Je n'ai pas honoré mon privilège tellement souvent.
En tant qu'ancien étudiant d'une école privée spécialisée en cinéma, je reçois hebdomadairement des invitations à des premières de film. Ce matin là, j'avais choisi de raser ma barbe (me coupant bien sûr, cette barbe était franchement trop longue). Je faisais donc peau neuve, je me devais de dévier de mes habituels parcours.
Les "premières" en question sont en fait des visionnements de presse. Comme j'ai déjà fait de la radio (avec Sophie Cadieux et la toujours agréable Lidzy O) à CISM, je signe toujours, car il faut toujours montrer patte blanche à l'entrée, l'acronyme de la radio étudiante de l'Université de Montréal sous le vocable "média". Je ne signe jamais Hunter Jones. Je signe toujours un nom qui fera se questionner la jeune fille en fleur (car il n'y a que les jeunes filles en fleur qui acceptent ce type de guidounage sous-payé) qui nous accueille à l'entrée, toute en beauté.
Wutapree Steeshurt.
T.Binkyute
Sean O'Pignonverr
Lourdes Ciccone
Piano Man
S.Pion
Yvan Peer
Tout ses gens travaillant à la radio de CISM bien entendu. Je leur donne en quelque sorte un brin d'excitation dans leur rôle plate de plante de jardin.
Et du jardin, il y en aurait ce matin-là dans le film à l'affiche. Jean, Dujardin. Que j'aime bien. Sans paroles. Dans un film muet, avec intertitres anglais, se déroulant entre 1927 et 1935 dans l'univers du cinéma sans son. Dujardin joue un acteur de films muets à la Douglas Fairbanks qui voit sa carrière piquer du nez quand le son fait son entrée en 1929. Bérénice Béjo joue une actrice à qui arrive le destin contraire. John Goodman est étonnant dans le rôle d'un producteur hollywoodien accroché à son cigare, James Cromwell est (comme toujours) parfait en fidèle valet, Pénélope Ann Miller ne fait que passer et Malcolm McDowell...mais que faisait-il là Malcolm McDowell??? il a une seule scène, on ne sait trop qui il est, et il joue un rôle qui aurait pu être joué par n'importe quel figurant! Il est une oreille et un sourire pour une actrice en devenir sur un banc de parc. Une scène de 13 secondes...Ce n'est pas un rôle, c'est un caméo...son nom au générique d'ouverture était un leurre. Et quel gaspille de talent...C'est moi où Malcolm est en stade Nicole Kidman? C'est-à-dire en mode, du point de vue des spectateurs, "Qu'est-ce que je me sens mal pour lui, il prend de très mauvaises décisions."
Je lisais le dossier de presse et le réalisateur revenait sans cesse sur les deux films de la série OSS (avec Dujardin entre autres et Béro pour le premier). Ce n'est que là que j'ai réalisé qu'il s'agissait du même homme: Michel Hazanavicius. Ce qui fonctionne le plus d'ailleurs dans le film c'est justement l'humour. Et le chien Uggy, très habile. Tourné en noir et blanc et sans sons, quelques trouvailles visuelles avec (Béro et un tuxedo entre autre) et des gags sur l'abscence du son font mouche. Le jazz est à l'honneur pendant tout le film. Rien pour me déplaire. Le noir et blanc est aussi bien rendu par la photo de Guillaume Shiffman. Une erreur atemporelle à mon avis: pointait-on vraiment le majeur pour envoyer promener quelqu'un en 1927?
Le film était attendu. On parle d'oscars. Tout le gratin de la critique médiatique de Montréal y était. La salle débordait. Je retrouvais les mêmes têtes pas montrables qu'à la belle époque de la cinémathèque. Ces vieux fous ne se lavent pas plus qu'avant. Ils se couchent tout habillé en écoutant La Grande Illusion tard dans la nuit, se relèvent dans le même linge et vont au cinoche après avoir (peut-être) mangé. Sans se brosser les dents bien sûr. J'étais assis à côté de l'un d'eux. Les films en salle ne me manquent pas. Voilà un endroit appelé à mourir.
À mon humble avis The Artist passait un peu à côté, du grand film qu'il aurait pu être. 2011 est trop bruyant pour ce film muet. Je ne sais pas si il trouvera son public. En s'imposant la contrainte de ne pas mettre de son, le réaslisateur/scénariste est passé à côté du fait que la plupart des acteurs du cinéma muet étaient de récents immigrés qui parlaient justement très très mal la langue anglaise mais qui avaient de la gueule. On l'évoque dans la seule ligne sonore du personnage de Jean Dujardin, la dernière du film, mais je ne crois pas que tout le monde en saisissent toute la référence. En revanche, son film fera le tour du monde car des intertitres, ça ne coûte rien à la traduction. Et l'image est universelle. Dujardin est exceptionnellement bon. Comme d'habitude. Je pense que Cannes lui a donné sa feuille de vigne du meilleur acteur d'ailleurs.
Peut-être suis-je aussi rendu trop exigeant dans mes écoutes cinématographiques. Quand on nous sert tant de fast-food, on n'arrive quelque fois à n'en plus reconnaitre les briouats aux foies de volaille des frites.
Le réèl plaisir je l'ai goûté dans ma petite marche de la rue Emery à ma voiture sur la rue Laval à la hauteur de Roy. Il faut que je me stationne de plus en plus haut pour tremper dans mon centre-ville chéri.
Fair enough.
Cette ville n'est pas pour les voitures.
Les films ne sont plus tellement pour les salles non plus*.
Qu'est-ce que j'ai signé comme nom sur la feuille au cinoche?
Hubert Bonisseur de La Bath
(Seuls les intitiés comprendront)
*On annonce quand même des films au potentiel sûr comme The Descendants "dans certaines salles dès..." alors qu'auparavant, même si c'était faux, on affichait "en salle partout dès...". Les films en salle se vendent donc de moins en moins bien.
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