrit dans leurs coeurs respectifs. Godin est excellent recherchiste et sa curiosité sera payante au cours de sa carrière. Il est aussi poète. Il a publié de la poésie en parallèle de son travail de journaliste. Celle-ci est plus ou moins bien reçue au début à T-R. car il fait utilisation du joual. Il collectionnera les mots toute sa vie, les expressions québécoises, avec une volonté d'utiliser le langage du quotidien qui peint à la fois le Québécois, mais surtout qui lui rend hommage. Il discute de taches de graisse su'a conscience.

Godbout est aussi séduit par sa verve. Il convainc Godin de venir vivre à Montréal, sous prétexte que les luttes nationales ont besoin d'un gars comme lui. Godin entre vite dans les réseaux. Il est d'abord journaliste au Nouveau Journal de Montréal. Pas longtemps. Il devient éditeur et chef des nouvelles de Radio-Canada pendant 6 ans. Il se fait des amis, Denys Arcand, Michel Brault, à L'ONF,  et tourne ici et là avec eux. Quand Trudeau (le serpent père de l'autre) fait ses purges d'indépendantistes à Radio-Canada, Godin est remercié de ses fonctions. Arcand le fait travailler quelques mois à l'ONF, puis Godin fonde l'hebdomadaire Québec-Presse, voué à la défense des intérêts populaires et syndicaux.

La langue de travail au Québec, à Montréal surtout, est l'anglais dans les années 60. Godin s'en insurge. Curieux, fasciné par le réel, Godin a le dialogue facile. Et comprend vite l'organisation d'une micro-société. Il milite, avec Québec-Presse, pour la lutte en faveur de la libération nationale. Un de ses articles sera titré (amèrement) Une "call-girl" nommée Québec et un pimp nommé Trudeau. Ceci viendra lui mordre la main bientôt. Pauline Julien est plus vocale que lui encore et aussi en faveur de l'indépendantisme. Avec les frasques du FLQ, les deux sont arrêtés lâchement à l'aube pendant la crise d'Octobre et jetés en prison, sans mandat lors des sombres mesures de guerre implantées par Pierre Elliot Trudeau, Cet épisode cicatrise Godin qui avait peu à se reprocher sinon des envies de pays.

Il écrira sur la puanteur des antichambres de premiers ministres, sur les baveux du million mal acquis.

Il enseigne un peu à l'UQAM, mais quand les enseignants tombent en grève, il plaque tout et choisit de s'investir en politique. Il sera candidat contre celui qui l'avait accessoirement envoyé en prison, Robert Bourrassa, dans son comté, Mercier. Aux élections pleines d'espoir de 1976, le PQ prend le pouvoir. Non seulement Godin, qui a fait campagne, de porte à porte, en vélo, bat Bourrassa dans Mercier, mais l'annonce de sa victoire sera celle qui confirmera la majorité du PQ pour gagner la province.

Il faut rêver aujourd'hui pour penser demain.

À partir de 1979, il sera adjoint parlementaire du Ministre des affaires culturelles, puis du Ministère de la justice avant de devenir lui-même Ministre de l'immigration. En effet, non seulement noue-t-il de brillants liens avec les Portugais et surtout les Grecs, mais il est presque l'un des seuls qui comprend que la souveraineté se fera AVEC les communautés ethniques, non pas sans leur apport.

Votre pays n'attendra qu'un signe de vous pour vous sauter au cou. 

En 1980, le Québec devient le premier peuple à refuser son indépendance depuis la fin de la Seconde Grande Guerre. Godin ne comprendra pas pourquoi le mot indépendance est digne partout dans le monde, mais méprisé chez nous. Godin veut un Québec riche comme la planète l'est à ses yeux. Le nationalisme de Godin est fameusement ouvert. Il se dit nationalitaire. Inclusif par rapport aux immigrants. À l'Immigration, il ouvre les portes du PQ aux Néo-Québécois. Godin est un bijou rare. Il écrit toujours et reste généreux dans ses disponibilités et même ses dédicaces. Son poème Tango de Montréal est gravé sur un immeuble à la station de Métro qui fût la mienne pendant longtemps, Mont-Royal.

De 1982 à 1983, il est Ministre responsable de l'application de la charte de la langue française, la loi 101, avant de devenir Ministre délégué aux affaires linguistiques en 1984. Cette même année, avant un discours à la salle de bain, sa main gauche ne répond plus avant de trembler. L'écume lui monte à la bouche et il perd l'équilibre. Il croit à une crise d'épilepsie. Ce sera un cancer du cerveau.

La maladie le met face-à-face avec le désordre de la vie et il en rit. Il pouffe quand il tombe du lit, est incapable de nouer sa cravate ou met son manteau à l'envers. Bon rieur depuis toujours, quand Pauline lui court après avec une pelle pour l'enguirlander sur ses infidélités (il aime les femmes et Julien et lui savent quand se choisir), il s'étouffe de rire.

Les mots sortent bumper à bumper
comme les chars du soir à 5 heure.

En 1985, il est à la tête de ceux qui demande à Pierre-Marc Johnson de quitter la tête du PQ et de céder sa place à Jacques Parizeau, Quand René Levesque décède en 1987, il gagne sa bataille et Parizeau prend la tête du PQ. Le PQ sera dans l'opposition à partir de 1989. Les ministres n'ont donc pas de limousines. Godin vient tous les jours en autobus et refuse la voiture que le PQ, qui le voit affaibli, veut lui offrir. Il fait même toujours du vélo et se montrera jusqu'à la fin de sa vie avec le crâne à moitié rasé par les traitements de chirurgie. Cette fois, il ne gagnera pas sa bataille.

Le 12 octobre 1994, il passe à l'ombre, à l'âge de 55 ans.

L'année suivante, le pays est volé lors du second référendum.

Gerald Godin, dont l'anthologie Ils Ne Demandaient Qu'à Brûler regroupent toutes les oeuvres poétiques, et dont le livre La Renarde et le Mal Peigné couvre des fragments de correspondance entre lui et Pauline Julien, sa muse, aurait eu 78 ans aujourd'hui.

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