(à Justine D. qui brille de ses 40 automnes aujourd'hui)
J'me demande p'us de quel côté que je suis
T'es ma richesse ma belle amie
Même si (tu penses que) tes fesses ont ben grossi
J'me sens (des fois) un peu moisi moé'ssi*
Elle s'obstinait à la petite école secondaire avec son amoureux sur le sujet.
Le plus bel âge lui, il disait que c'était 18-19-20 ans. Un âge tout près, tout près. C'était demain. Elle, elle stipulait qu'à 40 ans, les gens savaient ce qu'ils voulaient dans la vie, étaient moins fanfarons, avaient souvent une famille et une maison, se posaient assurément moins de questions, avaient généralement trouvé l'amour de leur vie, le job qui les rendaient happy happy. Mais encore...le job... selon elle travailler toute sa vie pour payer la retraite de ses parents, là était la plus grande supercherie. Travailler, pour les gens de son âge, elle le savait déjà, ce serait pour payer la facture de ses parents. C'était donc totalement surévalué. Tant qu'à le faire aussi bien s'amuser. Et à 40 ans, normalement on est placé. Voilà pourquoi pour elle c'était assurément le plus bel âge.
Mais la fin de son secondaire était heureux. Son amour, elle l'avait trouvé. Elle avait son prince dans son carosse. Pas qu'elle soit princesse, loin de là. Élevée dans une famille où elle avait deux frères plus jeunes, sa féminité elle à dû l'apprendre à l'école. Pleine d'entrain, sportive, animée quoique physiquement tout à fait féminine, elle a dû lever le pied à quelques occasions car "une fille ne fonce pas partout comme ça". Dans sa Rive-Sud natale, son père et sa mère avait vécu presque sur deux îles différentes. Si bien que le temps aura eu raison de leur union. Ses frères encaissant le coup plus mal qu'elle qui avait vu venir la fracture.
Pour sa part, elle vivait un rêve. Ses amies l'enviaent presque. Elle avait son chum de jeunesse à ses côtés. La case de l'amour de sa vie était cochée.
Toutefois deux enfants trop tard, son couple devait lui aussi se dissoudre quelques ruisseaux de discorde devenus fleuve plus tard. Après maints essais, la mécanique ne fonctionnait plus et son homme quittait pour de bon et pour une autre. Elle avait bien tenté de construire un pont sans toutefois réussir à construire le château. Pas qu'elle n'était pas belle et désirable, au contraire, elle n'a pas de forme à envier à personne, ses yeux sont d'une intelligence certaine, dans une certaine lumière c'est même la plus agréable femme à regarder en province. Une lumière fréquente et tout à fait séduisante. Une lumière quelque fois issue carréement de son regard.
L'échec de son couple devint alors un boulet. Un parfum de mélancolie perpétuelle. Elle qui avait vu son père et sa mère échouer à en arriver à un compromis amoureux, la voilà qu'elle même les imitait quelque vingt ans trop tôt. Ses amis continuaient à faire des bébés, continuaient à s'aimer et elle, elle cherchait son prochain partenaire. Avec ses deux enfants sur la banquette arrière. Elle continuait de fréquenter son entourage mais de moins en moins. Le masochisme a ses limites.
Tout lui rappelait l'autre. Les unités lui rappelaient sa fraction.
Son travail, étrangement, était son refuge. Elle y avait travaillé très très fort, pas toujours dans des bonnes conditions, et la vie lui avait offert un poste dans l'école secondaire même où elle avait passé certains des plus beaux moments de sa vie. Là où elle avait rencontré, séduit, aimé et vice-versa, le père de ses enfants. Une nouvelle virginité là elle s'était tant amusée par le passé. S'amuser au travail: objectif atteint.
Elle avait, par la force des choses, pratiquement coupé tous les ponts avec son ancienne gang d'amis car chaque fois, ce qu'on lui renvoyait en plein visage c'était des couples, des nouveaux bébés, tout ce qu'elle n'était pas, tout ce qu'elle n'était plus. Et cette nette impression que tout le monde circulait en Formule 1 pendant qu'elle conduisait sa smart... On lui renvoyait alors un échec en plein visage. Sa réalité était ailleurs. Elle devait accepter une nouvelle femme dans la vie de...voilà elle avait un ex...quel mot horrible...ex...ex comme dans expatriée. Elle se sentait expatriée sur une île. Une île où tranquillement elle se glissait dans le costume d'un scaphandrier bien qu'au fond, c'est tout juste hors de l'eau qu'elle tentait de garder sa (belle)tête.
Elle avait bien essayé de relancer sa vie amoureuse, avec un autre naufragé de l'amour qui avait aussi deux enfants, deux garçons, issu de son passé. Mais les garçons...elle commençait à en avoir assez. Quand tout le monde était réuni, c'est l'air qui commençait à lui manquer.
Pas qu'elle se transformait soudainement en lesbienne mais il lui semblait que c'était exclusivement avec ses amies de filles qu'elle s'amusait désormais. Jamais elle ne riait autant qu'entre copines. De nouvelles. Pour une nouvelle vie. Ses élèves lui faisaient découvrir les textos et tous les jours les filles s'envoyaient des conneries sur téléphone. Tellement le fun. Elle s'exastiait même maintenant en écoutant certaines chansons.
Quelque part seulement nous savons.
Ouais, à 40 ans. Elle savait maintenant.
Elle avait raison sur toute la ligne, c'était définitivement le plus bel âge.
Là où elle se trompait c'était sur la vie de couple à deux.
C'est la vie de couple qui était nettement surévaluée.
Elle était là, la vraie supercherie.
Happy B-day, Lovely J.
Tu nous manques souvent.
*En italique et en taille normale, 4 lignes du magnanime Fred Fortin.
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